J'aurais pu mourir

thelma

J’aurais pu mourir…

Voilà je suis née.

Je m’éveille sur le monde d’entrée de jeu.

A deux ans déjà, l’émerveillement s’est consumé.

Je grandis, vaille que vaille, entre les cris et les non-dits..

A 9 ans, la coupe est pleine.

Je rêve d’envol, de ciel étoilé, attirance inarrable, fugitive et ancrée.

La nuit quand tout est endormi,

Je me lève, ouvre la fenêtre et je grimpe sur le rebord du huitième étage..

Je me faufile le long du vide

Chaque nuit, un petit pas de plus sur le rebord qui héberge à peine ma pointure 35, comme pour faire la nique aux âmes inconscientes..

Je reste campée, droite comme un I et l’emerveillement s’empare de moi

comme une gifle, un coup de poing qui me maintient contre la paroi.

J’observe alors la nuit, le ciel, les lumières en bas et toute cette immensité que je ne connais pas. Je remplis mes yeux de ce décor silencieux pendant de longues minutes avant de rejoindre à tâtons la fenêtre béante et me faufile dans mon lit pour me repaître de ces images volées derrière mes paupières closes.

J’aurais pu mourir…

À l’inverse de l’enfance, l’adolescence me pousse au risque et à la provocation.

Campée sur ma ligne blanche séparant deux bandes de circulation à grande densité, je joue les toreros entre les véhicules. Les klaxons remplacent les Olés, et je jubile d’être enfin l’objet de tant d’attentions.

J’aurais pu mourir…

A l’âge de cendrillon, après les bonheurs et les illusions,  je cherche les sensations fortes au volant de ma voiture et je sors plus qu’il n’en faut.. je m’abîme à oublier qui je suis, et surtout celle que j’aurais voulu être en évitant à tout prix le sommeil. À rouler à 240 km/H sur une superbe moto avec un pilote chevronné ramassé depuis.

J’aurais pu mourir….

Aujourd’hui, je joue toujours aux équilibristes entre les soucis et les bonheurs…

Je me sens toujours comme un torero dans les gares bondées, les métros plein à craquer dans cette immense arène de fourmis ouvrières…

Rien n’a vraiment changé…

Et de ça? Peut-on en mourir?

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