Epicarde
octobell
320 grammes qui s’agitent. Ca pulse. Le myocarde palpite, il s’ébroue, comme s’il venait de se réveiller d’une longue léthargie. Le mouvement des valves s’accélère, et elles pompent le sang avec une belle énergie, avec envie. Elles propulsent la vie. L’aorte suit le mouvement et expulse ses litres grenat qui s’en vont faire une course folle dans tous les moindres recoins du corps. Le sang, dans un raz-de-marée, percute avec violence les parois artérielles. A tel point que ça laisse des marques qui font gonfler la peau, sur la gorge, sur la tempe, et même sur son front qui trahit ses émotions. Une veine qui saille et qui le coupe en deux.
A l’extérieur, il est figé, mais à l’intérieur, ça bouillonne. L’épicarde et le péricarde entament leur danse collé-serré. Ils se frôlent, se décollent, se recherchent et se fuient. Ils sont les deux amants du cœur. Les globules aveugles s’y frottent, puis ils devinent et vont tout rapporter illico à maître cerveau sur son arbre perché. Tout ça lui donne bien des idées, et de l’autre côté, ça commence enfin à réagir. Il a des envies de collé-serré. Le sang marathonien fait brusquement dévier sa course vers le bas. Vite, vite, vite, très vite ! Puissant, puissant, puissant, très puissamment.
Impossible de se retenir d’avantage. Elle n’a fait que passer à côté de lui. Leurs peaux n’ont fait que s’effleurer, et elle ne l’a peut-être même pas remarqué. Lui-même n’a pour ainsi dire rien vu d’elle. Elle cache son visage derrière le masque dernière génération : verres teintés qui lui descendent jusqu’en bas des joues et larges montures noires. Qu’importe. Il n’a pas besoin de la regarder pour la ressentir. Il a simplement trouvé sa moitié. C’est elle, il le sait. C’est son épicarde qui lui a dit, son épicarde qui ne se décolle plus de son péricarde. Son cœur qui s’arrête. Il la prend par ce bras qui l’a frôlé un instant plus tôt, et elle a juste le temps de tourner la tête avec surprise avant qu’il ne pose ses lèvres contre les siennes dans un geste abrupt.
Terminaisons nerveuses électrifiées. Le long des axones, le courant passe et il électrocute le fameux sang qui est toujours aux premières loges. Ca fait un court-circuit jusque dans le cœur, qui repart au triple galop. Défibrillateur. Chargez !
Il n’a jamais ressenti ça de toute son existence. Ca ne dure qu’un instant. Un misérable petit instant de rien du tout. Moins que rien, même, à l’échelle de l’histoire du monde. Mais un moins que rien qui vaut plus que tout. Il peut mourir heureux. Ce moment dure éternellement.
Une autre sensation l’envahit soudainement. Inédite, brûlante, surprenante, mais pas agréable pour autant. Son cerveau réagit immédiatement, et il ordonne à sa main de frotter sa joue endolorie, là où le sang s’est agglutiné pour laisser une superbe empreinte rougeâtre marquée de cinq doigts. Et elle est déjà loin, trop loin pour la rattraper.
Mais il s’en fiche… Là dans son cœur, ça ne s’est pas arrêté de danser.
oh merci !! :)
· Il y a environ 11 ans ·octobell
Toujours une écriture aussi finement exploité, belle intrigue, bravo !
· Il y a environ 11 ans ·psycose
Difficile mais réussi. Bravo.
· Il y a environ 11 ans ·Marie Cornaline
Quel rythme! Au début, j'avais l'impression que tu décrivais le moteur d'une voiture, ensuite que j'assistais aux 24 h du Mans... le coeur, quel organe!
· Il y a environ 11 ans ·yoda
C'était un "voyage" très original, on se laisse embarquer ! J'ai trouvé que t'avais hyper bien gérer ce mot, j'aurai pas su, moi...
· Il y a environ 11 ans ·rafistoleuse
Merci à vous ! :)
· Il y a environ 11 ans ·octobell
C'est très bien trouvé et le plaisir de la lecture est là ! Bravo
· Il y a environ 11 ans ·Stéphan Mary
J'ai vraiment bien aimé!
· Il y a environ 11 ans ·Yannick Darbellay