Dans l'ombre du Vieux Saule

mamzelle-plume

Les longues branches feuillues pour rideau, La terre pour caveau. Elle joue les belles endormies.

Une brise légère faisait voltiger, selon son gré, les diverses branches verdoyantes. Tel de grandes lianes pendantes, les rameaux se balançaient, leurs extrémités se rapprochant toujours plus fermement du sol. Créant ainsi une valse des plus mélancolique.

Malgré cette fameuse danse, comme enfouie dans les tréfonds d'un large nid, une présence venait doucement troubler la litanie du vieil arbre. Avachie entre les fières racines, la jeune fille serrait contre son ventre un petit ours en peluche.

Elle s'y amarrait de toutes ces maigres forces, comme-ci toute sa vie en dépendait. L'obscurité de l'aube ne l'impressionnait guère.

Comme toujours, alors que le monde était encore profondément endormie, la fillette s'était faufilée hors de chez elle.

Bravant ainsi l'autorité parentale. A pas de loup, elle avait quitté la chaleur protectrice de ses draps pour retrouver la moiteur extérieure. Et ce, sans même prendre la peine de se changer et d'enfiler des choses plus convenables.

Courant à travers champs. Ses pieds nus s'enfonçaient en martelant le marasme boueux, encore humide et frais de sa nuit passée.

Empruntant le sentier où s'entassaient diverses violettes et pâquerettes, la petite Nessie avait alors parcouru la barge principale, longeant ainsi le lac en face de leur maisonnette. Ce trajet, la ramenant inlassablement au même endroit. Sans cesse, la demoiselle venait se réfugier sous le vieux saule pleureur. Cet arbre massif et imposant était depuis longtemps déjà, devenu un lieu de tranquillité et de repos. Un allié de taille, pour ces moments de détresse. Chose rapidement inestimable dans sa vie.

C'était son rituel.

Chaque matin, elle venait perturber les eaux silencieuses. Transportant son fidèle ours en peluche entre ses bras dénudées. Elle venait observer le spectacle de l'oraison matinale.

Elle scrutait le ciel, se délectant des douces brises, venant balayer le voile humide qui recouvraient la terre. Cette même terre, qui encore ensommeillée par la froideur nocturne, devait doucement se réchauffer. Puis ses yeux vagabondaient vers les cieux, la demoiselle s'enhardissait face à toutes ces images.

Détaillant, accompagnant d'un regard admiratif le ciel dégorger ses couleurs bleutées sur le monde. Il se déchirait dans des reflets rougeoyants. Eclaboussant ainsi le lac de larges flaques orangés, avant de se perdre dans un feu d'artifice bombardé en coupole sur le crâne verdoyant du vieux saule.

Nessie fuyait alors les cris, les remontrances. Quittant les bruits de lutte et les pleures afin de larmoyer son chagrin, dans un lieu plus serein. A l'abri, camouflée dans les bras de l'immense saule. Les longues lianes pleureuses lui offrant cette fameuse cachette. Repliée au sein d'une cavité d'écorce, elle pouvait enfin laisser couler les larmes.

Elle ouvrait les vannes.

Nulle oreille indiscrète pouvant l'épier, et nul œil indiscret la dévisageant. Nessie se retrouvait seule. En paix avec elle-même. Elle pouvait enfin exploser… Pleurer. Hurler de tout son soul.

Toutes ses émotions refoulées pouvaient enfin s'extraire de sa gorge nouée. Les nœuds dans son estomac se délaçait également, peu à peu.  Tandis que le plomb, l'étau brulant enserrant son cœur se volatilisait à son tour. L'oiseau qu'elle pensait à jamais prisonnier dans sa cage thoracique, fébrilement était en train de se libérer de ses chaînes. Il brisait ses liens, déployant ses ailes, se préparant pour un voyage d'espérance nouvelle.

Puis, une fois que la jeune fille se trouvait repue, sa libération émotionnelle accomplie.

Nessie se contentait alors de scruter d'un œil opalin, les alentours.

Elle demeurait adossée contre le buste de bois.

Sereine. Vidée de toutes forces, la jeune rousse essuyait les dernières gouttes salines. Les vagues d'effusion ayant cessé de ravager ses traits. Frottant fortement ses joues, délimitant ses paupières, chassant ainsi les larges sillons de maquillage qui souillaient certainement son visage. Les yeux cerclés de noirs, la peau rougie par le froid et les larmes, Nessie conservait sa posture. Son regard nacré se perdant dans les méandres de ses divagations personnels.

Ereintée par sa fuite.

Epuisée par le torrent salé qui s'était écoulé, laissant son regard vidé de toute émotion. Clignant des paupières, son regard fut aimanté par cette oraison printanière. Après un temps d'hébétude, Nessie laissait ses deux puits asséchés se restaurer, face à ce divin spectacle.

L'aube d'un carmin éclatant baignait ce tableau, d'un œil bienfaiteur. Le ciel semblait se déchirer en un dégradé moiré, les teintes tirant principalement sur les rouges-orangés, venaient se fondre, se confondre dans le vert cristallin du fleuve.

L'écharpe de Vénus s'étendait tel un mirage, déployant ses tons miroitant au point que l'ensemble ne permette de dire où le ciel s'arrêtait. Les couleurs poursuivaient leur route, sans ce soucier des limites terrestres. Au contraire, l'échange de nuance chatoyante se déversait sur les eaux calmes, éclaboussant la berge en de long filé flamboyant. Traçant comme une auréole irisée autour du vieux saule.

Bercée par ses fabuleuses teintes, Nessie semblait tendre l'oreille. Comme-ci ces tons éclatant possédaient la capacité d'instaurer, de créer leur propre musique.

A ses yeux, c'était le cas. En effet, pour la demoiselle ce feu d'artifice silencieux était plus agréable encore que la plus douce des symphonies. Elle tendait l'oreille, à l'affut. Guettant le moindre souffle, les couleurs vives chutant de plus belle, parsemaient le lac de paillètes miroitantes.

Puis. Le silence se fut. La vie reprenait son cour.

Un éclair éclatant, vint déchirer ce ciel iridescent, pourtant sans nuage. La foudre dorée chuta des cieux, brisant ce tableau, cadeau des cieux, en milles morceaux.

Le ciel pleurait des larmes de feu argenté.

 

 

  • Comment fais-tu pour si bien décrire la nature ? Une profusion de jolis mots, une histoire si émouvante, tu as vraiment un don !!

    · Il y a presque 4 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • Merci merci ce texte est ancien mais je suis ravie qu'il vous plaise, je mets toujours mes tripes dans mes écrits alors cela me touche beaucoup !! :-)

      · Il y a presque 4 ans ·
      Img 3458

      mamzelle-plume

  • Il m'a semblé que tu as raconté une partie de ma vie... Traduite mieux que je n'aurai pu le faire... Voilà ce que j'en ai dit de cette même histoire, si tu veux aller voir... Bravo en tout cas http://welovewords.com/documents/nostalgie-dun-saule-pleureur

    · Il y a presque 9 ans ·
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    Paloma Farmer

    • Oh, je suis heureuse d'entendre cela, et je te souhaite du courage pour cette mélancolie qui te berce.. Merci. Je vais aller voir cela !

      · Il y a presque 9 ans ·
      Img 3458

      mamzelle-plume

  • "Le silence ce (SE) fut. La vie reprenait sont (SON) cour."
    A part ces deux fautes qui m'ont fait mal (je taquine), j'ai adoré, c'est très beau :)

    · Il y a presque 10 ans ·
    Cat

    dreamcatcher

  • L'ambiance est au carrefour d'Alice... de la nuit du chasseur du dormeur du Val et des aventures de Tom sawyer !!! Bien joué très très bien joué. CDC. .

    · Il y a presque 10 ans ·
    Bonnet d ane ecolier 768x1024

    dary-crawl

    • Wahou, merci pour ces jolies compliments. Cela me touche particulièrement... L'Alice de Lewis très bon livre.

      · Il y a presque 10 ans ·
      Img 3458

      mamzelle-plume

  • Un feu d'artifice d'images. Une virtuosité poignante. J'adore à nouveau.

    · Il y a presque 10 ans ·
    Aurore bor%c3%a9ale

    sylphide

    • Merci beaucoup, pour ce florilège de termes alléchants. Au plaisir !

      · Il y a presque 10 ans ·
      Img 3458

      mamzelle-plume

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