Devenue

nyckie-alause

Hypnotique, lancinante, cette musique joue dans ma mémoire, 

t'en souviens-tu ? 

La porte n'a pas claqué quand tu es partie. 

Quand je l'ai regardée elle était close.

De ce jour

J'ai vécu dans le rêve de toi 

Et toi quels songes pour survivre ? 


Rien ne changeait en apparence, rien…

Nos regards qui s'échappent vers des lointains

Tes mots qui glissent contre mes mots qui dérapent

La peur les larmes les regrets ne viendront que plus tard.


Mon cœur se serre, 

expiration difficile pour des inspirations incomplètes

Parfois une lumière éclairait ton regard que je ne pouvais pas saisir

Que je ne pouvais plus saisir

Une lumière m'a remplacée…


Mais qui est-ce ? Qui est-il ? Qui est-elle ?

Toi ma fille devenue la novice parfaite d'un monde qui m'échappe

qu'as-tu vu que je n'aperçois pas, 

qu'as-tu perçu qui te capte

te rapte, te guide, te dirige, de conquiert, te domine 

et t'entraîne ailleurs

Ailleurs ? Ailleurs et loin de toi, de ce que je sais de toi ?

Loin de moi ?


Et cette musique qui ne me quitte pas cessera-t-elle enfin

Cette porte, au moins un chuintement des paumelles, un grincement du penne, un claquement de ressort, 

le souvenir d'un son significatif de départ

Un son qui invite au retour

une note suspendue…

Une raison d'attendre


Et les listes que je dresse de ce que j'aurais dû 

être, faire, dire, comprendre

de ce que qui est ma dette 

inextinguible

insurmontable…



Hypnotique, lancinante, cette musique

t'en souviens-tu ?


Si nous avions été capables,

avions eu des cris, 

des mots dont on dit « ils ont dépassé ma pensée », 

on le dit après coup mais il n'est pas trop tard.

Des regrets de ce que l'on a pas pu,

Ces éclats de voix comme des caresses qu'on ne sait plus donner

Ces claquements de portes qui bien plus tard sont comme des baisers

Ces gestes arrêtés trop près qui nous auraient fait chanceler

pour nous reprendre

Nous ne les avons pas eu…


Peur, c'est cela que nous avons eu, 

la peur qui entrave puis la peur qui contraint

et celle qui affole 

la peur que l'on reçoit et ne partage pas

la peur du jour et de la nuit

la peur de nous, du dehors, et puis de l'intérieur

la peur du danger, simplement


Et cette musique diffuse qui résonne ainsi qu'elle jouait déjà

de ce côté-ci de la porte

L'entends-tu comme moi, comme un écho 

de ce qui est advenu ?

Elle et la peur me submergent quand la saison arrive, quand les nuages envahissent l'horizon, quand les goélands poussent leurs appels de détresse. 

La musique, la peur, la tempête est inévitable. 

L'orage va enfin éclater, l'eau dévalera les rues jusqu'à l'océan

Les volets battront la mesure de

cette musique du passé lancinante et hypnotique…


Ma fille, est-ce bien toi qui vient ?

Tu as claqué la porte ?

Il n'est pas trop tôt, n'est-ce-pas, pas trop tard non plus

Donne-moi ton imperméable

Assieds-toi

je vais suspendre la musique

et 

si tu veux bien

je la remettrai comme un souvenir

quand le jour baisse

et qu'il sera l'heure de rallumer les lampes…

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