D'avoir les bons mocassins.

Elle ressemble à une indienne. Elle est large et son visage est lisse. Elle n'a pas d'âge. Elle a une voix qui glisse et qui réchauffe. Quand elle parle, on voudrait se recroqueviller comme un tout petit enfant et pleurer. Librement. Longtemps. Doucement.

Elle est comme ces guérisseuses qui posent les mains sur des plaies béantes et en une caresse magique, vous soulagent. Aujourd'hui, elle dit : n'empruntez pas les mocassins de vos parents pour marcher sur votre route. Au début, bien sûr vous serez tentée. Les mocassins de votre père ont peut-être le confort et la solidité des chaussures de randonnée. Les mocassins de votre mère sont peut-être tout rebrodés de perles colorées en forme de gouttes de pluie. Si vous prenez les mocassins faits pour marcher et que vous les ornez des fins éclats de couleurs qui dansent dans la nuit, si vous prenez ce qui vous plaît dans chacun des mocassins de vos parents, si vous allez librement poser vos pieds dans ce que vous avez choisi de fabriquer à votre mesure, vous irez votre chemin, Vous trouverez votre rythme, sans plus jamais vous sentir à l'étroit. Sans plus jamais que ça vous blesse.

Plus tard, après un long silence et d'autres images, de graines qui veulent sortir de terre et d'arbres qui n'en finissent pas de grandir, après une histoire de pomme rouge à l'intérieur, elle poursuit : Trouvez en vous le sentiment de la liberté. Il est là. Moi, je le vois. Trouvez-le. Ecoutez-le chanter. Tenez-le dans vos mains. Regardez-la, cette liberté, dans votre ventre, au chaud de vous. Elle vous appartient. Vous pourrez aller n'importe où avec elle. Elle est à vous. Vous la sentez ? Ne soyez plus inquiète. N'ayez plus peur de blesser, ou de vous tromper. Vous êtes libre. Aussi sûr que vous êtes en vie.

Quand j'ouvre les yeux, elle a le visage impossible d'une fracture dans le quotidien.