Harmonie
Sy Lou
Des sureaux en fleurs émanait une odeur tellement entêtante qu'il aurait pu la voir. Les arabesques musicales des oiseaux étaient si stridentes qu'il aurait voulu les dessiner et leur donner corps. Le vent lui murmurait des histoires si échevelées qu'il aurait su dénicher les mots exacts pour les mettre en phrases et les raconter à son tour.
La peur de perdre cet instant si particulier l'assaille. Il redoute d'oublier à quoi ressemble toute cette vie qui jaillit autour de lui, vivifiante et contagieuse.
Il s'empare promptement d'un chevalet et de ses peintures. Sa main se promène au-dessus de sa collection de pinceaux, les effleure, en apprécie la dureté ou la souplesse. Il en prend un spontanément, sûr de son choix.
Un instant, la surface vide de la toile blanche lui donne le vertige. Il y laisse errer son regard, comme pour faire surgir déjà ce qu'il ambitionne de recréer.
Mais le temps presse, l'instant trop fragile : impensable de laisser passer cette lumière volatile, ce souffle si doux, ces couleurs évanescentes.
Alors il pose sur la toile une profusion d'émotions, celles-là même qu'il a ressenties et qu'il libère sans attendre, avec audace. Le vent se laisse capturer par le panache de son pinceau, donne vie aux arbres qui ondulent déjà et s'épanouissent de mille verts, du plus profond au plus léger. Il éclaire le paysage d'une touche aérienne, lui confère cette luminosité impalpable mais si prégnante. Les oiseaux lui confient leur partition pour qu'il en traduise ses tonalités colorées. Le réalisme devient saisissant. Un foisonnement de sensations allant crescendo. Elles donnent envie de se courber par-dessus son épaule pour respirer ce décor, l'écouter et se perdre dans ses chemins creux.
Ce sont les rainettes à la nuit tombante qui le tirent de son œuvre lumineuse. La pénombre fait ressortir maintenant ce tableau rayonnant et éclatant dont émane une sérénité inégalée.
Il signe sa toile d'un bouquet champêtre, pose son pinceau, s'allonge sous les étoiles. Sa respiration se calme… Il se sent en harmonie avec l'environnement. Totalement absorbé par son rêve éveillé, il aperçoit à peine la lune diaphane se pencher avec curiosité sur sa peinture. Elle y laisse son empreinte, mais si discrète qu'au matin, il s'interrogera sur l'origine de ce léger coup de pinceau passé pourtant inaperçu.
Des fleurs de sureaux j'en fais du vin. Des fruits une gelée alors que cru c'est un poison. Ton texte me rappelle un autre poème italien. J'essaierai de le retrouver.
· Il y a plus de 7 ans ·Marcus Volk
Je veux bien, oui, que tu retrouves ce poème italien...
· Il y a plus de 7 ans ·Le sureau cru ? J'en mange une grappe entière sans problème. Il doit s'agir d'une idée reçue... Merci pour ta lecture.
Sy Lou
Le sureau noir et le sureau rouge est comestible (celui qu'on trouve dans nos campagnes, façon arbuste) ; le sureau yèble ou hièble, lui pousse non pas comme les autres façon arbuste mais comme une plante de 1 à 2 m et lui est un poison.
· Il y a plus de 7 ans ·Marcus Volk
Le poème est quelque part dans un ouvrage dans cette fameuse bibliothèque familiale... plus de 2000 ouvrages, je le chercherai.
· Il y a plus de 7 ans ·Marcus Volk
Merci pour ces précisions concernant le sureau. Encore des lacunes que tu combles me concernant.
· Il y a plus de 7 ans ·Comme je me sentirais humble et respectueuse devant une telle bibliothèque, qui plus est, familiale ! Il me semble que je retiendrais mon souffle et n'oserais pas prendre un livre.
Sy Lou
Certains sont assez anciens mais pas antérieurs à 1780 ; juste une bibliothèque héritée des anciens ; certains livres ont une couverture cuir plein peau dont le patinage des années les rend sublimes au toucher (presque de la douceur de la peau d'une femme....)
· Il y a plus de 7 ans ·Marcus Volk
Quel bel héritage intellectuel... Je conçois sans peine ce qu'il est possible de ressentir en les touchant...
· Il y a plus de 7 ans ·Sy Lou
Nous avons d'anciens ouvrages de médecine fort bien détaillés pour l'époque, de botaniques, la précision des dessins sont de purs merveilles. Comme je n'aurai pas de descendants directs, et que mes ayants droits sont incapables de discerner le beau j'ai déjà pris mes dispositions, cette bibliothèque sera offerte en donation à l'Etat.
· Il y a plus de 7 ans ·Marcus Volk
C'est très bien ainsi. Mais au bout du compte, as-tu réfléchi à ce que cette bibliothèque sera devenu dans deux ou trois siècles de plus ? Elle ne sera pas éternelle. Elle passera, elle aussi, fera partie des souvenirs de certaines personnes, puis ces souvenirs-là s'effaceront à leur tour. Ou bien encore cette donation contribuera à l'éparpiller. Trésors irrémédiablement perdus car l'esprit de famille qui les réunissait sera détruit. Mais c'est ainsi. Quelque part, c'est une leçon d'humilité.
· Il y a plus de 7 ans ·Sy Lou
300 ans ? tu vois loin... pense pas que l'Humanité sera encore présente...
· Il y a plus de 7 ans ·Marcus Volk
Pessimiste... C'est pour quand la fin du monde ? J'aurai le temps de lire ta réponse ? :)
· Il y a plus de 7 ans ·En fait, sérieusement, je pense qu'il est prétentieux de penser que l'Humanité sera toujours présente, mais je crois (c'est là où ma réponse est paradoxale), que des jours différents se lèveront où l'être humain tirera parti de ses erreurs. Je crois à une seconde chance. Après le second Déluge...
Sy Lou
Il y aura des survivants. Comme toujours. Seront-ils capables de remettre sur pied une civilisation viable ? Vois tu à quel niveau nous en sommes ?
· Il y a plus de 7 ans ·Marcus Volk
Oui, je vois bien à quel niveau nous sommes parvenus. Mais si nous ne nous nourrissons pas d'espoir, cela revient à condamner inconsciemment l'Humanité, à nous condamner.
· Il y a plus de 7 ans ·Sy Lou
Tout est cycle ; à l'Homme surviendra autre chose, j'espère en mieux.
· Il y a plus de 7 ans ·Marcus Volk
D'accord pour cette notion de cycle. Pourquoi autre chose après l'homme ? Et si c'était de notre devoir de commencer à semer les graines d'un futur meilleur ? Plutôt que d'espérer du mieux ? Nous pourrions en être les artisans. Quand je dis "nous", c'est toi, moi, les autres. C'est peut-être notre responsabilité d'être humain que de transmettre. Tout dans la vie est une histoire de transmission. Que t'ont transmis tes parents, tes aïeux, ta culture familiale ? Que transmets-tu autour de toi ? Les mêmes questions sont valables pour chacun d'entre nous. Je sais que la vie t'a donné mille et une raisons de penser le contraire, que tu as été confronté à la face noire de l'être humain, mais... mais... justement...
· Il y a plus de 7 ans ·Sy Lou
oui mais non
· Il y a plus de 7 ans ·Marcus Volk
Ok
· Il y a plus de 7 ans ·Sy Lou
Je ne crois plus en l'être humain et sa soi-disant "bonté naturelle"
· Il y a plus de 7 ans ·Marcus Volk
L'être humain n'est pas naturellement bon.
· Il y a plus de 7 ans ·Ensuite si tu ne crois plus en l'être humain, tu ne crois plus donc en toi-même. Serais-tu inhumain ?
Sy Lou
Vaste question... qui suis-je pour y répondre ?
· Il y a plus de 7 ans ·Marcus Volk
Juste un être humain...
· Il y a plus de 7 ans ·Sy Lou
Me le demande...
· Il y a plus de 7 ans ·Marcus Volk
Toi seul peux savoir... Dans le silence intérieur de ton être, tu sais déjà.
· Il y a plus de 7 ans ·Sy Lou
j'aime beaucoup ce genre de texte, en + à chaque fois tu tombes juste car je projetais justement de me mettre (un peu) à la peinture, même si j'en ai quasi jamais fait et n'ai aucune idée de ce que ça donnera.
· Il y a plus de 7 ans ·tu lis dans mes pensées :)
et j'aime bien le titre aussi.
tu peins , toi ?
je crois que je vais essayer de m'y mettre, vu que j'ai du mal pour l'écriture en ce moment.
a bientot
torpeur-2
Essaie de peindre sans chercher à atteindre un résultat bien précis. Même si c'est de l'abstrait, laisse faire ta main sur la toile. L'important est de se lâcher, on n'est pas là pour obtenir un résultat.
· Il y a plus de 7 ans ·Pour répondre à ta question, je peins, du figuratif essentiellement. Je prends des cours de peinture depuis trois ans, et commence à savoir faire parler mon pinceau...
Sy Lou
Toujours cette si jolie délicatesse avec les biens précieux, les fleurs, les odeurs, les couleurs, les bienveillances de Mère Nature :) Apaisement de lecture ! Tu n'as rien perdu !!!! tu nous livres de si jolis écrits !
· Il y a plus de 7 ans ·Il et la Lune, joli couple.
Aurore Rodi (Ancienne Alice Gauguin)
Merci beaucoup, chère Alice... :)
· Il y a plus de 7 ans ·Sy Lou
belle peinture !!! bravo ! et merci ;))
· Il y a plus de 7 ans ·Patrick Gonzalez
Merci Patrick... Merci beaucoup :)
· Il y a plus de 7 ans ·Sy Lou
" La peur de perdre cet instant si particulier l'assaille. Il redoute d'oublier à quoi ressemble toute cette vie qui jaillit autour de lui, vivifiante et contagieuse." <<< P'tèt bien que la réponse est là ! Toute simple. Un joli texte dont j'apprécie la sincérité :o)
· Il y a plus de 7 ans ·daniel-m
Merci beaucoup pour ce commentaire qui sonne juste. On porte souvent en soi les réponses sans le savoir...
· Il y a plus de 7 ans ·Sy Lou
Naïf, tu plaisantes j'espère ? Je te rassure , c'est loin d'être le cas
· Il y a plus de 7 ans ·marielesmots
Merci... :))
· Il y a plus de 7 ans ·Sy Lou
C'est tout simplement splendide Sy Lou, je vois que tu as retrouvé l'inspiration. .. merci à toi
· Il y a plus de 7 ans ·marielesmots
C'est moi qui te remercie d'apprécier ce texte. J'avais hésité à le publier, le trouvant quelque peu naïf, mais comme cela correspond à mes émotions, j'ai fini par me persuader qu'il trouverait au moins un écho sur ce site. C'est chose faite :) Donc, merci encore...
· Il y a plus de 7 ans ·Sy Lou