Jésus était un SS

Hervé Lénervé

Figurez-vous, qu’il m’est arrivé dernièrement un truc étrange, il faut que je vous raconte ça.

Tôt dans la matinée d'hier, donc, je reçus la visite de deux flics banalisés en civil, un homme et une femme, mais je devrais plutôt dire « d'une femme et d'un homme » pour éviter des poursuites pour discriminations sexuelles. Ils me demandèrent s'ils pouvaient s'entretenir un moment avec moi, que ce ne serait pas long. Je leur répondis qu'avec le confinement, je ne pensais pas sortir faire un golf de sitôt. Voici l'entretien que nous avons eu.

Monsieur Lénervé, dit l'homme, le chef sans doute, quand avez-vous vu votre femme pour la dernière fois ?

Le genre de question que l'on entend dans les films policiers, après un meurtre. Je lui répondis que je ne savais pas exactement et je leur demandais le sens de cet interrogatoire. Ce fut la femme qui renchérit cette fois, finalement, c'était peut-être elle, la chef.

-         Monsieur Lénervé, votre nom est ressorti plusieurs fois sur notre nouveau logiciel de recherche des coupables.

-         Mais coupable de quoi ? M'exclamai-je.

-         Sergent, nous avons perdu assez de temps comme ça, énoncez lui ses droits qu'on en finisse.

Dit l'homme à la femme sergent. Il ne faisait plus de doute que ma première impression machiste était la bonne, c'était bel et bien lui, le big boss.

-         Monsieur Lénervé, vous êtes en état d'arrestation, sachez que vous pouvez garder le silence, mais que nous avons les moyens de vous faire avouer vos fautes.

-         Alors là, messieurs-dames les policiers, sachez, vous-même, que vous êtes dans l'erreur la plus grossière et que vous regardez trop de séries américaines. Le droit français n'a pas besoin de stipuler cette phrase pour éviter les vices de procédure.

Le sergent-femelle fixa d'un regard perdu son collègue-mâle de grade inconnu. Ce fut à ce moment précis que ma femme choisit pour descendre de l'étage.

-         Chéri, ses messieurs sont de la police et sont ici, pour m'interpeler.

-         Mais pour quelle raison ?

-         Ça, je ne saurais trop te dire, c'est assez confus.

Le chef intervint.

-         Pour l'assassinat de son épouse, madame… madame déclinez votre identité, s'il vous plait !

-         Mais je suis l'épouse en question et je ne suis pas morte !

-         Ça, c'est vous qui le dites. Notre nouveau logiciel de recherche des victimes, vous a désigné comme étant décédée après démembrement partiel des deux bras et des deux jambes pour faciliter votre transport.

-         Votre logiciel bug, un point c'est tout, par tous les saints !

-         Non madame, nous n'avons pas d'information sur une  mutilation de poitrine mammaire.

Alors là, ma femme perdit son calme légendaire et je sais par expérience que ce n'est jamais bon signe, quand cela se produit.

-         Sortez de chez moi, tout de suite ou je téléphone au ministre de l'intérieur qui est un ami très proche d'une cousine par alliance du côté de chez Swann !

Le couple ne se fit pas prier, il décampa illico nespresso et la policière, dans sa fuite, laissa tomber le livre qu'elle avait serré fébrilement dans ses mains, pendant toute l'entrevue. Je le ramassais et lu le titre « Jésus est notre SS » (Seigneur-Sauveur et non pas SchutzStaffel comme trop souvent confondu.) Je lançais à ma femme qui regardait par la fenêtre.

-         Putain, c'était encore les témoins de Jéhovah que j'ai viré la semaine dernière. Je savais bien que leur tête ne m'était pas totalement inconnue. Sans ton intervention, ils m'embarquaient directement à leur temple, j'étais embrigadé, conditionné, sectarisé ! Tu m'as sauvé, mon ange.

-         Tiens, ils viennent de passer les menottes à la voisine.

-         Laisse tomber c'est une commère-bigote.

Un conseil donc, ne laissez jamais entrer de policiers en civil ou en uniforme chez vous, claquez-leur la porte au nez, après les avoir traité de tous les noms et cracher vos microbes aux visages, c'est plus prudent !

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