L'âge de la mousse humide et charnue sur le gris rocher de la sorcière, l'âge des écorces de hêtre, des bois de cerfs, des plumes de tourterelle, de l'eau du canal St Martin qui coule paisiblement comme le sang dans mes paumes agite mon stylo, comme l'encre noire qui engendre les mots. Cette encre récoltée au bout de l'horizon par une nuit sombre et qui a un goût d'infini, de voyages et d'amours paisibles.
J'ai 58 ans.
L'âge des enfants du Sahel, de Bogota, de Tchétchénie, l'âge de leurs yeux vermeils qui ne questionnent pas, de leur résignation courageuse, de leurs douleurs cachées, de leur envie de vivre et de rêver encore. J'ai l'âge de la rosée gelée de ce matin de décembre, cuticule d'eau sur le vert feuillage, vie parfaite et immédiate. J'ai l'âge de mon amour pour toi car je t'ai toujours aimé, même en rêve.
J'ai 58 ans.
L'âge des pierres des prisons démolies qui n'enfermeront plus personne, l'âge du ciment du mur de Berlin qui n'est plus qu'un vieux souvenir, l'âge des soldats morts à Verdun qui dorment jusqu'à la prochaine trompette, l'âge des américains, sacrifiés sur les côtes normandes, l'âge des exploits passés mais aussi des défaites, l'âge d'arrêter de courir après les chimères et de me poser pour goûter au « vrai », mais le « vrai », n'est-ce pas une illusion?
J'ai 58 ans.
L'âge où les mots se déforment d'avoir trop de sens, l'âge où les souvenirs se regardent en photos de famille, l'âge de n'être plus propriétaire de rien, l'âge d'être libre, l'âge d'être seul, l'âge de ne plus me regarder dans la glace, l'âge de la routine familière qui me maintient dans un spectre de vie où je ne vois plus les autres, l'âge où je n’arrive plus à aimer les gens, l'âge où je n'ai plus besoin d'eux, ni de leur amour.
J'ai 58 ans.
L'âge de comprendre enfin que mes joies et mes drames passés ne s'effaceront jamais, que je n'ai d'autre choix que de vivre avec eux, l'âge de ne plus rire aux éclats, l'âge de ne plus pleurer, l'âge de me contenter du moins pire.
J'ai 58 ans.
Mais je ne suis encore qu'à l'aube de ma vie !
Oui, car j'ambitionne d'avoir un jour l'âge de la lune et des étoiles, l'âge des chênes immenses formant à eux-seuls une forêt, l'âge des montagnes enneigées et des fleuves bouillonnants, avoir tellement d'âge que je ne compte plus, avoir tellement d'âge que je suis rassasié de vie et d'amour et de jours, et ne plus songer à la mort, pas même en souvenir.
Très beau poème, 58 ans, l'age de la déraison, de l'illusion d'un monde meilleur, mais une ode à l'espoir. A l'approche de mon prochain septuagénaire, les illusions s'évanouissent. Mais, je suis trop pessimiste, et je vous souhaite de garder vos rêves!
Très beau texte cette vie sans fin m'émeut tellement que je suis passé par là et ne suis qu'à mon jeune âge. Certes je n'ai plus l'âge que javais hier!!!
Et j 'ai loupé ça ... Coup de coeur
· Il y a presque 13 ans ·sophie-dulac
Merci!
· Il y a environ 13 ans ·Emmanuel Rastouil
Très beau poème, 58 ans, l'age de la déraison, de l'illusion d'un monde meilleur, mais une ode à l'espoir. A l'approche de mon prochain septuagénaire, les illusions s'évanouissent. Mais, je suis trop pessimiste, et je vous souhaite de garder vos rêves!
· Il y a environ 13 ans ·Yvette Dujardin
Réconfortant et bien écrit, merci
· Il y a environ 13 ans ·jb0
Tu redonnes l'espoir à beaucoup de gens ! Bien pensé !
· Il y a environ 13 ans ·Tahar Yettou
Pas grave, ça marche quand même! Merci d'être passé!
· Il y a environ 13 ans ·Emmanuel Rastouil
Très beau texte cette vie sans fin m'émeut tellement que je suis passé par là et ne suis qu'à
· Il y a environ 13 ans ·mon jeune âge. Certes je n'ai plus l'âge que javais hier!!!
lanlan
Merci!
· Il y a environ 13 ans ·Emmanuel Rastouil
Magnifique et émouvant.
· Il y a environ 13 ans ·ecriteuse