CŒUR D’ÉBÈNE

On m'a sculptée un cœur d'ébène, aux haleines félines et acres. Je souffre d'une destinée incertaine, laissant s'écouler ces réponses aux livides couleurs, belles dans ces flatteuses voluptés, magnifiant un vil reflet, celui d'un œil tranchant, d'un trompe-la-mort aux aguets. La vertu me devint alors chimère à l'image d'un déchet usé. Aux vices me devais-je alors. Honteuse et rêveuse, on m'isola dans ce gîte, telle une pitoyable pitié.

L'antre du mal me consola de sa symphonie, de son mépris, de cette puérile et vagabonde cacophonie. Assise près du grand dock, fait de pierre calcaire, je gravai un nom qui me semblait beau : « Aurore.» Comme le fruit d'un levé de soleil qui me rendait une parcelle de mon âme.

Forte de ces quelques grenailles d'amour, j'arpentai le bien, n'y trouvant que mal de vivre et chagrins d'amour. Mais… dans quelle contrée suis-je née ? Où sont les bons : ceux qu'on nomme troubadours, courtisans, amoureux ? Mes peines se succédaient, comme voilée par la danse des folies. De nouveau salie par mes désirs, par mes flagellants miroirs, j'appris les larmes cajolant la joue, mais oubliant mon cœur d'ébène… Je revins à la lumière, cette flamme me reconduisant dans le cénacle des écorchées.

Au désespoir, là où se dessine si bien le couteau du destin, lasse et résolue, je paie l'offrande au bourreau. Tête contre buche, je demeure impassible… Quand soudain, une main se pose sur mon épaule, tendre et suave, aussi douce qu'une pluie de miracles. Il m'apparait, si beau, si gentil, si affable. J'eus à peine le temps d'apercevoir ses yeux...