Faut pas gonfler Gérard Lambert

Quel n'a pas été mon amusement lors du dernier numéro d'Auto-Moto, qui consacrait tout un chapitre au courage extraordinaire des pilotes de Formule 1. L'appréhension de prendre le volant, la peur de l'accident, l'angoisse de ne pas s'en sortir vivant... autant de témoignages poignants, qui présentaient les sportifs français comme de véritables héros bravant le danger à tout moment pour faire vibrer les aficionados que nous sommes. Mort de rire. J'étais mort de rire. L'un d'eux racontait notamment comment il s'était fracturé la jambe à l'occasion d'un crash qu'il qualifiait d'hyper spectaculaire : " Le choc était impressionnant, mais c'est surtout la rééducation qui a été difficile". Et ma grand-mère ? Il y pense à ma grand-mère ? Elle qui s'est cassé le col du fémur en descendant dans sa cave. Elle qui est resté clouée au lit pendant plusieurs mois, aux prises avec une souffrance indicible et des doutes insupportables quant à la possibilité de pouvoir remarcher un jour. Ma grand-mère, à chaque fois qu'elle emprunte un escalier, elle sait qu'elle risque vraiment sa peau. Elle est admirable ma grand-mère. En fait, y'a pas plus sûr comme activité que la conduite d'une voiture de course sur un circuit. C'est vrai quoi, si on fait le bilan des dernières décennies en la matière, on peut compter les accidents relativement sérieux sur les doigts d'une main. Ces pilotes qu'on adule ont finalement autant de raison d'avoir les foies qu'un gamin qui va faire un tour de manège à la foire du trône. Par contre moi quand je me rends six jours sur sept au boulot sur ma mobylette, par tous les temps, de jour comme de nuit (parce que je fais les trois huit) et au milieu de tous ces automobilistes stressés, je me demande souvent par quel miracle je suis toujours en vie. D'autant que moi je roule pour gagner le Smic, et pas pour empocher des millions de Dollars à user du pneu et du carburant au volant d'une monoplace quasi indestructible.