Confusions et chagrin

Elle ne sait où elle est. Un vent de tempête bouscule son coeur, si fort, si puissant que la tête lui tourne. Elle en a le souffle coupé. Sa poitrine est compressée, comme dans un étau. Elle tremble de partout, telle une petite feuille ballotée au gré des flocons qui tombent violemment sur terre. Sa gorge est serrée. Une énorme boule se forme dans sa trachée. Elle courbe son dos vers l'avant, les mains sur son visage rouge. Les larmes picotent méchamment ses yeux. Mais elle ne doit pas pleurer. Pour sa mère. Pour son frère. Elle ne doit pas montrer qu'elle est triste. A quoi cela servirait, à part leur faire du tord? Les rendre tristes? Elle ne doit pas.

A travers la porte fermée, elle les entend. Leurs cris, les pleurs de sa mère, les vocifération de son père. Et puis, les sanglots de son frangin, qui, contrairement à elle, n'arrive pas à se retenir. Ils disent que divorcer c'est très bien pour tout le monde. Qu'ils ne pouvaient rester ensemble une minute de plus.

Elle essaye de se boucher les oreilles, pour arrêter d'entendre de telles horreurs. De rage, elle fait tomber toutes ces affaires de cours. Le français claque sur le sol, les maths se déchirent, l'anglais atterrit dans la poubelle. Elle n'en a que faire des cours. A quoi bon? Elle, elle veut juste prendre soin de sa famille qui se déchire, se décompose de jours en jours, de minutes en minutes. Elle ne doit pas pleurer, elle doit penser à sa meilleure amie qui a des problèmes plus graves. Aux autres. Elle ne doit pas les inquiéter. Elle, c'est la folle de service. Elle ne doit pas être triste. Elle n'en a pas le droit.

Mais c'est si dur! Tous les jours, elle a envie de crier. De hurler sa douleur.

Sa respiration se fait saccader. Elle tourne en rond dans la petite pièce qui lui sert de chambre. Elle n'en peut plus. Quand cette douleur prendra-t-elle fin?

Les larmes ont gagné. Elles dévalent ses joues, son nez, son menton, pour venir s'écraser sur le parquet. Elle s'écroule sur le matelas de son lit, à bout de force. Elle s'en fiche qu'ils divorcent. C'est leur vie. Mais pas de disputes. Elle aimerait leur dire. Mais les mots restent coincés dans sa gorge.

Malgré tout la tristesse qui la prend aux tripes, elle sourit. Car son téléphone affiche le numéro de sa meilleure amie. Elle décroche, encore tremblante, essayant de cacher ses sanglots.

-Choupette, mon petit doigt m'a dit que tu étais malheureuse! Que se passe-t-il?

Elle avait deviné. Comment faisait-elle? Elle éclata en sanglots, libérant le poids qui pesait en elle.