Douleur exquise [Bloom] - M.Patate

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Allongé droit et raide sur le mince matelas de sa couchette, il fixait le plafond, à quelques centimètres de son visage. Ses cellules, en état d’alerte, goûtaient chaque courant d’air, chaque son, chaque vibration de ce train qui l’emportait.

Bloom.

Son nom résonnait encore comme la caresse d’une lame d’acier.

Bloom…

Comme une scie, obsédante à n’en plus finir. Sa vie et sa mort réunies. Ses espoirs, ses rêves, son pire cauchemar. Sa trouille, toute entière dans ses tripes, dans son sang. Dans sa peau.

Bloom, dans sa peau.

Le wagon fendait la nuit en un cri déchirant. Les yeux écarquillés, fixes, comme piqués sur sa tête, semblaient ne plus jamais vouloir se fermer de peur de balayer d'un coup de paupières les dernières images de celle qui ne lui avait rien laissé,  justement, que les yeux pour la pleurer.


Des femmes, il en avait connu tant qu’il avait voulu. Il avait « profité de la vie » comme on dit, enfilant ses conquêtes comme des perles sur un collier à plusieurs rangs. Et puis un jour, il la rencontra. Un jour il n’y en eut plus qu’une.

Le lendemain, elle avait disparu. Evaporée. Dissoute.  Métamorphosée en un minable bout de papier portant la mention « Je pars. Ne me recherche pas ».

Bien sûr, il avait retourné la grotte de fond en comble, il l’avait traquée sous chaque meuble, dans chaque tiroir, chaque poche même. Au détour d’un miroir il avait croisé son reflet. Image d’un pauvre fou, chauve échevelé, hagard, blême, ventripotent. Il s’était remis à courir en tous sens, mû par l’énergie d’un désespoir abyssal, avait explosé le parquet à coups de pieds de biche, missionné son chat de la pister en lui faisant sentir le bout de papier, crié son nom de toutes ses forces.

Bloom dans sa bouche, dans ses poumons, dans sa chair.

Bloom dans son coeur, dans ses veines, dans ses artères.

Bloom... partout sauf ici.

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