A blanc

lilii

  J’ouvris l’œil. J’avais la figure moite, engluée de paillettes, les cheveux "serpentins" tandis que des restes de bûche s’ébauchaient en bouche. Je me relevais difficilement, perchée sur des talons trop hauts, l’équilibre en sursis et le bas de la robe déchiqueté, colorié de boue.             

  Je m’appuyais sur le rebord de la fenêtre, cherchant un repère, quelque chose de familier qui aurait pu justifier la légitimité de mon existence dans cette pièce squattée par les fantômes d’une estouffade. J’avais le cœur flou et les yeux incrédules. La liqueur de prunelles ramenée par le Cousin du Nord avait contraint mon estomac à faire de la luge et mes tripes semblaient s'être pendues au sapin.

« Où suis-je ? »

Je rassemblais les miettes de mon cerveau. Hier, il avait neigé, oui. Je me souviens de la douleur sous-pression du sang stagnant dans les veines après avoir fourré les mains dans la neige.

« C’était donc ça ? »

 Je me frottais les yeux, mes yeux de carton étiquetés Château neuf du Pape. Rien ne changea.

Le paysage était blanc, comme la veille, identique comme ces lots de cartes postales de Noël meringuées. Tout était absolument blanc, les yeux montés en neige. Un monde sans teintes, délavé de ses couleurs. J’ouvris la porte et un vent glacial s’engouffra entre mes pores, des flocons dans le sang.

  Un chemin, esquissé de cailloux, d’herbes folles, comme un paysage de contours tremblant s’ouvrait devant moi comme une promesse sans surprise. Plus rien n’avait de tonalité, plus rien n’avait d’âme dans cet étrangeté paisible.

Des gens marchaient à l’horizon, presque invisibles, fragiles personnages sur leurs contours. Leurs joues n’avaient plus le ton pourpré et rosé des grands matins de froid. Les fruits avaient perdu leur couleur et leur rondeur. Je levais les yeux au ciel, un ciel pâle, enterré dans la lumière. Un arc-en-ciel arrondissait le ciel en sept lignes.

Le monde n’était plus qu’une esquisse fragile au temps, serpentant de lignes grises comme des ombres, coupant la lumière, éphémère sur une feuille de papier. Le monde était un vaste brouillon de lignes en diagonales, droites ou zigzagantes, un  monde parallèle, perpendiculaire aux couleurs.

Je m’assis sur la ligne tourmentée d’un rocher.

 A côté de moi, sur un angle droit, bullait un caméléon monochrome, qui dans un sourire quadrillé, me tira la langue...

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