Anthropobscène

petisaintleu

D'année en année, la montagne s'élevait d'environ deux mètres. De mémoire géologique, jamais on n'avait vu un tel prodige. Des forces mécaniques avaient remplacé l'inéluctable et imperceptible travail de la tectonique. Les pelleteuses  dessinaient au quotidien de nouvelles géographies, poussant des plaques de ciment qui, au gré de leur déplacement, se mélangeaient à des croûtes formées par la collision improbable de reliefs organiques, de terres rares et de sédiments pétrolifères. Des volcans recrachaient des fumerolles méthaniques, paradis d'un nouvel écosystème de monstres que n'aurait jamais imaginé le docteur Moreau.

Mais ce n'était qu'une goutte d'eau. Au large, un nouveau continent prenait forme. On y accueillait des cohortes de touristes blasés d'avoir parcouru le globe à la recherche des derniers ours polaires ou des tigres blancs exsangues. La nouvelle mode consistait à jeter par-dessus bord des bordées d'immondices à la face des requins-bouledogues et des léviathans, célébrant la toute-puissance de l'humanité.

Dans les temples implantés à la périphérie des villes, les diacres célébraient les idoles du gaspillage. Des armées de zombies réclamaient leur dû. Chacun demandait le droit de participer à la gabegie. Dans leur Olympe aseptisé et protégé de ces viles tentations, les deus ex machina s'amusaient de jouer avec leurs marionnettes habillées des chiffons made in Bangladesh.

Tout le monde était dans la même galère, avec quelques nuances. D'un côté, les croisiéristes qui déchargeaient leur cargaison de peaux diaphanes et de l'autre les peaux tannées de soleil embarquées au mépris de leur vie. Les uns se requinquaient sur des plages au sable immaculé. Les autres se faisaient cramer à peine débarqués pour être conduits dans des clubs méditerranéens recyclés en centres de tri. D'un côté, des huiles solaires tartinées sur des corps engrossés de pâte chocolatée. De l'autre des carcasses, hâves d'exploiter les éléis de Guinée.

Les déserts progressaient dans les esprits vidés de tout sens critique et, pire encore, de toute raison logique et constructive. À quoi bon lutter et prendre le risque d'apparaître pour un va-t'en guerre ? Alors on se mentait pour s'éviter les tracas qu'une balle perdue ne vienne remettre en cause le doux parfum du sabordage. À quoi bon se projeter demain ? Après eux le déluge d'avoir asséché les bassins alors que les côtes souffraient d'hydropisie.

L'Homme put admirer en direct son œuvre destructrice, alchimiste de la nature, plombant l'or en étrons consuméristes. Animé depuis l'origine de l'instinct de mort, il ne croyait plus assez au dieu qui l'avait créé pour remettre entre ses mains l'Apocalypse.

C'est pourquoi les forces panthéistes prirent le relai. Aux dix plaies d'Égypte elles inventèrent les leurs, ressortant de leurs derniers bastions des armées oubliées. Des grottes de Bornéo ressurgirent d'antiques virus. Des abysses apparurent des bactéries qui n'avaient pas encore eu le loisir d'œuvrer au grand jour. On fit appel au ciel pour faire pleuvoir des météorites.

Tous les atomes se liguèrent contre la bête inique qui s'était prévalue d'être sage et intelligente. Le hasard des mutations et des combinaisons ioniques mit toute son énergie à annihiler l'artificialité. Il aura suffi d'un rien, à peine dix-mille siècles, pour que Gaïa retrouve sa sérénité.

Dès lors, de l'immensité des steppes à l'infini de l'espace, le silence régna, à peine perturbé par les derniers soupirs d'une bête agonisante sous les crocs d'une meute ou par l'holocauste généré par le crachat d'un cratère.

La vie reprit son cours.

  • Un certain manichéisme, comme toujours.
    C'est dommage ! Le texte est bien écrit. Mais, il faudrait apporter un peu de nuances. Cette vision est trop bipolaire ! C'est comme si j'entendais un morceau de musique assez bien construit techniquement, avec un thème intéressant, mais joué sans âme et sans nuances.

    · Il y a presque 6 ans ·
    Couv2

    veroniquethery

    • Ah oui... Pourquoi, l'Homme met-il toute son âme et sa nuance à conduire la Terre droit dans le mur ?

      · Il y a presque 6 ans ·
      Cpetitphoto

      petisaintleu

    • Comme d'habitude, tu ne comprends pas... Pas grave

      · Il y a presque 6 ans ·
      Couv2

      veroniquethery

    • C'est sans doute pour cela que je te questionne... Si je comprenais, j'utiliserais la forme affirmative. C'est mon point de vue de ne pas avoir envie de mettre une note d'optimisme.

      · Il y a presque 6 ans ·
      Cpetitphoto

      petisaintleu

  • Et toutes ces planètes mortes autour de nous ont peut-être subi le même sort...sans renaître hélas !

    · Il y a presque 6 ans ·
    Louve blanche

    Louve

  • Et la vie reprit son cours....

    · Il y a presque 6 ans ·
    00

    gone

  • Excellent mon cher Petitsaintleu, le titre aussi. Et on est en plein dedans, c'est même plus de la fiction...

    · Il y a presque 6 ans ·
    P1000170 195

    arthur-roubignolle

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