de la sueur des hommes

Susanne Derève

 
Que sait-on de la poussière des grues
et de la sueur des hommes 
 
Que sait-on des derniers relents de la nuit
quand l'humidité ronge insinue
coule sous les paupières
la sève brulante du sommeil arraché                                           
au café du petit matin                                
 
Muscles gourds sous les bleus de chauffe
corps durcis endurcis muets
corps las
du cliquetis des bielles
de l'aigre stridulation des essieux                                                                          
de leur implacable giration de chronomètre                                                                               
 
Métal glacé des crevasses profondes
gerçures plaies immondes 
 
Que sait-on de l'asphalte                                                        
suintant de graisse et de cambouis            
flaches saumâtres
de ces navires à quai
gueules béantes
dont les entrailles grondent
réclamant leur  tribut
de fournaise et de bruit
épaves moribondes
 
étoiles nues
absentes ensevelies
 
Mais aussi
que sait-on des aubes légères
du  pavois d'or de la lumière                                
dans le ciel encore blanc de pluie
 
Que sait-on des bras incandescents
des grues quand se défait la nuit                                                      
grands établis ossatures jumelles   
                          
Que sait-on de la tendresse des hommes
entre leurs mains rebelles
que sait-on de la vie 



peinture Paul Bloas
http://www.letelegramme.fr/finistere/brest/l-artiste-paul-bloas-invite-a-la-base-navale-22-09-2015-10783076.php
  • je viens de le relire... Il est sublime ! Un tout petit merci pour un grand texte !

    · Il y a presque 7 ans ·
    Autoportrait(small carr%c3%a9)

    Gabriel Meunier

  • J'ai beaucoup aimé lire ce poème … et j'y ai en plus découvert un mot (flache) merci pour ces deux plaisirs

    · Il y a environ 7 ans ·
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    nyckie-alause


  • C'est en attendant le petit matin,
    que s'endorment sous la brume,
    la danse des gréements, sous une houle lente.

    Les chaînes en gémissent : ou bien,
    ce sont les bateaux, las d'être à quai,
    qui soupirent, avides du grand large.

    J'aime le côté brut,
    relevé par l'odeur des huiles, et du poisson
    qui laisse sa fragrance autour des casiers et de la conserverie.

    Quelque peu éloignés du port de plaisance,
    et du môle, les bras levés des grues,
    les rails blancs,

    les ossatures métalliques des appareils de levage,
    l'empilement des containers
    dont certains arborent des caractères du bout du monde …

    Lorsque il fera complètement jour,
    ce seront les va-et-viens des hommes
    encore habités des relents de la nuit,

    des camions
    et chariots élévateurs,
    plongeant dans les entrailles des navires... :

    une autre esthétique que celle des voyages confortables,
    aux horizons de carte postale, apparaît,
    de façon crûe, et pourtant plus authentique.

    D'anciens cargos, bons pour la réforme,
    se décomposent lentement sur place :
    la peinture gris-vert s'écaille par plaques, rongée par la rouille.

    Cette rouille, nous dira bientôt
    des gerçures plus profondes,
    et le nom, inscrit en blanc sur la proue , devenu quasi illisible.

    L'usure du temps revient , au plus concret,
    nous frapper au visage,
    à la façon d'un crachin, omniprésent .

    Il enveloppe le tout, dans un suaire indistinct...
    On s'attendrait presque à voir surgir de la mer grise,
    le vaisseau fantôme...

    -
    RC

    · Il y a environ 7 ans ·
    Tulip  avr  21  03

    rechab

    • ah je crois que tous les ports du monde se ressemblent, ils ont les mêmes odeurs et les mêmes couleurs, mais avec le même champ lexical, ton texte est plus serein que le mien , il contient l'espoir d'un ailleurs ou d'un départ (même sur le vaisseau fantôme) ...

      · Il y a environ 7 ans ·
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      Susanne Derève

    • oui, bien sûr... ton sujet ce sont les hommes "sujets", moi ce sont les bateaux et le port comme "objets" de perception.

      · Il y a environ 7 ans ·
      Tulip  avr  21  03

      rechab

  • Des réminiscences du poème " L'Effort " d'Emile Verhaeren ... Et vous lourds débardeurs dont les larges épaules chargent ou déchargent ...

    · Il y a environ 7 ans ·
    Lune 08

    scribleruss

    • je ne connaissais pas le poème . Merci !

      · Il y a environ 7 ans ·
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      Susanne Derève

  • allez, je suis franc : j'aurai aimé être capable d'écrire ce texte... Mais quelle joie de le lire ! Un petit merci pour un tres grand texte !

    · Il y a environ 7 ans ·
    Autoportrait(small carr%c3%a9)

    Gabriel Meunier

    • et j'aurais aimé écrire "si possible" ... merci Gabriel !

      · Il y a environ 7 ans ·
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      Susanne Derève

    • va pour une partie de ping pong ! je vous envoie une photo

      · Il y a environ 7 ans ·
      Autoportrait(small carr%c3%a9)

      Gabriel Meunier

  • J'aime l'idée de personnaliser les machines auxquelles ces hommes ressemblent à force de les utiliser.

    · Il y a environ 7 ans ·
    Photo 1 orig

    Alain Balussou

    • les grues sont de grandes dames, danseuses du petit matin à ma fenêtre

      · Il y a environ 7 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

  • On sent briller la mer... (sans jeu de mots). Très beau.

    · Il y a environ 7 ans ·
    Philippe effect betty

    effect

  • merci à vous Julien, et savez vous que ces grands dessins de Paul Bloas au hasard des navires et des murs, c'est l'âme de Brest qui s'affiche

    · Il y a environ 7 ans ·
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    Susanne Derève

  • Magnifique et incandescent... Quel bonheur de vous lire ! Merci

    · Il y a environ 7 ans ·
    Profil

    Julien Darowski

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