Comme une fée

Laurent H

e matin de noël, la petite Chantal et son frère Jean de deux ans son cadet se précipitèrent vers le sapin décoré qui trônait au milieu du salon.
Excités et curieux , ils déchirèrent les paquets portant chacun leur nom écrit en grosses lettres manuscrites. Le petit Jean était très satisfait de ses cadeaux : un train électrique flambant neuf et une énorme boîte en métal remplie de soldats multicolores qu’il s’empressa d’emporter dans leur chambre commune afin de commencer à jouer.
Chantal, elle, était un peu déçue. En effet, la poupée parlante et la trousse de faux maquillage qu’elle avait reçu du père noël étaient certes magnifiques mais il n’y avait pas le cadeau qu’elle aurait voulu recevoir. Non , ce qu’elle désirait plus que tout au monde, c’était un déguisement de fée car les fées l’avaient toujours fascinée.
Ses parents tentaient de lui ôter cette lubie de l’esprit en lui disant que les fées n’existaient pas et qu’une grande fille de sept ans ne devait pas croire à ce genre de sornettes.
Ses amies aussi essayaient de la dissuader de s’intéresser aux fées en se moquant d’elle et en lui offrant des dessins d’elle habillée en fée mais dans des postures bien peu avantageuses.
Jean ne manquait également jamais l’occasion de la railler.
Ainsi tous les soirs il ricanait :
-Bonne nuit carabosse ! hi hi hi gloussait-il
D’autre fois, lorsqu’elle faisait ces prières, il lui conseillait de demander à devenir une fée pour que dieu s’amuse aussi de son obsession.
Chantal prenait très mal toutes ces moqueries et sa santé se mit soudain inexplicablement à décliner. Elle était pâle, ne mangeait plus et parlais de moins en moins.
Inquiets, ses parents l’emmenèrent chez un médecin qui leur conseilla de chouchouter le plus possible leur fille en attendant que se dissipe ce mal dont il avouait humblement ne comprendre ni l’origine ni la manière de le soigner. Les jours passèrent et Chantal apparaissait de plus en plus mal en point.
Un soir, son père pensant que cela lui ferait très plaisir, rapporta à la maison un déguisement de fée. Chantal fut submergée de joie et sous l’aspect d’une fée virevoltante, parcouru la maison de long en large.
Mais sa santé s’aggrava encore de façon alarmante au point qu’elle dû rester clouée au lit. Ses forces déclinaient et son souffle devint bientôt imperceptible.
Le médecin appelé en urgence l’examina gravement puis sorti de la chambre avec un air atterré. Il prit les parents à part pour leur exprimer son impuissance devant ce cas incompréhensible de dégénérescence physique.
-Il vous faudra du courage mes amis, soupira-t-il, car je crois qu’elle ne passera pas le cap de cette nuit. 
Les parents éclatèrent en sanglot et se précipitèrent dans leur chambre pour cacher aux yeux des enfants leur terrible tristesse.

Tard dans la nuit, Jean fut réveillé en sursaut par une lueur intense provenant de la fenêtre. 
Ses yeux s’habituèrent peu à peu à l’intensité lumineuse et il put bientôt discerner une silhouette assise sur le rebord de la fenêtre. Soudain, il reconnut Chantal, mais c’était une Chantal resplendissante de lumière blanche. Elle portait une robe couleur d’étoile, un diadème de pierres précieuses et tenait dans sa main une baguette éblouissante.
-Encore un autre déguisement, se dit-il
La petite fille s’était mis débout sur le rebord de la fenêtre et menaçait à tout instant de tomber dans le vide. Jean jugea qu’il fallait réagir. Il se leva précipitamment et couru à toute vitesse alerter ses parents qui rentrèrent affolés dans la chambre.
Au moment où le père dans un mouvement désespéré tenta d’attraper sa fille par le bras tout en lui lançant des demandes implorantes, celle-ci fit délibérément un saut dans la nuit.
Instantanément, deux frêles ailes transparentes sortirent des replis de sa robe et commencèrent à s’agiter.
Et là, sous les regards éberlués, émerveillés et un peu attristés de sa famille qui se tenait la main, Chantal s’en alla au ciel, rejoindre les étoiles…
comme une fée…

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