Aram et le Haillon d'Or - Seconde Partie

Lézard Des Dunes

Aram, intrigué, se pencha vers l'un des nomades de la caravane et lui demanda:

« Dis-moi l'ami, de qui parle donc ce garde-ci ? Je ne connais pourtant pas de magicien tel qu'il le décrit dans notre groupe. »

« Je crois qu’en vérité, il parlait de toi et de ton turban scintillant. J'espère que ce cadeau ne va pas t'attirer le mauvais œil Aram. Il se dit dans les contrés que le Roi Barbare aime découvrir des choses qui lui sont inconnues et qu'il aime aussi à avoir ce qu'il veut. Ne serais ce qu'un refus, et il pourrait sitôt dit ordonner que l'on te tranche la gorge. »

« Merci du conseil. Mais ne t'inquiètes pas, il y a longtemps que je ne crois plus au mauvais sort et tu peux être certain qu'un homme comme ce Roi qui aime à découvrir de nouvelles choses ne doit pas être un si mauvais que les rumeurs le prétendent. »

         Des gardes armés de lances et de bouclier vinrent chercher Aram et l'amenèrent au trône du Roi Barbare. Ils passèrent devant des fontaines d'eau claire fantastiques et fraiches, devant des jardins merveilleux aux essences rares et sacrés, devant des cuisines débordantes de mets raffinés, devant des harems pleins des plus belles et des plus gracieuses femmes au monde, avant d'arriver face au trône du Roi Barbare.

         Grand comme deux hommes, fort comme un bœuf, fier comme le lion, noir comme la nuit, le Roi Barbare se leva et s'exclama avant qu'Aram n'ai le temps de s'incliner.

« Laisse, laisse ! Noble étranger ! Je ne pourrais supporter qu'un homme qui peut briller comme un soleil puisse se prosterner à mes pieds. Ici, tout homme ou femme qui a le pouvoir de m'apprendre quelque chose que je ne connais pas est mon égal. Mais avant toute chose, dis-moi ce que tu penses de mes fontaines. »

« Sire, il est vrai que vos fontaines surpassent en beauté toutes les fontaines que j'ai pu voir jusqu'ici. Mais il est certain qu'elles n'égaleront pas l'eau libre qui coule de la cascade. »

« Et dis-moi ce que tu penses de mes jardins. »

« Sire, il est vrai que vos jardins surpassent en parfum tous les jardins que j'ai pu voir jusqu'ici. Mais il est certain qu'ils n'égaleront jamais la beauté de la nature sauvage. »

« Et dis-moi ce que tu penses de mes cuisines. »

« Sire, il est vrai que vos cuisines surpassent en richesses et en saveurs toutes les cuisines que j'ai pu voir jusqu'ici. Mais il est certains qu'elles n’imiteront jamais le goût unique du fruit cueillit à l'arbre. »

« Et dis-moi ce que tu penses des femmes de mon harem. »

« Sire, il est vrai que vos femmes surpassent en beauté toutes les courtisanes que j'ai pu voir. Mais il est vrai qu'aucune d'elle n'aura jamais la beauté et la grâce d'une femme libre. »

« Hum, hum. J'ai bien fait de te convoquer ici, voyageur du désert. Car tu es le premier de tous à affirmer ta véritable pensée. Et cela fait de toi un homme à écouter. Mais dis-moi encore, où pourrais-je voir ces cascades,  cette nature sauvage, goûter ces fruits et rencontrer ces femmes ? »

« Sire. Toutes ces choses sont juste derrières vos murailles de marbre, derrière ce désert, derrière cette brume sur les yeux des Hommes qui ne voient que ce qu'il possède. »

« Voyageur. Tes paroles me bouleversent. De tous temps, les hommes et les femmes qui viennent ici me répètent que tout ce que je possède est magnifique, pensant s'attirer mes grâces ou craignant mon courroux. Mais aux vues de tes dires et de ta franchise, je ne peux que croire que ce que je possède est bien peu face aux richesses du monde. Une dernière chose, voyageur. Mes hommes m'ont dit qu'en plus de ta sagesse, tu avais le pouvoir de briller comme un soleil dans le désert. Pourrais-je savoir d'où te viens cette magie ? »

« Sire. Il n'y a nullement de la magie dans ce que vos hommes ont vu. Il se trouve qu'avant de mourir, ma mère m'a laissé un présent. Ce présent est un vieux haillon

brodé d'or que j'ai utilisé pour protéger ma tête des griffes du soleil. Et les vieilles coutures dorées qui le parsèment ont surement reflété les rayons du soleil et donné cette illusion à vos hommes. »

« Ce Haillon d'Or tu dis, celui que tu portes comme un turban? J'aimerais à mon tour briller dans le désert lorsque le soleil sera au plus haut. Acceptes-tu de me le céder contre un autre présent? »

« Sire. Je ne pense plus avoir l'utilité de ce haillon et c'est avec plaisir que je vous l'offre. Je serais heureux de voir qu'un tel présent puisse faire plaisir à un autre que moi. »

« Voyageur. Ton cœur est bon et ton âme est grande. J'accepte ce présent avec une grande joie et veux à mon tour t'offrir quelque chose. Pour tes bons conseils, je te prête une escorte pour rentrer dans ton pays. Et pour ta sagesse, je t'offre assez de joyaux pour acheter un pays entier. »

         Aram donna donc le Haillon d'Or au Roi Barbare qui le noua autour de sa massive tête. Les gardes le  raccompagnèrent ensuite jusqu'à l'escorte d'Hommes qui l'attendait pour le ramener chez lui, chargés de grands sacs remplis de pierres précieuses grosses comme des poings. Aram voulait laisser le trésor, voyant bien que le Roi Barbare lui laissait en vérité toute sa fortune, mais les ordres étaient clairs

et les soldats refusèrent de laisser leur trésor à terre.

         C'est donc ainsi qu’Aram quitta la cité du Roi Barbare avec des richesses comme aucun homme ne peut l'imaginer. Mais malaisé de son fardeau, Aram décida de laisser une poignée de pierres dans chaque village qu'il croisait. Et tant et si bien qu'une fois de retour chez lui, il ne lui restait qu'une maigre poignée des pierres précieuses offertes par le Roi Barbare.

         Ne sachant qu'en faire il décida de les jeter à la mer, là ou jadis lui et son frère avaient laissé le corps de la vieille mère.

« Peut-être cela suffira-t-il pour combler sa soif de richesse… » Dit-il à voix haute.

         Derrière les buissons, son frère Brosa qui avait vu son frère revenir au loin avec toute une escorte, l'épiait alors qu'il jetait les pierres précieuses dans les flots. Comme touché en plein cœur, il se précipita pour tenter de les rattraper, pleurant et se lamentant comme un diable:

« Des rubis, des émeraudes, des diamants, des saphirs ! Mon dieu, que vous a-t-il fait ? Et toi, espèce de sauvage. D'où reviens-tu ? Où as-tu pu voler ces merveilles ? Réponds ! »

« Frère Brosa. J'ai rencontré le Roi Barbare, au-delà du désert, là-bas. Je lui ai offert le vieux Haillon brodé d'Or que contenait le coffre de bois afin qu'il puisse le vêtir en turban et briller de mille feux sous le soleil du désert. »

« Ah ! C'était donc ça ! J'aurais dû me douter que mère ne pouvait rien t'offrir de précieux. Des chiffons usés, Ah ! Maintenant que je sais ce que désir ce Roi Barbare, je vais lui apporter une cape entièrement d'or, une dague en or, voire, des chausses en or. Ainsi, il brillera de mille feux et me couvrira de richesse bien supérieure à tes petits cailloux ! Disparaît maintenant ! Retourne à tes forêts ! Que je ne te revois plus près de chez moi ! »

         Aram ne chercha pas à dissuader son frère, ni même à savoir ce qu'il ferait par la suite. Il préféra s'en retourner à sa cabane de bois dur et de feuilles douces et écouter la nature qu'il aimait tant sans craindre les représailles de son frère, obnubilé qu'il était par les trésors du Roi Barbare.

         Brosa quant à lui, était déjà sur la route, préparatifs sur le dos et impatient de posséder des monceaux de nouvelles richesses. Il croisa en route l'escorte d'Aram à qui il se joignit, et de ce fait, arriva bien assez vite au château du Roi Barbare. Et une fois face à lui, il présenta alors la cape d'or, les chausses d'or ainsi que la dague d'or qu’il avait gardées dans un grand sac de toile rêche. Voyant ces présents étincelants, les yeux du Roi brillèrent à l'idée de rayonner de milles feu sous le soleil du désert. Car après tout, un roi, même sage et ouvert, restait toujours un roi.

         Cependant, le Roi Barbare avait déjà laissé toutes ses pierres à Aram, et il ne savait quoi offrir en échange des cadeaux de Brosa. C'est alors que son visage s'illumina, il lui restait une chose à léguer à cet étranger qui lui apportait tant de parures dorées.

        D'une main lente et décidée, il dénoua, non sans un petit pincement au cœur, le turban qui ornait sa tête depuis sa rencontre avec l'étranger du désert qu'il tendit ensuite à l’homme grassouillet dont le visage se crispa en une grimace de terreur.

         C'est ainsi, qu'en échange des présents d’or qu'il recevait de Brosa le cupide, le Roi Barbare avait offert le précieux Haillon d'Or. 

Signé Lézard des Dunes © 2011

  • J'ado-re ! Voilà ! Que dire de plus, je viens de lire d'un trait cette suite et je jubile ! Merci merci j'ai passé un très très bon moment !

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Ma photo

    theoreme

  • Au contraire ! J'ai choisi ce titre pour coller à l'aspect traditionnel. Comme l'on peut dire "Alibaba et les 40 voleurs" ou "Blanche Neige et les 7 nains". Le nom du protagoniste, ou son surnom contesque, et l'objet majeur du conte. Car pour être franc, même en précisant qu'il est question dans ce conte d'un haillon d'or, il faut être devin pour deviner comment il sera amené dans le récit. D'où une source de question qui entraîne le lecteur, et qui, dans un sens, veut faire rêver celui-ci.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Dargon d absinthe orig

    Lézard Des Dunes

  • Super. Une belle idée déjà mille fois travaillé. J'adore les contes et cette aventure m'a séduit. Une idée : donner le titre en entier, le haillon d'or, moi qui suit habitué à la lecture, me donne déjà un peu la solution. Si je ne sais pas qu'il y a un haillon au début, je suis encore plus surpris. Je pense que le titre ne doit pas dévoiler une part de l'histoire.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Ch jardin 2 92

    Christian Boscus

  • Tel est pris qui croyait prendre! C'est un récit fluide et trés agréable, j'abonde dans le sens de mes prédécesseurs.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Pulbo 500

    corinne-antorel

  • @ Ange Hells: D'accord avec toi, j'aime bien quand les contes ont des doubles sens de lecture, pour les grands et les plus petits. Je lirais tes recommandations. Je ne sais pas si je montrerais celui là à un éditeur, peut-être, plus tard. J'ai autre projet de conte graphique en cours de création, qui celui-ci, sera présenté à une maison d'édition.

    @ franek: Ha ha ! Oui, écrire est une chose, raconter une autre, et les deux s'apprennent. Merci pour la comparaison, j'en rougis !

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Dargon d absinthe orig

    Lézard Des Dunes

  • Un beau conte.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Wlw

    simon-rainner

  • je me garderai de porter un jugement sur lea valeur du conteur, (connaissant la modestie du lézard (il se cache dans les fissures des pierres) mais l'écriture est digne de celles des milmle et mille nuits et la sagesse du récit égale celle des sages orientaux anciens ce qui reste une référence au top des contes , bravo ps un oubli cdc et si je n'ai pas réagi dès la première partie c'est que j'entrevoyais la fin

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Mariage marie   laudin  585  orig

    franek

  • Si tu n'es pas un conteur, tu es en bonne voie. J'avais adoré le conte de la rocaille, et celui-ci est une fois de plus bien amené. Je ne me suis pas demandé une seule fois où tu voulais en venir, parce qu'il y a une assurance dans ta prose qui nous fait ressentir que tu sais exactement où tu veux en venir, alors, je savais que je n'avais pas à m'inquiéter de ça.

    A notre époque, on manque de conteurs, on ne fait que repasser du réchauffé, et un peu de sang neuf ne ferait pas de mal. Je suis d'avis que les contes ne s'adressent pas seulement aux enfants, et quand on lit ceux de Franz Bonaparta, on se dit que c'est définitivement pas des enfants qui devraient lire ça. Mais ce que j'ai lu de toi est tout public, et ça pourrait toucher pas mal de gens. Et a fortiori, des éditeurs.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    15820663 10211693996614240 962943202 o

    Luce Is No One

  • Merci Ange Hells, et merci Chritinej, je ne sais pas si je suis vraiment un conteur, car je n'ai encore jamais appris à réellement raconter des histoires. Mais je pense encore en apprendre beaucoup là dessus. Je suis, en tout cas, heureux de voir que ça t'as plu.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Dargon d absinthe orig

    Lézard Des Dunes

  • j'aime beaucoup ton conte. c'est tres mille et une nuit j'aime beaucoup. tu es un veritable conteur

    · Il y a plus de 11 ans ·
    521754 611151695579056 1514444333 n

    christinej

  • Jolie chute. Aram sera toujours riche de la nature, mais Brosa n'a plus que ses yeux pour pleurer.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    15820663 10211693996614240 962943202 o

    Luce Is No One

Signaler ce texte