Après vous !

minou-stex

Après vous !

J’essaie de savoir à quel moment ma vie a dérapé, mais je ne vois pas, je pense même que je suis née comme ça, avec cette frousse, compagne des meilleurs comme des pires moments.

Elle était  ma meilleure alliée, elle m’a bien souvent conseillé de rester sagement à ma place, de ne pas faire de bruit, d’être à l’écoute et de rester calme. Je dois bien reconnaitre que cela m’a valu plus d’une fois l’attribution du prix de la zen attitude !  Cet art si difficile à acquérir, chez moi, était inné. Sauf que …  en vrai, c’était de la triche ! Juste une défense, une façon de fuir les conflits.

Elle était aussi ma pire ennemie, m’interdisant bien trop souvent le geste et la parole. Une carapace impossible à briser, de l’extérieur comme de l’intérieur, dure, aussi dure que toutes les peurs qui la composaient. Peur d‘avancer vers l’inconnu, peur du vide, peur du monde, peur de dire « non », peur de dire « oui », peur de ne pas trouver les mots,  peur de blesser, peur du jugement des autres, peur de verser des larmes, peur du ridicule, même s’ il ne tue pas, la honte est parfois assassine.

J’en ai mis du temps pour oser et petit à petit me dévoiler.

Mes peurs m’obligeaient à accepter un peu tout, sans me battre, juste pour le plaisir de faire plaisir, ne pas froisser, et très certainement ne pas être seule … Nul besoin de psychanalyse, j’en avais bien conscience, mais cela ne me coûtait rien d’être aimable ! J’aurais même pu rester dans cette optique de la vie encore un bout de temps, si la fatigue ne s’était installée. Fatigue ? Introspection … Je dirais plutôt « Tant va la cruche à l’eau … ».

 Mais amnistier des années d’abnégation  laisse des traces, des bris de la cruche, qui endommagent collatéralement, quand vient  l’heure des « Mais pourquoi ? ».

Pas envie d’expliquer, peur des dialogues … Mais il faut boire le vin après l’avoir tiré, et après des années d’abstinence, je m’en suis rendue ivre !

Première constatation,  de toutes les batailles que j’avais menées pendant mes toutes  jeunes années contre un frère aîné un peu trop expansif, je n’en avais pas gagné une seule, pas un point en ma faveur, si ce n’est le sien … de poing. Les mots retentissant plus fort que les claques,  la guerre prenait fin, avec pour ultime vainqueur, enfin, moi.  

Deuxième constatation, je devenais quelqu’un ! La sage et douce Minou qui ne dit mot, se réveille, ose et se rebelle ! Il en a fallu du temps, et des colères refoulées, pour arriver à prendre la parole, à m’imposer, et à prendre en considération mes propres désirs. Finis les concessions unilatérales, la discussion est ouverte.

Troisième constatation, le superbe effet boule de neige. Extirper une peur en chasse une autre, et bientôt, presque toutes ne seront que des souvenirs, de légères cicatrices.

Une fissure dans la carapace, une petite faille qui s’est  généralisée jusqu’à la faire exploser.

Et vous savez quoi ?

Même pas mal ! …  Je peux enfin respirer à plein poumons !

Liberté !

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