Comment faire un texte drôle?

Comment faire un texte drôle ?

Il ne suffit pas d'être rigolo pour faire un texte drôle, loin s'en faut,  bien au contraire ! 

Un texte humoristique bien tourné n'est pas à la portée du premier plaisantin venu.

Nous sommes là dans un domaine sérieux qui ne souffre guère l'approximation.

Je vois pas mal d'humoristes (je ne citerai pas de noms mais ils sont souvent à l'affiche des music-halls…) qui se contentent de faire « Prout ! » pour faire rire, c'est navrant !

Le pire c'est que ça marche…  Des publics entiers sont pliés en deux, en quatre, devant ces gags niveau maternelle.

Foin de ces spectacles dégradants ! Confions plutôt l'humour à des gens sérieux et responsables, dignes de confiance...

L'humour est une science exacte et elle doit être confiée à des spécialistes dont l'attitude impartiale et rigoureuse s'avérera le meilleur garant d'un rire de bon aloi (voir même de bon aloyau si cela concerne un boucher).

La première erreur à ne pas commettre est de vouloir faire rire à tout prix.

Non! Il faut faire rire à un prix convenu d'avance, la moyenne se situant entre 18,50 euros et 42,20 euros (ce pour un rire tout ce qu'il y a de plus ordinaire.).

Pour un rire de qualité, certifié A.O.D, (Appellation d'Origine Désopilante, il faut plutôt compter dans les 60 euros. (Hors T.V.A bien sûr).

La seconde erreur, assez courante chez les débutants, est d'utiliser des mots soi-disant « rigolos » comme

« Trompette » ou « zigounette » ou « turlututu ».

Croire que ces mots sont suffisants en eux-mêmes pour provoquer le rire est une funeste erreur!

Et je peux vous en faire la démonstration immédiatement. Ouvrez vos oreilles svp :

« TURLUTUTU!  ZIGOUNETTE !».

Alors? Avez-vous rit? Bien sur que non! (si vous avez ri quand même il est probable que votre Q.I avoisine celui d'un moineau. (Et les moineaux font : «  Q.I, Q.I ! »)).

Turlututu, ou zigounette, doivent être employés dans un contexte particulier pour provoquer le rire. Mettez d'abord vos personnages dans une situation cocasse, imprévue et n'utilisez ces mots rigolos qu'au moment où le public s'y attend le moins. L'effet de surprise est toujours efficace…

Exemple : (dans un bureau, un subalterne voit arriver son chef de service.) .

« Bonjour monsieur le directeur ! ».

« Bonjour Duglandier, alors vous m'avez fait ce rapport que je vous ai demandé ? ».

(l'employé pouffe de rire).

Le directeur : « Mais, qu'y a t-il Duglandier ? ».

L'employé : « Monsieur le directeur, c'est votre braguette, elle est ouverte et on voit votre ZIGOUNETTE ! ».

Le directeur, vexé : «  Ah mais TURLUTUTU, ça ne se passera pas comme ça ! ». (le public est plié en deux (ou en quatre) à ce moment là....

C'est ce qu'on appelle du comique de situation.

Ensuite nous avons le comique de caractère, qui consiste à forcer les traits d'un personnage. Mais bon, n'entrons pas dans les détails, ce serait trop long...

D'autre part, tout comme il n'est absolument pas nécessaire d'utiliser des mots « drôles » pour créer un effet comique, à l'inverse, des mots pas drôles comme « balai » ou « radiateur » ou « lampadaire » peuvent avoir souvent plus d'impact s'ils sont placés, eux aussi dans un contexte spécifique.

Je n'ai pas d'exemple précis à vous donner, mais vous pouvez imaginer vous-même des situations drolatiques avec ces mots…Creusez-vous un peu la cervelle…

Je vous conseille de lire le livre d'Henri Bergson sur le rire, qui s'appelle d'ailleurs « Le Rire ». C'est le livre le plus sérieux jamais écrit sur le rire. Je m'attendais à des histoires belges, et bien pas du tout ! Je vous cite un extrait, au hasard : [...] – Le rire a une fonction sociale : ” Pour comprendre le rire, il nous faut le remettre dans son environnement naturel, qui est la société, et surtout, nous devons déterminer son utilité, qui est sociale. Telle sera l'idée directrice de toutes nos investigations. Le rire doit répondre à certaines exigences de la vie en commun. Il doit avoir une signification sociale ” [...] C'est pas drôle hein ?

Ensuite, il y a une règle d'or qu'il ne faut jamais enfreindre: si vous ne riez pas vous même à ce que vous écrivez, votre texte à peu de chance de faire rire. Moi par exemple, je n'ai vraiment pas rit en écrivant celui-ci. Ce texte n'est pas drôle du tout. Je trouve même qu'il est plutôt sinistre.

Ah! Ah! Ah! Mais c'est ça qui est drôle JUSTEMENT!

(Bon, allez, assez rigolé comme ça, soyons un peu sérieux… Vous me ferez dix lignes de Ah Ah Ah et dix lignes de Oh Oh Oh !). Copie à remettre demain sans faute, et on ne rigole pas là, au fond de la classe…