La Bohème

Nathan Noirh

Je ne t'ai pas encore trouvé. Mais chaque centimètre de ma peau crie à l'agonie chaque seconde que tu passes enlevé à moi. Chaque particule de mon être est un atome de plus dans le prochain big bang de ma vie. Chaque rayon de lumière est un coup de peinture dans le tableau de mes nuits.

Je ne t'ai pas encore trouvé. Mais je sais que tu m'attends. Je sais que chaque soir, dans tes draps et nappé par le blues de la lune, ma dame, tu restes là, à guetter ma venue. Je sais que chaque respiration saccadée est un appel au secours. 

Je ne t'ai pas encore trouvé. Mais chaque lune serait jalouse de voir avec quelle passion je regarde les étoiles, avec quelle passion je respire sans m'arrêter, et avec quelle passion j'écris dans l'espoir de t'atteindre. Chaque jet d'encre est une larme de plus dans l'océan créé par ton absence.

Je ne t'ai pas encore trouvé. Mais tu rouspètes déjà après moi. Ma lenteur et mon inaptitude à te retrouver te font sourire et te font gémir d'impatience. Tu cries, tu souffres, tu ne fais rien. Tu ne sais plus quoi faire. Tu m'as envoyé des signes, tu m'as parlé dans la nuit, tu as fait du bruit, tu as créé un nouveau langage où chaque mot m'est destiné. Et moi je reste là, les oreilles fermés et les mains liés.

Je ne t'ai pas encore trouvé. Mais la passion m'a trouvé. Je devine tes contours, tes lueurs, tout est flou et pourtant si bien tourné. La passion m'a trouvé. Je ne sais pas, je ne sais plus à quoi tu ressembles mais je sais que je te ressemble. J'ai toujours tourné mon regard vers toi, vers tes mains, vers ton souffle. J'ai toujours expiré mon oxygène dans ta direction, ta bouche, ta venue. La passion m'a trouvé. 

Je ne t'ai pas encore trouvé. Tous les soirs je me couche sobre sans toi et tous les matins ivre de toi. À croire que tu arroses mes rêves de toute ton essence, me laissant déshydraté sans jamais pouvoir étancher ma soif. Ma gorge s'assèche et aspire les moindres perles de pluie, mes yeux secs et injectés de sang arpentent l'horizon pour trouver ta fontaine. Mes mains creusent la terre, le sable et la pierre, le matin, le jour et même après la nuit pour te déterrer.

Je ne t'ai pas encore trouvé. Et chaque jour je saigne des mains, je saigne des yeux, et je saigne des lèvres pour ne pas t'avoir encore rencontré. Je saignerai encore jusqu'après ma mort, pour faire rougir les rivières et les lacs de ne pas t'avoir mouillé. Je soufflerai le vent, la brise et le zéphyr sur chaque toit du monde pour ne pas t'avoir abrité. Je taperais du pied sur chaque sol, plaine, colline et montagne pour ne pas t'avoir soutenu. 

Je ne t'ai pas encore trouvé. Mais si je pouvais enfermer chaque souffle et chaque seconde dans une bouteille, je ne l'ouvrirais qu'avec toi pour que notre ivresse ne s'arrête jamais. Et j'apprécierais sincèrement chaque gueule de bois passé ensemble, car je saurais alors que nous ne savons pas nous arrêter de boire. Non ma bohème, nous ne savons pas.


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