C'était nuit noire.
ellis
La lune est debout et la nuit chante un peu quelque chose de mystérieux. Je croise deux adolescentes au détour d'un sentier et ma voiture ne les voit qu'au tout dernier moment. Je me suis fait peur et j'ai pensé à toi. Brutalement.
A cette nuit froide où tu rentrais sur la vieille mobylette de Jacques l'aîné.
Froide nuit avec ses petites dents acérées qui mordaient la peau de ton cou. Y a eu une petite camionnette dans la nuit noire. Pas vue, la fille à la mob. Pas vue, feux trop faiblards. Pas vue. Alors, elle a frôlé le petit engin et tu ne te souviens plus quand tu racontes, et quand tu racontes on dirait l'histoire d'une autre. Tu es tombée. La mobylette traînée sur plusieurs mètres, accrochée on ne sait comment à l'arrière de la camionnette qui n'avait pas vu ? Pas compris ? Homme saoul ? Jamais tu ne dis, jamais je ne demande. L'histoire je me la rappelle mais me l'as-tu racontée un jour ? Et qui a parlé ?
Toi traînée sur plusieurs mètres. Ton casque qui tape la route caillouteuse. Encore encore. Et toi qui cries. T'arrêtes pas. T'appelles, folle. Ta voix qui se casse. Tu crois que tu vas mourir. Et puis tout s'arrête. La mobylette s'est décrochée. La camionnette a filé.
Tu es rentrée seule. Nuit froide. Tu tenais le guidon de la vieille mob de Jacques toute cabossée. Quand ta mère a ouvert la porte elle a manqué de s'évanouir. Visage et cheveux charbon. Vêtements déchirés. Et dans tes yeux, dans tes yeux y avait comme une folie. Est-ce que t'avais rêvé ? Toutes ces longues minutes seule à marcher, toute cassée, toute noire de terre dans la nuit froide, pensant à la colère de Jacques l'aîné, pensant que t'avais bien failli y passer. Pensant heureusement, heureusement y avait le casque. Pensant. Pensant à la nuit froide de la semaine dernière où ça veillait le corps de ton père dans le salon et que partout y avait des bruits qui t'empêchaient de dormir mais que ce qui tenaillait le plus ton petit cerveau, c'était que tes larmes ne venaient pas et que tu trouvais pas ça normal.
Pas normal. Dans ton regard y avait une folie. Elle, elle a pensé voir un deuxième fantôme. L'hiver a été sacrément rude cette année-là. Toi, t'avais pas seize ans. Et puis. L'hiver s'est endormi quelque part au fond de tes yeux, avec sa petite folie noire et sa semaine de fantômes. Toi, t'avais pas seize ans.
on y est, puissant, évocateur, rythmé, balaise la miss ellis
· Il y a environ 9 ans ·Christophe Paris
hey merci ! heureuse de te revoir par ici :)
· Il y a environ 9 ans ·ellis
J'ai adoré le récit et les phrases qui s'enchaînent et se répondent. J'ai vu la scène, comme si j'y étais. Oui bravo !
· Il y a plus de 9 ans ·fionavanessa
merci beaucoup toi :)
· Il y a environ 9 ans ·ellis
direct dans l'intime, et la tragédie une prose qui laisse bien "voir" ce tressaillement. Bravo!
· Il y a plus de 9 ans ·elisabetha
merci beaucoup
· Il y a plus de 9 ans ·ellis
La matière. Elle est là, bien présente.
· Il y a plus de 9 ans ·Et avec ta plume et ton humanité, il ne te manque que le temps pour écrire plus long. Penses-y...
(il est top celui-là aussi)
;)
wic
merci toujours pour la bienveillance de tes commentaires. Pour ce qui est d'écrire plus long, pour le coup là-dessus, je n'en serai jamais capable. (mais merci vraiment)
· Il y a plus de 9 ans ·ellis
Je ne songeais pas particulièrement à celui là qd je parlais de plus long. Il s'agissait plus d'une impression transverse sur tes textes. Et par matière, je pensais simplement que tu disposes de cette capacité rare de traiter de manière égale des sujets forts variés. That's all... ;).
· Il y a plus de 9 ans ·wic
that's all et c'est déjà plus qu'un sacré compliment. merci, derechef.
· Il y a plus de 9 ans ·ellis
Tes textes sont toujours très puissants Ellis. Merci
· Il y a plus de 9 ans ·carouille
ça me touche Carouille. Vraiment.
· Il y a plus de 9 ans ·ellis
Très joli
· Il y a plus de 9 ans ·ella
merci !
· Il y a plus de 9 ans ·ellis