Et JE créa LA femme

yfig

Comment trouver la femme idéale ...

Et JE créa la femme

 

Une nuit, tard, après avoir vainement compté plus de cent mille moutonsssss pour tenter de tomber dans les bras de Morphée, une ovine pensée géniale prit corps dans mes neurones.

 

Puisque je possède une certaine aptitude à compter, lire et écrire, rien ne s'oppose à ce que Je me crée mon idéal féminin, me dis-je.

 

Le premier élément déterminant qui me vint à l'esprit fut qu'elle soit rousse.

Cette caractéristique conditionnait, en effet, que sa peau serait d'une blancheur diaphane, ses yeux d'un vert profond, sa bouche fine et sensuelle, ses seins généreux sur son corps souple et  musclé.

L'enveloppe constituée, je l'auscultai sous tous les angles possibles.

J'admirai les rondeurs de ses fesses, le galbe de ses cuisses, la féminité de ses bras, la délicatesse de ses doigts, la finesse des traits de son visage ….. Je la fis marcher, puis courir pour mieux apprécier la plasticité de ses seins bondissants et de sa chevelure caracolante.

Ses mèches rousses et bouclées laissaient passer la lumière tout en la filtrant créant autour de sa tête une aura magnétique.

Oui, elle était bien telle que je la souhaitais.

 

Bien vite, je me rendis compte qu'il lui manquait le souffle de la vie car sitôt que je l'abandonnais à elle-même, elle se figeait statiquement sur place et tout son corps semblait s'affaisser tandis que son regard se perdait dans l'infini céruléen.

Elle restait prostrée, sans la moindre émotion qui rosisse sa complexion, on eut dit d'une poupée de son.

J'étais fort perplexe et quelque peu penaud.

 

Mais comment donc lui donner ce souffle divin, ces pensées, ces gestes raffinés sans que j'aie à la suivre en permanence du regard pour éviter qu'elle ne s'effondre sur elle-même ?

 

Quelques verres de pinard m'aidèrent à la tâche ….

 

Ce qu'il lui fallait, maintenant, c'était une cervelle avec un QI des émotions et des sentiments.

Mon QI tournant autour de cinquante, je me réservais d'autorité une petite marge de supériorité afin de conserver mon pouvoir sur ma création.

Je lui octroyais généreusement un QI de quarante.

Je fis, en même temps, l'inventaire des qualités que je lui concédais.

Elle serait obéissante, voire soumise en certaines circonstances, tendre, câline, affable, gaie, souriante, serviable, travailleuse, attentive à toutes mes exigences, patiente, élégante, raffinée, sobre (ça, j'y tenais beaucoup, surtout pour me ramener les soirs de beuverie).

Je m'arrogeai la prérogative d'ajouter d'autres qualités à cette liste, ultérieurement.

 

Son regard s'alluma et tout son corps se tendit, ses membres recouvrèrent leurs volumes, ses reins se cabrèrent ses seins palpitèrent et ses cheveux prirent de nouveau la lumière.

Elle me regarda avec une douceur infinie et je lus dans ses yeux la reconnaissance infinie, que je méritais, de lui avoir donné le souffle de la vie.

 

Elle remplit mon verre presque vide et j'y reconnus les signes de sa gratitude et de sa serviabilité.

Je me sentis plein de bonheur et d'allégresse.

Pour vérifier que mon œuvre était bien telle que je l'avais imaginée, j'entrepris de lui narrer ma dure journée de labeur bureaucratique sans omettre aucun des détails les plus inintéressants, les plus ineptes et elle m'écouta longuement sans sourciller ni donner le moindre signe de lassitude.

Toujours prévenante, elle me servait chaque fois que mon verre se vidait, conservant un sourire aimable et complice et me caressant de sa fine main la nuque avec douceur.

Soudain, je me sentis un peu las et je l'invitai à me suivre dans notre chambre ; ce qu'elle fit docilement.

Elle me déshabilla et je n'ai plus aucun souvenir de ce qu'il advint ensuite.

 

Le lendemain matin, mon cerveau comateux baignant dans une brume opaque, je sentis, malgré tout, son flanc collé au mien et qui me tenait chaud.

Je la pris entre mes bras et elle sut instantanément répondre avec ferveur et initiative à tous mes fantasmes les plus insensés.

J'étais comblé et assouvi.

 

Et les jours passèrent trop rapidement dans ce climat d'intense félicité.

Chaque instant était un ravissement, chaque heure une extase nouvelle et précieuse.

Nous étions en parfaite eutexie son âme était mon âme, son corps mon corps, son sexe le mien.

 

Elle entretenait la maison et mon linge avec entrain et me préparait des mets délicats et imprévus, tous emprunts de parfums et d'épices allochtones exotiques qui maintenaient mon appétence libidineuse à son niveau maximum.

Elle me faisait prendre mon bain et les ablutions se transformaient en jeux érotiques et mouillés.

Tout ce que nous faisions devenait prétexte à des exercices plus ou moins langoureux, plus ou moins exotiques, nous nous inventions des décors de rêves, des plages de sable fin bordées de cocotiers et l'eau de la baignoire était celle d'un lagon bleu outremer dans laquelle d'indolents requins blancs laissaient leurs ailerons fendre la surface.

 

Les journées s'effilochaient au rythme cadencé de son pas diligent traversant les pièces et les heures alanguies.

Je n'avais qu'à me laisser fondre dans le pongo un verre, toujours plein par ses soins, dans une main et la télécommande de la télé dans l'autre.

Je n'avais qu'à attendre que, ses tâches ménagères terminées, elle vienne me prendre par la main pour m'entraîner sauvagement vers l'arène de nos ébats lubriques.

 

 

Pourtant, un soir, j'eus comme un sentiment d'ennui de tant de béatitude lascive. La routine semblait s'installer et prendre des allures de rituel.

Le lagon était trop tranquille et les requins trop bouffis.

 

Il me fallait de nouvelles émotions, de nouveaux horizons, d'autres animaux de compagnie, des plages moins douces, des mers moins languissantes ; aussi, je décrétais qu'elle serait encline à plus de masochisme, je pensais que son corps réclamait ma main en pluies de fessées. Aussitôt, elle me supplia de la frapper, de la lacérer, de la torturer, de la tourmenter, de l'entraver de chaînes et de la fouetter.

 

De nouveau, les jours filèrent sans nuage ni fatigue, brisant les tristes habitudes, nous réinventions les jeux de l'amour et ses règles.

Notre univers était empli de sons, de cris, de sifflements, de fragrances envoûtantes, de rythmes endiablés, de fièvres, de frénésies et d'étreintes violentes et sensuelles.

 

Ses appétits érotiques ne cessaient de s'accroître.

 

Son  corps ne cessait de frémir d'ondes charnelles aux arômes de cyprine.

 

Elle atteint bientôt des paroxysmes dans ses fringales de sexe et brutalité qui me dépassaient.

 

Dans un dernier sursaut, juste avant de tomber d'épuisement, je lui enjoignis de se calmer.

 

Elle était penchée sur moi, son visage tout près du mien,  ses lèvres couraient sur les miennes et sa main enserrait mon sexe pour le réanimer.

Je crus défaillir en lisant dans ses yeux de braises ses désirs pervers inassouvis qui dansaient comme des démons dans les flammes de l'enfer.

 

Puis elle disparut soudainement vers le salon.

« Viens Yfig » me dit-elle, et sa voix semblait calme et posée.

 

Je la rejoignis non sans efforts.

Elle était assise à la table et une feuille de papier A4 couverte d'une écriture fine qui n'était pas la mienne reposait devant elle.

Je m'assis face à elle.

 

« Il faut que je te dise quelque chose qui va te faire du mal.

   Tu n'es pas réel, tu es un être virtuel que j'ai décrit et créé par des mots sur ce   papier. Je t'ai fait tel que tu es par la magie de la pensée créatrice et te donnant forme et âme et j'ai pris bien des plaisirs en ta compagnie, mais aujourd'hui, je suis fatiguée de tes frasques incessantes, de tes algarades, de tes débauches, de tes infidélités, de ton cynisme, de tes inconstances perfides.

   Et puis tu me lasses, tu n'as plus d'attraits ni de vitalité. »

 

Elle prit entre ses longs doigts fins et délicats la feuille de papier qui gisait sur la table, me fixa droit dans les yeux sans aménité ni agressivité, et, du pouce et de l'index de ses deux mains je la vis entreprendre le geste fatidique.

 

Je sentis une immense déchirure, puis, plus rien.

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