02 - DJIN ET LE LIVREUR DE CHEZ FEDEX

J'entre complètement fourbu. Je me sers un scotch. J'entends l'eau coulée, c'est tout normal. Djin doit en être à sa sixième ou septième douche. Je fouille ma discothèque. Voilà, les «Sex pistols», ça va me détendre. Je suis fou de cette chanson «Bodies» allez savoir pourquoi… J'insère le CD. J'effectue les réglages. Je retire mes godasses. J'enfile mes moufles et je me cale dans mon fauteuil. 

DRING… DRING…

— Laisse, je vais ouvrir.

— Depuis quand vas-tu répondre à la porte, Djin ?

— Ben, depuis que j'ai appris comment faire et toute seule de plus. Ça t'embête?

— Non… bien sûre que non…! «Enfin elle prend des initiatives. Je ne vais pas me plaindre, mais, tu parles d'une réponse.»

BOOM…!!

— C'est quoi ce bruit, Djin ?

— Bien je ne comprends pas, un gars qui s'est écrasé au sol en me regardant.

— Minute je viens… Djin !!! Tu t'es vue. Je t'ai dit que les chaussettes ce n'était pas suffisant comme vêtements. Allez, vas te vêtir.

Elle revient avec ce peignoir transparent, lui tombant à la mi-cuisse, celui que je lui ai offert lors de… de mon dernier anniversaire.

— Mais Djin, tu t'es regardée, tu ressembles à Ève. Ah ce pauvre Adam,  pensais-je, dure-dure pour lui.

— Tu parles d'Ève, notre voisine, et ce mec se nomme Adam… tu le connais ?

— Non, mais tu vas me rendre fou !

— Ah bon…

— Aide-moi plutôt à relever ce pauvre homme.

Naturellement je me tape tout le boulot, Djin se contente de ramasser sa casquette.

— Un livreur de chez Fedex. Mais qu'est-ce qu'il fait ici ce type?

— C'est un truc que j'ai commandé. C'est mignon son costume.

— Tu l'as regardé Djin, il a un énorme pruneau au beau milieu du front, et depuis quand est-ce que tu passes des commandes?

Elle consulte sa montre et me réponds : «Environ 72 heures.»

— J'ai utilisé ta carte de crédit «Américain ex-press.» Je ne savais pas que les cartes de crédit pouvaient aussi divorcer. Touche sa bosse, poursuit-elle, il parait que sa porte chance, les bossus.

— Djin, s'il te plait, cours à la cuisine et ramène des glaçons. Ma carte de crédit maintenant…

Assis sur une chaise, le type reprend lentement ses esprits. Je lui demande la raison de sa présence, et il me parle d'une importante livraison. Là je me sens mal à mon tour. J'ai l'impression de tourner dans «le facteur sonne toujours deux fois» sauf que, c'est le livreur qui est sonné  Djin revient avec trois mini-cubes. Le mec la dévisage et donne de nouveau des symptômes d'étourdissements. Djin lui offre une sucette à la cerise. Il la regarde avec des yeux en forme de beignets. Je m'aperçois que Djin salive, elle adore aussi les beignets. Alors là, c'est carrément du «Hitchcock.» J'ouvre la fenêtre soi-disant pour aérer et je m'assure qu'il n'y ait pas de piafs aux alentours.

— Djin, trois glaçons ça ne suffit pas.

Elle retourne et revient avec un plein sceau et deux paires de chaussettes, légèrement décolorée, qu'elle ne porte plus, évidemment. Le gars de Fedex fixe Djin remplissant l'une des chaussettes de glaçons et en devient gaga. Je hais Lady Gaga.... alors là, c'est définitif. Elle lui tend le tout et, la main tremblante, il se saisit de... de… ce qui ressemble, soudainement, à un saint suaire. Il le pose sur son cœur. Je lui fais remarquer que le front serait préférable.

Finalement, après trois chaussettes, il se sent mieux. Je l'aide à décharger les colis. Trois énormes cartons que je dépose prêt du vaisselier de tante Vernace. Il me présente son écritoire électronique et, tout en signant, j'aperçois le montant : «18 500 euros.» Mais…! Mais…! Mais…! c'est quoi ce délire. Là c'est définitif du Hitchcock de nouveau «Pas de printemps pour Marny» Djin tient un couteau et, désemparé, je me fracasse la tête contre un mur. Djin me touche la bosse. Le livreur de Fedex en profite pour se farcir son cul.

Non, mais Djin, tu viens tout juste de claquer 18 500 euros. Comment je fais pour tout payer ?

Ben, des heures supp… t'as qu'à travailler un peu plus fort. C'est tout.

— Mais Djin tu peux me dire ce que contiennent ces boites ?

— Tu verras plus tard, c'est une surprise, maintenant viens t'allonger.

Le gars de Fedex remet sa casquette et sort tout sourire, un vrai voyeur. Je l'aurais mordu. Djin déballe l'un des cartons. La tête me tourne aussitôt, Je n'y crois pas et je perds conscience…

On en reparlera.