Libre...
karen-k
Libre…
J'ai levé les yeux et j'ai souri, cela ne faisait que commencer...
Mes bras bandés par la douleur d'être tendus, mes doigts engourdis d'être restés ouverts, mes paumes pâlies de n'avoir rien reçues, tous avaient subitement cédé et dans un mouvement à l'unisson lâché l'effort inhumain qu'ils ne pouvaient plus soutenir.
C'était fini, le ressort avait cassé, le remontoir aussi…quelle douleur et quelle libération.
Le choix impossible à faire, la décision impossible à prendre, le rapport de force impossible à gagner, le corps venait d'y mettre un terme.
Et j'ai souri, c'était fini et cela ne faisait que commencer.
Plus rien à attendre, plus rien à espérer, plus rien à essayer…
Des mains et des bras uniquement capables à présent de se tourner vers moi et joie sublime de me donner.
Mes membres autonomes avaient décidé pour moi, las d'être envie ils cherchaient à être en vie.
Ne plus attendre, immobiles, crispés, tendus, frustrés, coléreux, hargneux.
Se laisser aller au délié, relâcher la haine, la laisser couler entre les doigts.
Ne pas la retenir, la laisser fuir, lâcher cette lame tranchante, ne plus faire couler le sang en la serrant si fort…
J'ai levé les yeux et j'ai souri, cela ne faisait que commencer...
La douce liberté de la délivrance m'imprégnait petit à petit.
Mon esclavage prenait fin, « tu peux partir » pensais-je, « tu peux détourner ton visage du mien », « tu peux aimer d'autres cœurs ».
Tant pis pour toutes les paroles que je ne t'ai pas dites, tant pis pour les bons gestes que je n'ai pas su faire, tant pis pour ton cœur de pierre dont je n'ai pas su trouver le chemin.
Tu peux partir, tu peux partir…
J'ai levé les yeux et j'ai souri, cela ne faisait que commencer....
Une lumière dessillait mes yeux et mon âme, ton dos tourné n'était plus une insulte.
« Tu as le droit de ne pas m'aimer, va… »
« J'ai le droit de m'aimer, moi… »
Je venais de naître. Mes errances prenaient fin, je n'aurais plus besoin de courir à perdre haleine, haletante, assoiffée, affamée.
Mes jambes ralentissaient le pas, elles souhaitaient s'enfoncer dans le sol, montrer qu'elles étaient là, qu'elles feraient face, tendues, droites et dignes.
J'ai levé les yeux et j'ai souri, cela ne faisait que commencer....
Le rictus qui pinçait mes lèvres était à présent empli d'un sentiment oublié depuis longtemps, dédaigné, piétiné par ce besoin d'amour dévorant, par cette jalousie incandescente.
Ce rictus solide et naissant exprimait ce puissant levier d'airain vertébré : ma fierté.
Elle s'imposait à moi, s'était emparée de ce pont entre mon âme et l'extérieur trahissant et montrant au monde ce puissant désir de revanche.
La « petite chose » s'était muée en tigresse déchaînée et le sourire de liberté en grimace déformant mon visage.
J'ai levé les yeux et j'ai souri, cela ne faisait que commencer....
Ma dignité serait collée à ma peau, plus jamais elle ne me quitterait.
J'arpentais les rues des journées et des nuits entières arborant mon visage comme un étendard que je crachais au monde entier.
« Vous avez tous été témoins, c'est fini ». « Vous vous êtes trompés, regardez qui je suis devenue maintenant ».
Des jours, des semaines, des mois, des nuits, des longues nuits en larmes et en sueur arborant ce rictus raide et vivace qui tétanisait mes lèvres.
Et puis un jour, une nuit, un rêve, tes mains dans les miennes, nos rires qui se croisent, moi dans tes yeux, ma trace dans ton âme. Oui j'ai existé, oui j'ai manqué, oui je manque à ta vie… aussi…
J'ai levé les yeux et j'ai souri, cela ne faisait que commencer...
intense mais tendu, quelle détresse, beau ressenti mais ces textes sur la jalousie quelle flippe quand même !
· Il y a presque 11 ans ·Laure Cassus
merci Laure pour ce retour, oui ce thème est porteur
· Il y a presque 11 ans ·karen-k
Je relis. Emotion...
· Il y a plus de 11 ans ·astrov
Difficile de rassurer sur l'amour,chaque histoire est particulière ,quant à la violence elle est à la mesure de la sensibilité de chacun .... Heureuse de votre lecture et de votre avis
· Il y a plus de 11 ans ·karen-k
Que de violence, Karen... Sauf la fin! Rassurez moi, aimer n'est pas un théâtre de tragédie grecque ou racinienne?!
· Il y a plus de 11 ans ·astrov