Combat ultime
cerise-david
Me voilà, face à tout ce bric à brac. Cette immense monticule de moi, éparpillée entre milles visages. Me voilà face au miroir. La hache à la main, le visage déformée par la haine. Mon antre s'est échappée. J'entends leurs rires moqueurs, je me revoit dans les couloirs immenses, mon sac comme seul issue de secours. Mon savoir et ma force, mon sourire comme seules armes face à l'ignorance. Du mal qui me ronge, il ne reste que des souvenirs, des bleus sur mes bras, de mes cotes saillantes, de vilaines images. À l'heure où mon corps ne m'appartenait plus, en ces temps tourmentés où je me suis oubliée dans une nuit sans lune. Où j'ai cessé d'être une femme. Objet de servitude, qui opine tel les chiens sur ressort à l'arrière de vieilles Cadillac américaines. Le noyau de la cerise recraché par le clown triste d'un numéro burlesque. Cette époque où j'ai enfin relevé le front pour la première fois dire non. Pour mettre fin au chantage, aux mensonges, à tout ce qui m'aura couté ma part d'innocence. Où mon regard candide s'est figé en un rictus d'amertume. Moi je voulais juste croire à la beauté du monde, aux première marches des podiums, aux photos en noir et blanc et aux couchers de soleil. J'aurais voulu rester en haut de cette immense déferlante bleu limpide, celle qui me faisait me sentir en dehors de ce corps si petit. Pourtant me voilà, me relevant doucement de cette chute fracassante. Tout aurait pu continuer comme sur un nuage… mais les si sont comme les anges, ils ne font que passer. Mon imaginaire trop grand me joue des tours, la princesse n'a jamais existée, et sa cour n'est qu'un ramassis d'hypocrites. Le plus fou des rois a tenter de l'enfermer pour la protéger… s'échappant elle s'est elle-même jetée dans la gueule du loup. Le petit chaperon rouge m'avait prévenu. Mais la tête dans mes histoires à la rose, je ne l'ai pas vu venir. Ni lui, ni les nombreux autres prétendants. Que reste-t-il une fois ce triste monde évanoui? Les cracheurs de feu comme seuls témoins de ma lente déchéance.
Et puis, le jour qui continue de se lever. La force qui revient m'habiter… mais quelque chose à changer. Les gens autour de moi se sont doucement échappés, mes rêves balayés, mes désirs sacrifiés. Et cette haine du monde qui a supplanté en mon cœur, l'amour. Pourtant, sous ses traits je pensais l'avoir reconnu. Je pensais qu'il suffirait à panser mes plaies...
Errer dans une nouvelle maison trop grande… Chercher ses repères, sa place dans une vie immense qui ne finit pas de s'étirer, comme le vide intense des cauchemars qui m'aspirent hors de mon lit. Angoisses naissantes à la lueur du jour qui se fait attendre. Quand doucement je bascule, tombe à la renverse dans la crainte abusive, la colère excessive. Quand tout se referme comme un piège, que son regard m'oppresse. Je connais cela depuis si longtemps. Mais avant, le poids du monde se faisait plus léger. Mon corps moins fatigué arrivait à lutter contre l'envahisseur, cette folle hystérique qui se déchaine dans ma peau. Je la sens qui arrive, traitresse de mes idées, de mes choix, elle s'immisce entre nous. Fais sa loi. Moi qui me veut tendre et douce. Elle est indomptable, forte. Je suis manipulable et fragile. Alors elle se rebelle, et des fois, ses cris et ses peurs m'échappent. Elle prend alors le contrôle, et je disparais derrière un visage de haine. Des pleurs, des larmes m'inondent, me noient, m'étouffent. Et me voilà à nouveau prisonnière de ma propre tornade intérieure. Tout est balayer au-dedans comme au dehors. Nous assistons, lui et moi, impuissant aux éléments qui se déchainent, il ne sait pas que je suis derrière, retranchée comme enfermée derrière le miroir. Le reflet de ce qu'il voit, ce n'est pas moi. Pas tout à fait moi, une petite part qui grandit chaque jour. La douleur la nourrit, elle dévore mes peurs et les vomit dans un flot de haine, de mots trop gros.
Je me rappelle, la première fois dans ses bras. Comment imaginez qu'il portait une bombe à retardement aussi volubile que des gaz d'échappements.
Je disparais la nuit pour tenter de la contrôler, je crache sa haine sur des feuilles vierges de tous soupçons que je dissimule à ses yeux. Je m'enferme dans un boudoir, allongée sous le regard inquisiteur d'un psycho-rigide. Qui du bout de sa baguette m'emmène dans mes retranchements, au bout de mes peurs, pour faire sortir ma dure amazone de ses gonds. Et sa haine envers le monde… envers la souffrance infligée aux plus faibles, ou à son double si faible. Qui pendant des années a sourit sans relâche et pleurer à l'abri des regards. Qui durant des années à abdiquer, à supplier, à opiner. Qui doucement s'est créée sa carapace de feu et de glace, préparer le moule de la vengeance. Qui sans le savoir à nourrit toute cette haine qui aujourd'hui la ronge. Toutes ses choses qu'elle a tut des années, pensant qu'elle pourrait vivre avec ou sans. Toutes ses choses qui aujourd'hui ne sont que des obstacles entre nous. Et mon amazone, si fière et ardente qui au moindre nuage sort pour me couvrir, comme investit d'une mission divine. Pourtant tous les nuages n'ont pas besoin d'être balayé par une bourrasque… alors je continue de dompter la bête qui sagement attend toujours et trop souvent la mauvaise heure pour s'enfuir !
Cette part de moi qui me fascine et m'effraie tout autant.
Ne pas laisser le doute s'insinuer, s'immiscer. Ne pas laisser la peur de le perdre prendre le dessus. Ne pas laisser échapper la colère qui me tiraille. Je me mords les doigts d'être docile au point de le laisser choisir pour moi, au point de ne plus pouvoir dire non. Je la sens qui s'arme de mon impatience, je la sens qui se prépare à l'assaut. Et j'ai peur de l'issue regrettable des choses…
J'ai tellement changer, moi qui voulait refaire le monde, je l'ai laisser me dominer. De l'intérieur comme de l'extérieur je ne suis plus seul maitre à bord. C'est peut-être çà la vie finalement, faire semblant tous les jours, donner le change à chaque instant.
"J'aurais voulu rester en haut de cette immense déferlante bleu limpide, celle qui me faisait me sentir en dehors de ce corps si petit" écrit Cerise. Une de ces phrases qui se gravent en nous. Voir aussi sa définition de l'écriture, dans son portrait :" décrire nos émotions vécues à travers l'histoire d'un être qui n'existe pas à un instant qui n'existe pas".Merci Cerise. Pas fini de fouiller dans ta bibliothèque.
· Il y a plus de 11 ans ·koumi
Merci pour le commentaire, couple pouce dans le cul de cette pute de vie !
· Il y a plus de 12 ans ·cerise-david
Ce n'est pas un combat ultime, c'est un combat fondateur. N'oublions jamais que le passager sombre que nous hébergeons tous au fond de nous-mêmes n'est qu'un invité. Il peut se conduire très mal comme dire des vérités qui dérangent mais qu'il faut entendre à un moment donné.
· Il y a plus de 12 ans ·La haine et la méchanceté sont faciles mais elles ne construisent pas, elles ne font que détruire.
Quant à donner le change en permanence... Oui, nous en sommes tous (un petit peu) là.
wen
je te suis dans ce monde où la haine nous submerge, nous rend méchants, claquant des portes, cassant et pleurant dans la voiture, les toilettes, la nuit hurler mais en silence, ouvrir la bouche, et ne laisser aucun son sortir, c'est ce qui nous rend plus dure. C 'est ainsi dans ce monde d'homme, qui nous considère faible, je n'ai jamais montrer ma faiblesse, je suis devenue si dure, que mon corps en souffre, tendinite, contractions des muscles etc... et toi dans ce monde macho, l'armée, j'imagine ta souffrance cachée. Bises, d'une grand-mère qui à eu son lot, et devant ses petits enfants parfois crie sa douleur, car celle-ci arrive à s'échapper du silence imposé.CDC
· Il y a plus de 12 ans ·Yvette Dujardin
Lutter contre soi même, ses démons ...pour ne pas que tout bascule...une lutte incessante ...
· Il y a plus de 12 ans ·Sweety
Superbe introspection!
· Il y a plus de 12 ans ·Certains textes ont en eux une force insoupçonnée; Ils sont comme les fondations d'un édifice à venir.
Combat ultime est de ceux-là.
Frédéric Clément