Cannibale lecteur

wen

A défaut d’être véritablement reconnu, William Bath avait réussi à créer un certain nombre d’œuvres lui permettant d’apparaître en décalage avec les autres étoiles montantes de la peinture moderne. Il avait un petit truc en plus. Il avait cette pertinence et cette acuité d’esprit qui lui avait permis d’être depuis trois ou quatre ans à l’esprit des amateurs et, surtout, des galeristes qui se l’arrachaient.

Quand son agent avait contacté Henri DeGalivert il y a six mois, le pauvre en était resté bouche bée. Juste avant d’ouvrir le champagne !

En deux mots, Bath souhaitait organiser un happening dans les locaux de DeGalivert. L’extase. Pour DeGalivert, c’était la consécration. Il ne devait sa galerie –et sa notoriété– qu’à la faveur de sa famille pratiquant le même métier de père en fils. Il avait hérité d’un grand hôtel particulier où le rez-de-chaussée et le premier étage étaient disponibles pour des expositions d’œuvres imposantes et les deux derniers étages agencés en un duplex luxueux en plein cœur de Paris pour des manifestations plus… intimes. Avec Bath, il allait frapper un grand coup.

- Ecoute-moi bien chérie ! Je t’ai dit que je t’ouvrirai les portes de Paris et du monde, je le ferai, fais moi confiance. Je te rappelle dans deux heures pour te le confirmer.

Jean Barfried –JB pour les intimes– raccrocha et resta pensif. Quelle beauté cette fille ! Agent immobilier de biens d’exceptions couru dans le tout Paris,  il était tombé dessus par hasard alors qu’elle cherchait un appartement à louer. Débarquant de sa province avec pour tout bagage une valise en toile élimé, il n’avait pas eu le cœur à se moquer d’elle et l’avait gentiment éconduite juste avant de la rattraper par la manche, motivé par des pensées moins avouables.

Il l’avait logée dans un cent-vingt mètres carrés vide à deux pas de l’Etoile et l’avait prise sous son aile. La pauvre Jeanne voulait devenir célèbre, elle se retrouvait entretenue par un vieux beau. Elle y croyait encore même si elle avait parfaitement compris que les filets dans lesquels elle s’était laissée prendre, bien que dorés étaient de vrais filets dont le maillage se resserrait au gré des humeurs de JB. Alors elle faisait semblant d’y croire et abusait allégrement de son… agent.

Deux heures plus tard, JB prenait son téléphone et laissait un message sur celui de Jeanne.

- Oui Jeanne, c’est moi ! Comme je te l’avais promis, ce soir c’est le soir. Je t’emmène au vernissage de ZE expo ! La nouvelle performance de Bath. Mets une tenue de soirée, ok poupée ! Je passe te prendre à dix-neuf heures. Ciao.

Immédiatement après, il appela sa femme et prévint qu’il ne rentrerait pas ce soir. Il l’embrassa et lui demanda d’embrasser les enfants puis termina en disant, je t’appelle demain mon sucre.

DeGalivert n’eut qu’à évoquer le nom de Bath à Marie. Elle n’y cru qu’en voyant de ses yeux l’invitation. La quarantaine lumineuse et sportive, Marie n’en pouvait plus d’attendre qu’Henri lui demande enfin de s’installer avec lui. Elle doutait même de son attachement car plusieurs fois elle l’avait surpris à renâcler pour la faire participer à ses côtés aux multiples mondanités que son métier exigeait. Elle s’en était vexée mais n’avait rien dit. Et si en plus il pouvait lui faire rencontrer Bath…

Il avait reçu l’ordre d’éditer vingt cartons d’invitation numérotés avec gravure finie à l’or fin sur des contours de céramique noire. Sur le carton, outre le numéro, une seule inscription : Le sel de Bath.

William Bath se chargea seul de distribuer les invitations.

A 21 heures, la quarantaine d’invités privilégiés patientait autour du buffet. Tout le monde attendait l’artiste.

Ils déambulaient dans la salle où était pendu en plein milieu un imposant objet rectangulaire recouvert d’un voile opaque tout en entamant allègrement l’imposant buffet dressé au centre de la pièce.

Aucune œuvre aux murs mais les invités patientaient en s’empiffrant. Les mets étaient salés, très salés même mais chacun engloutissait et buvait irrépressiblement tout ce qui se présentait devant lui.

Une heure plus tard, une fois le buffet dévasté, la lumière baissa totalement.

Une musique assourdissante se mit à jouer tandis que le voile noir dévoilait l’objet accroché au plafond. A environ deux mètres du sol, une cage en plexiglas pendait dans laquelle Bath se tenait debout depuis le début.

Un unique projecteur braqué sur lui, il prit la parole.

- Mes chers amis. Vous allez participer ce soir à une expérience unique et incroyable.

Il marqua un temps d’arrêt puis continua, toujours aussi cérémonieux et théâtral.

- Je vous ai convié ce soir car je connais chacun d’entre vous et je veux que vous soyez les apôtres de mon triomphe. Après cette nuit, vous répandrez à travers le monde mon génie et ma suprématie artistique ultime. Vos noms resteront gravés dans la mémoire comme ceux qui ont goûté le SEL DE BATH !

Les invités commencèrent à adopter des attitudes curieuses. Des démangeaisons les prirent les uns après les autres. Des picotements terribles les possédaient soudain, les pupilles se dilataient.

- Tout sera filmé mes amis, vous allez être le premier carnage vivant de l’histoire. Les portes sont fermées, aucune issue n’est possible.

Tout le monde adoptait un comportement irrationnel, animal. Jeanne était devenue une furie et ses ongles s’enfonçaient dans le bras de JB. Marie reniflait le cou de DeGalivert tandis que trois mannequins ukrainiennes arrivées ensembles tournaient en rond en scrutant les autres invités d’un regard mauvais.

Bath ouvrit une petite trappe, passa son bras à l’extérieur, et se fit une entaille avec un scalpel.

- Mes amis, que l’œuvre s’accomplisse ! hurla-t-il. Puis il dit plus bas : et pour cela, voici le premier sang !

Plusieurs gouttes de sang tombèrent à terre. La folie s’empara des invités.

  • @Woody : Désolé mais c'est le thème du concours qui veut ça mon pauvre Woody, j'y peux rien moi. En règle générale, je suis plutôt "fleur bleue" mais il faut croire que trop de Christinej provoque des envies (d'écritures) bizarres.

    @Joëlle : Merci beaucoup. Le retravailler, je veux bien mais dans quel sens ? Comme je le disais, le cahier des charges est sacrément ambigu, on ne sait pas vraiment ce qu'ils attendent. J'ai voulu faire un test, un pur exercice, tant mieux si j'arrive à vous allécher...
    Et pour le titre, merci beaucoup, je suis très flatté.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Francois merlin   bob sinclar

    wen

  • j'adore quand tu nous laisse imaginer l'effroyable...un peu torturé l'animal ...

    tu es du signe du Démon mon cher ? en tout cas tu es trop fort !

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Img 5684

    woody

  • Pfff... Susceptibles va !
    Pas de notif car Wen pas content de son texte.

    @Sweety : Pour la photo, droits réservés "L'exercice de l'Etat", film de 2011.

    @Christine : Essai d'exercice de style. Ce sera le texte définitif si je n'ai ni le temps ni le courage de le retravailler d'ici fin août.
    J'avoue que le cahier des charges du concours est très ambigu, on ne sait pas ce qu'ils veulent en définitive : l'avant ? le pendant ? l'après ?
    Donc au moins, ça c'est fait ! Comme dit M. Zuckerberg : "Done is better than perfect".

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Francois merlin   bob sinclar

    wen

  • oui pourquoi on est pas prevenu, hein pourquoi???
    mais c'est bon comme debut, cela presage vraiment un carnage. texte definitif ou c'est juste un essai?

    · Il y a plus de 11 ans ·
    521754 611151695579056 1514444333 n

    christinej

  • je commente pas j'ai pas eu de notif!!!;)
    mais j'adore la photo

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Suicideblonde dita von teese l 1 195

    Sweety

  • Un petit exercice de style pour le concours Festin cru.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Francois merlin   bob sinclar

    wen

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