Double Je

Carole Desrousseaux

Je suis en béton, armée,  vue de l'extérieur et dedans c'est de la guimauve qui dégouline, rose bonbon princesse à paillettes. Dans mon sang, coulent deux parallèles bien droites, comme mes bottes, tout déborde et rien ne dépasse. Mise en abîmée, on est plusieurs à l'intérieur, comme des poupées polonaises. Je suis un fourgon blindé lancé à toute barzingue dans les murs avec un girophare étoilé qui hurle le pays des merveilles. Mi-Alice, mi-June. Mi-acide, mi-sucrée. Je ne sais pas aimer autrement que trop, trop fort, trop longtemps. Je sais détester, haïr, refuser, sur l'instant. Tourner en boucle, jamais en rond, trop carrée pour ça. Enragée mais pas colérique. Une pudique qui dévoile tout. Pas de secret, pas de tabou. Une patiente qui se satisfait de tout. Une impatiente blasée de rien. Une bombe à ressorts, une limace procrastinée.  Une fille de l'air qui a peur de l'eau, le feu au lac, les pieds sur Terre. Les extrêmes, les paradoxes, les opposés, les choix, les positionnements, tout est sous contrôle inconsciemment. Les mots savants conversent avec les maux d'enfant, joyeux bordel dans mon bocal. Dans ma bulle, des musiques ponctuées de fuck you anyway, animées par le souffle de mes plus belles soirées, jamais de regret les plus mauvais matins. Amazone perdue au fond des bois, prête à être la dernière fille avant la guerre. 

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