Décrassage

interlude

(Tiré du livret en cours dont font partis "Instants";"Hiver brûlant" & "Les Extras-ordinaires")

Elle s'était réveillée aux aurores emplie de questions...

Drôle d'éveil, impression de pesanteur.

Un œil dehors, au travers de sa baie vitrée, il fait froid, le vent déplace les cimes en une danse frénétique secouées par ce vent au sifflement de bise...

Une mélopée pleine de grondements sourds, lourds, de ceux qui s'engouffrent et enveloppent partout, alternance aux sifflements aiguës résonnant comme un écho de révolte.

Ça ressemble un peu à ça aussi lorsqu'elle passe la spatule de dégivrage sur le pare brise dans l'air frais du petit matin...

Elle frisonne.

Quelle heure peut il bien être ?

La nuit est encore noire et haute; les oiseaux ? Elle écoute... Rien... Pas de piaillements, il doit être encore très tôt...

Elle ne se rendormira pas, inutile de traîner sous la couette ce matin, son balancier intérieur n'est pas à ce diapason …

Elle bouillonne...

D'un bond elle en sort, vite, une douche chaude.

L'eau ruisselle sur son corps osseux qu'elle ne regardera pas; rendant un instant à sa peau ces caresses qu'elle affectionne tant... Les yeux fermés, l'eau chaude ruisselante, les visions au fond de son être, sa peau gratifiée de ces tendresses, elle soupire... Juste un soupir...

Puis s'en arracher, sortir de cet espace de l'autre dimension, se sécher vite, elle a froid tout à coup et sa pesanteur de l'éveil la reprend toute entière...

Un café, se demande t'elle ?

"Mmmmm, oui, un café..."

Enveloppée du moelleux et doux de sa sortie de bain, sa peau ainsi maintenue dans la délicate chaleur de son soupir;

Elle met ce matin une dimension de rituel à sa préparation, concentrée sur chacun de ses gestes, comme s'ils avaient une importance vitale, comme s'ils étaient les derniers...

Goutte à goutte, elle restera regarder s'écouler ce breuvage brun, odorant; à nouveau ces suavetés de sens la ramène à tout autres évocations...

Le son de la dernière précipitation de vapeur chassent ses images... Enfin prêt...

Combien de temps s'est il écoulé depuis son lever ?

Quelle heure peut il être ?

Elle écoute les sons autour d'elle; les oiseaux ? Pas d'oiseaux...

Pourtant les bruits de vie sont là tout autour d'elle, cercle minuscule alors que sa maison est encore silencieuse...

Elle en fait le tour, tout le monde dort, elle passe voir sans bruit les sourires de leur sommeil.

Qu'elles sont belles ses perles d'amour... Un gonflement emplie sa poitrine d'un mélange de douceur et d'oppression. Ses yeux esquissent un sourire qui ne s'épanouira pas plus loin...

Mais qu'est donc cet étau qui occupe toute la place dans son corps ?

Courir ce matin, se dit elle, oui courir...

Le temps s'y prête, tout le monde dort, il lui reste un moment à elle.

Elle s'habille vite, attrape instinctivement ce vieux pull rouge, vestige d'une autre vie, il est confortable et rassurant, un pantalon formé à la forme de son corps; « Tiens, elle flotte aussi dans celui là... » Elle ne se regarde pas...

Terminant d'habiller son enveloppe de ces frusques destinés à conserver son incommensurable besoin de chaleur; elle écoute encore; silence....

La maison est emplie de cette atmosphère de sommeil, intemporelle; l'odeur délicieuse du café à la cuisine appelle son olfactif...


Non, pas tout de suite... Tout à l'heure... Après...

Courir, sortir... Un appel sauvage...

Elle dévale quatre à quatre les étages, les avale les uns après les autres sans s'en rendre compte.

Dehors, le choc du froid, du vent, de l'hiver qui s'installe.

Elle reste immobile là, respirant fort, emplissant son corps de tous les éléments et... Elle sourit...

Sa course commence, doucement d'abord, le vent la frappe au visage et s'engouffre sous ses vêtements, ça fait mal comme une brûlure au fer rouge mais c'est bon... Elle continue et accélère, ses jambes tremblent, chacun de ses muscles crient la violence qu'elle leurs impose, elle n'écoute pas et force encore...

Elle se sent bien, elle aime pousser ses limites et affronter les éléments, elle va ainsi chercher sa place...

Au moment où le corps accepte cette épreuve, son esprit reprend sa place et cette oppression de l'éveil avec lui réapparait, quittant sa poitrine, elle s'est installée en latence, toujours indéfinie mais palpable, angoissante...

Son travail des derniers jours passés s'est dilué, elle a fait le tour de son existence à force de raison, froidement, ce qui reste en cet instant est autre chose... Une émotion qui lui échappe... Elle la laisse sortir à mesure qu'elle parcourt son chemin caillouteux et inégal.

Elle l'égrenne au fur et à mesure de sa course, la dilue, la dissout, la dissipe jusqu'à la rendre inexistante, la chasser de son enveloppe, absolument...

Elle l'emprissone, elle n'en veut plus...

Captée tout à coup par ce qui l'entoure, elle regarde.

Le jour prend sa place étirant de son lit les couvertures colorées et mouvantes, remplaçant le noir progressivement en une flamboyante révérence.

« Tiens, les oiseaux ! » elle les entend à présent...

Quelle heure peut il être ?

Il faut faire demi tour, combien de temps a t'elle courut, elle ne sait...

Un rapide calcul de l'endroit où elle se trouve, elle s'étonne alors de la distance parcourue...


Demi-tour...

Rapide, elle accélère encore, les bras près du corps, la rage et l'énergie montent plus fort.

Elle pleure...

Petites gouttes salées coulant de ses yeux et traçant leurs sillons brûlants le long de son visage, elle ne les avait pas commandés...

Les évènements de sa vie défilent devant ses yeux à la vitesse de sa course, elle est presque arrivée déjà.

Ses larmes, leurs sillons, la brûlure, cet étreinte étouffante, sa vie passée laissée là tout à coup après elle...

C'était ça cette pesanteur... Ce qui a ce point précis se passe de mots...

Pourtant... Elle ne sait l'expliquer... Elle sent... Il manque une pièce... Elle ne l'a pas...

Au bout de ses sens, palpable mais indéfinissable... Elle perçoit... Juste ça...

Impuissance... Elle devra faire avec.. Encore...

Mais là, ça va...


Elle arrive chez elle, elle a chaud, son corps n'a plus de poids, elle est bien...

Elle entre... La maison est encore pleine de sommeil mais l'œuvre du jour y est aussi.

Le café sent bon, il est beau et brun, il est délicieux...

Elle regarde l'heure : 7h12...

Les oiseaux étaient en retard ce matin...

Le froid surement...

  • Gun Giant, je ne sais si j'ai bien compris votre commentaire... Vous pourriez préciser ?

    · Il y a presque 14 ans ·
    E amoureuxdeparis vi orig

    interlude

  • su vous prévoyiez un terrain d'atterrissage où pourraient se poser les questions (comme des papillons, par exemple)...oui, mais nous n'aurions pas eu ce diurne récit qui ne s'est posé nulle part...alors merci

    · Il y a presque 14 ans ·
    Crater orig

    gun-giant

  • pfff j'savais bien qu'il fallait pas que j'trâine avec lui... ;-)

    · Il y a environ 14 ans ·
     14i3722 orig

    leo

  • Tatatatoum... Plus le travail avance, plus ça devient difficile, plus ça se doit de respecter MON cahier des charges... N'hésitez jamais à dire aussi ce qui est déplaisant, s'il vous plait :))
    Merci à chacun et oui... la nuit je vadrouille mais en fait Léo, quand je t'ai vu, j'me suis planquée, le type qui t'accompagnait est vraiment trop flippant !!!

    · Il y a environ 14 ans ·
    E amoureuxdeparis vi orig

    interlude

  • superbe.. un délice.. coup de coeur pour moi!

    · Il y a environ 14 ans ·
    15592326 141051769716160 1919602287 n

    thelma

  • Superbe

    · Il y a environ 14 ans ·
    Default user

    pseudo

  • C'est très bien interlude, j'aime beaucoup cette course effreinée dans sa description et dans son émotions. Dur sont les introspections et les chaînons manquants qui pourtant nous enracine à des peines des plus terribles...Merci, à plus tard !!!

    · Il y a environ 14 ans ·
     14i3722 orig

    leo

  • Salut vadrouilleuse nocturne !!! Je t'ai croisé cette nuit mais j'étais vraiment trop claqué que j'ai remis à maintenant à la lecture de ton nouveau texte...

    · Il y a environ 14 ans ·
     14i3722 orig

    leo

  • Très bien écrit, on est vite captivé par l'histoire.

    · Il y a environ 14 ans ·
    Dargon d absinthe orig

    Lézard Des Dunes

  • Fort. Elle m'entraine dans sa course

    · Il y a environ 14 ans ·
    Bambou orig

    ko0

  • Comme une caresse matinale, douce et superbe. Merci.

    · Il y a environ 14 ans ·
    Marker jetee2 orig

    raudry

Signaler ce texte