Douce incitation à rester sous la couette !

Il est six heures du matin. Tu es lovée tout contre moi, ma source tendre, mon amoureuse, décoiffée des heures nocturnes, vêtue de la même façon qu'au coucher: sans rien. Comme moi, d'ailleurs. Il fait doux sous la couette. Et voilà qu'en ouvrant un oeil (le droit) tu chuchotes ces mots inconscients: "Va falloir se lever et sortir..."

Quoi !?

Mais...Mais... En voilà une idée très mauvaise !

Heureusement que je suis là, moi. L'Homme de toutes les attentions, le Protecteur des Dames et Demoiselles, l'Amoureux prêt à défendre l'Elue. Rempart de mon corps pour abriter le tien, Commando en mission câline, Cupidon en voiture blindée dans laquelle tu te vautres, Amant courtois, Chevalier Servant, Gardien de la Couette.

Mais, mon amour, se lever, sortir ? A Dieu ne plaise ! Surtout pas !

Sais-tu ce qu'il y a dehors ? Je t'explique:

Sais-tu que, dehors:

Il y a des gens qui aiment la corrida, voir le taureau souffrir et s'écrouler sous les "youpis !" de la foule qui hurle, qui bande et qui jouit.

Il y a des fans du cirque uniquement pour voir le dompteur cerné de tigres et lions et hyènes, dans l'attente d'une seconde d'inattention qui le fera bouffer sous les cris de la foule qui hurle, qui ban... etc...

Il y a des "connaisseurs" et "connaisseuses" de boxe, contemplant avec béatitude les deux visages qui ne sont plus que deux plaies bleuies, et insultant l'arbitre qui voudrait arrêter la tuerie.

Il y a des voleurs qui attaquent les petites gens dans les rues.

Il y a des brutes, possesseurs de chiens féroces (féroces, car ils ont été élevés ainsi).

Il y a des hommes qui forcent à "faire l'amour" des femmes qui refusent de tout leur être, de tous leurs cris, mais ça fait rien, ils forcent.

Il y a aussi des gens dans la campagne qui tirent sur les lapins, les oiseaux. Et, tu sais quoi ? Ils disent qu'ils protègent la Nature.

Et il y a des politiciens/ciennes pas irréprochables du tout, mais alors pas du tout !

Sais-tu que, dehors, on peut rencontrer des hommes qui sont persuadés d'être supérieurs aux femmes !

Et (tu vas pas le croire) il y a des cavaliers et cavalières qui, vêtu(e)s d'un ridicule habit coloré, courent après un cerf pour l'épuiser, le tuer au couteau (ils disent "servir" le cerf), et ensuite boire du champagne entre gens du Même Monde.

Dehors, il y a des gens qui n'aiment pas les enfants. Ou qui les "aiment" trop, d'ignoble façon.

Et on trouve aussi des hommes qui exigent que leurs (possessif !) femmes soient voilées de la tête incluse aux pieds inclus.

On rencontre, dehors, certaines personnes détestant, haïssant, méprisant les hommes qui aiment les hommes, les femmes amoureuses des femmes.

On trouve des vendeurs d'armes (mines anti-jambes d'enfants, flingues, canons, bombes, missiles anti-avions de ligne, gaz rongeur de poumons, lances-flammes, et j'en passe...

Il y a, dehors, plein de messieurs et de dames qui jouent en Bourse et se foutent bien, mais alors, bien, des conséquences humaines de leurs jeux .

Et on voit partout des humains (!) qui n'aiment que l'argent, pour acheter des armes, des femmes, des boxeurs, des couteaux, des cerfs, du champagne, des animaux de cirque, des taureaux, des lapins, des oiseaux, des enfants, des chiens féroces, des élections !

Attention, aussi aux gens qui (il y en a de plus en plus) espionnent avec caméras et micros, pour se marrer en vendant nos vies privées. Bon, t'inquiète pas: ici, dans notre petit chez-nous, pas de caméras, rien que nos yeux. Pas de micros, rien que nos bouches. Pas d'écran, rien que notre lit.

Alors:

Oui ! Tu as compris, douce sirène entre mes bras, subtile naïade de mes nuits et jours, ma tentatrice, ma désirée, si on sort, on risque de trouver ces gens, d'être cernés par leur foule nauséabonde.

Parfois, même, ces personnes dangereuses cumulent toute cette liste d'horreurs. On les appelle:  les cumulards.

Quelle abomination si on en rencontre, hein, ma chérie ! Non, il faut l'empêcher.

Donc, mon adorée: Referme ton oeil droit. Enroule-toi doucement autour de mon corps heureux, et laisse ta petite main là où elle est, oui, là, c'est ça. Tu peux même serrer un peu plus.

Aïe ! Oui, voilà !

Pour mes deux mains à moi, pas de problème, je vais les poser... Là.

Une main sur chacun, et je peux caresser, tout doux, tout doucement.

Il semble bien que tu consentes. Et c'est toi qui prends mes lèvres dans les tiennes. Que dois-je en conclure ?

Nous ne quittons pas notre logis. Offrons à la journée un délicieux commencement...

Loin du dehors, loin des cumulards et de humains cruels, loin du bruit inutile.

Nous restons blottis sous la couette.

 Edouard HUCKENDUBLER ( conseiller expert en couettes incitatives)