Famille - L'Ourcq en peluche

Michel Chansiaux

Désert de repos pour les gens du voyage

L'automne est beau à Paris. Les Parisiens sont ronds et généreux comme des raisins. Pour évoquer ce temps gaillard des vendanges, les hôtels d'une chaîne atypique sont allés au bout de leur démarche de démarcation qualitative. Ils ont érigé sur leur terrasse des camps de toile. Génial. Sous ces rudes dais de tissu de chanvre, on se sent en sécurité la nuit venue. Ni les orages, ni la brume, ni les moustiques ne peuvent franchir cette trame qui sent encore imperceptiblement la pourriture du rouissage de la plante mère. Je me fais la remarque que la sensualité de cette senteur provient de son extrême dilution dans l'air. Ma sœur et mes parents sont plus prosaïques. Ils raffolent de ce concept "campagnard", largement inspiré des agapes du roman « Que ma joie demeure » de Jean Giono. La table est généreuse et les couples s'enlacent et valsent. Soudain un cri. Quelqu'un a du passer les bornes. J'ouvre un œil et ne vois que des tentes improvisées avec des matériaux de récupération, des reliefs de hérissons rôtis et des carcasses de poulets. Je perçois l'odeur morbide du cuir des chaussures des gardes mobiles qui arrachent les femmes agrippées à leur cabas de victuailles. "Réveille-toi", me secoue-t-on. L'officier nous toise "Vous vous croyez où ? Dégagez de ce terrain ! " Je jette un dernier coup d’œil au panneau du promoteur : Bientôt ici, l'hôtel "L'Ourcq en peluche", 101e établissement de Best Boutique Hotel Collection. Partons, on reviendra, tous les chemins mènent à Rom.

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