Zéro de conduite.

Hervé Lénervé

Avez-vous remarqué comment des caractères, des personnalités peuvent être changées, pour certains, dès qu’ils s’assoient derrière un volant.

Je connaissais un copain qui était cool et zen dans la vie, comme un lama, pas la bestiole « postillonnante », le bonze en peignoir orange. Donc ce mec, bien élevé sous la mère, devenait le pire des connards au volant. L'invective aux lèvres comme le mégot à celles de Prévert, il insultait, il vociférait pour un oui pour un non, pour un oui-non, sur la route. Sa classification du genre de l'humanité était dichotomique, les mecs bien, derrière lui, les cons tous devant en coalisions généralisée contre sa pomme. C'était un autre homme et je n'aimais pas cet homme-là !

Moi, je n'ai pas envie de devenir un con, je laisse conduire ma femme. Du coup, c'est elle que je ne reconnais plus. Elle, si douce, si tendre, si amoureuse, à la maison… avec son chat, devient un diable de Tasmanie dans la voiture.

Pas plus tard qu'hier encore, tiens, une grosse voiture noire, patibulaire, dont on ne révèlera pas l'identité immatriculaire, devait croiser la nôtre, une petite Smart rouge sympa, pas fière, dans une rue assez large réalisée dans la prévention éventuelle  du croisement de deux porte-avions, cette voiture, donc, dépassait d'un peu de pneu la ligne médiane de la chaussée, point. Ah, enfin, quand même ! Ma femme, qui est la pire des mégères-harpies et consœurs, quand elle conduit, n'a pas daigné s'écarter de vingt centimètres pour réussir l'exercice périlleux du croisement de deux corps roulants en saut alto arrière, mais pas en aveugle, quand même. Je voyais le mec, grand, musclé, baraqué, un géant, commencer à s'énerver (comme moi, enfin comme mon nom, oui, mon avatar, mon double, derrière lequel, en gros lâche, je me cache.) dans sa bagnole. A force de s'énerver (comme qui ?) il descendit de sa guimbarde. Alors là, j'eus la présence d'esprit de prévenir mon épouse.

-         Là, je crois, ma chérie, qu'il va-t-en mettre une…que tu n'auras pas volé, mon amour !

Malheureusement pour moi, la brute était un gentleman. Monsieur, ne battait pas les femmes, lui, n'importe quoi, eh l'autre, c'est nouveau ça ou quoi ? Bref, il préférait pratiquer l'injustice. Par conséquent, il me massacra sur la chaussée qui était assez dure du reste et ne sentait pas particulièrement bon le macadam, de plus ce n'était même pas ma pointure.

Bon depuis ce temps qui date de peu, je conduis myself avec mes béquilles, mes bras dans le plâtre et mes jambes en attelle. C'est plus prudent et sur la route, la prudence est mère de Sécurité Routière et qui a pour père la Sécurité Sociale.

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