Johnny got his gun

daniel-m

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 Une chronique qui me tient à cœur, car il s'agit là, probablement d'un des plus beaux, des plus intelligents films que j'ai eu l'occasion de voir. Le sujet est on ne peut plus clair, la guerre. Beau, dramatique, et surtout aberrant comme son sujet, il nous emmène directement là où il faut aller, dans ce que la guerre peut nous apporter de mieux, l'absurdité et la souffrance.

 

Johnny est jeune, il est adorable et naïf, il a une petite amie mais il rêve d'être un vrai héros. L'armée (américaine) l'appelle car il paraît qu'elle a besoin de lui (we want you en 1918). Johnny s'enrôle, Johnny perçoit son paquetage et son fusil et s'en va à la guerre. Au premier débarquement, Johnny se prend un obus en pleine poire, et puis, le trou noir…

 

Ce sont les dix premières minutes du film avant une entrée en matière plutôt sordide.

 

A la scène suivante, l'on découvre un homme tronc, sans jambes, sans bras, sans visage. Incapable de communiquer, il est sourd, muet et aveugle. C'est Johnny, enfin, ce qu'il en reste. L'armée et surtout les médecins militaires sont persuadés qu'il ne s'agit plus que d'un bout de viande animé, sans conscience, mais refuse l'euthanasie sous prétexte d'idéologies et de besoins scientifiques.

 

Commence alors ce long monologue quasi insupportable de Johnny qui, peu à peu se rend compte de ce qui lui arrive. Les spasmes de ce « bout de viande » sont interprétés par le médecin militaire comme tels et il injecte donc à Johnny des calmants, des drogues...

 

L'esprit de Johnny divague et ses souvenirs filmés en flash back nous rappellent à son passé proche. Sa petite amie, sa famille, son enfance, dans son délire de victime droguée, Johnny revoit défiler sa vie. Tout ceci serait presque insupportable, si le réalisateur et aussi auteur, Dalton Trumbo, ne savait pas nous servir son chef d'œuvre avec beaucoup de subtilité et de non violence. Ce film sur les horreurs de la guerre n'est à aucun moment violent, sanguinolent ou gore, mais au contraire tendre, attachant et bien sûr, dramatique.

 

Une de mes scènes préférées, est celle où Jésus en conducteur de locomotive, (Donald Sutherland), emmène toutes ces jeunes recrues (victimes) de la guerre au purgatoire, une des nombreuses scènes des délires de Johnny...

 

Ce n'est qu'un soir de Noël, qu'une infirmière découvre par hasard que Johnny est conscient et qu'il essaye de communiquer en langage Morse en hoquetant avec sa nuque. Elle lui tape sur la poitrine avec l'index, Merry Christmas, Johnny lui répond...

 

Rendant compte au médecin militaire de sa découverte, celui ci enferme Johnny dans un réduit en lui faisant une énième injection ... calmante. Même l'aumônier ne pourra rien pour lui. Condamné au secret militaire et au refus de l'euthanasie, Johnny frappe sans arrêt avec ce qui lui reste de tête, SOS, kill me, SOS, kill me, SOS, kill me, SOS, ……….

 

Le film, tourné partiellement en noir et blanc, s'achève sur ces images et il faut avouer que le spectateur n'est pas réellement à l'aise. « Johnny got his gun » exprime sans violence ce que souhaitait exprimer modestement un « soldat Ryan » de Spielberg. Plutôt que de nous en montrer les causes, D. Trumbo nous montre les conséquences dramatiques de la guerre, de l'hypocrisie des politiques et des hauts gradés militaires, dans l'ambiance froide d'un hôpital militaire US. Un immense chef d'œuvre dont le seul défaut est d'être très difficile à regarder, la tournure dramatique de cette « histoire » est souvent insoutenable.

 

C'est vrai que je vous ai un peu raconté le film, qui date tout de même de 1970, mais aucun texte ne pourra jamais transcrire l'émotion qui peut se dégager de ce chef d'œuvre cinématographique de D. Trumbo, tiré du roman du même auteur.

 

Le DVD de ce film est maintenant disponible (sur Amazone pour moins de 10 €), et si vous ne l'avez pas encore vu, je vous le recommande fortement, car il est à mon sens le seul à pouvoir toucher intelligemment les jeunes, les ados et les anciens sur ce sujet hélas, toujours d'actualité, la guerre, la violence et leur « utilité ».

 

Le plus troublant dans tout cela restera la date de parution du film et du roman, 1970/73 ! Dalton Trumbo nous quittera en 1976, sa démonstration serait elle restée vaine ?

 

Je cherche vainement un mot pour la fin, ……

 

Prenez soin de vous.

 

 

 

  • Un film qui ma sert souvent de "référence"

    · Il y a environ 6 ans ·
    Avatar

    nyckie-alause

  • Très intéressant, et totalement en accord avec ce film à voir où revoir.

    · Il y a environ 6 ans ·
    Coquelicots

    Sy Lou

    • Merci à toi :o)

      · Il y a environ 6 ans ·
      Gaston

      daniel-m

  • Merci Daniel de parler de ce film. Film oublié de nos jours et pourtant si essentiel;

    · Il y a environ 6 ans ·
    P1000170 195

    arthur-roubignolle

    • Merci à toi d'être passé par là :o)

      · Il y a environ 6 ans ·
      Gaston

      daniel-m

  • Bien vu Daniel. J'ai toujours entendu parler de ''Johnny s'en va t en guerre'' mais je ne me souviens pas l'avoir vu et je vais réparer cela. On peut ajouter à votre fine analyse la présence de Jason Robards ( immense dans le sublime Il était une fois dans l'ouest) et Donald Sutherland ( étonnant dans Casanova de Fellini). Merci.
    Par ailleurs il me semble bien que ce film a inspiré la trame de ''Angel Heart'' où il est question d'un certain Johnny belle gueule...

    · Il y a environ 6 ans ·
    Img 20210803 205753

    enzogrimaldi7

    • Merci. Je ne savais pas pour "Angel Heart".

      · Il y a environ 6 ans ·
      Gaston

      daniel-m

  • Un chef d’œuvre qui m’a fait passer une nuit blanche, des pensées noires tournant dans ma tête comme des corbeaux. :o))

    · Il y a environ 6 ans ·
    Photo rv livre

    Hervé Lénervé

  • Je suis extrêmement touchée par cette critique. Je vais peut-être me procurer le livre. A voir...

    · Il y a environ 6 ans ·
    Coucou plage 300

    aile68

    • Merci.

      · Il y a environ 6 ans ·
      Gaston

      daniel-m

    • J'ai commencé le bouquin, j'aime beaucoup. ça n'a pas dû être facile à écrire... Ecriture très sensible. J'aime le va et vient entre les souvenirs et le présent. Encore merci daniel!

      · Il y a environ 6 ans ·
      Coucou plage 300

      aile68

    • De rien. Je n'ai jamais lu le roman, mais le film (du même auteur) m'a extrêmement touché. Rien ne parlera jamais autant et avec autant de pudeur des horreurs de la guerre.

      · Il y a environ 6 ans ·
      Gaston

      daniel-m

  • Une magnifique critique qui dénote un esprit enflammé. Ayant visionné ce film, à deux reprises, j'ajouterais à votre décharge, tout l'aspect communication, challenge, il me semble, de l'entier du film, cette scène où la dite infirmière soulagera Johnny d'une sensualité prisonnière, refoulée et tant voluptueuse. Bref, votre résumez en est un d'envergure. Ce film mérite qu'on se l'approprie et se prête à de multiples avenues quant à son contenu et son interprétation.

    · Il y a environ 6 ans ·
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    Beatrix Meule

    • Merci pour votre commentaire et ses précisions. Oui, c'est un film particulier et particulièrement prenant. Je regrette souvent que le cinéma tout comme les livres, ne fasse pas évoluer les mentalités.

      · Il y a environ 6 ans ·
      Gaston

      daniel-m

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