La virgule ou la promesse

eaven

Connaissez-vous le point-virgule ? Ce signe double comme un gémeau, Janus sournois de la ponctuation, ni virgule ni point : le cul entre deux chaises. Je m'arrête mais je te harcèle, je feins de m'attarder mais je continue. Un névrosé qui se dispute : - Bon, t'as raison, on arrête ! Oui, mais tu sais ce que je t'avais dit, j'y tiens. Un p'tit gars perdu qui hésite, un faux ami qui n'avoue pas ses sentiments, une girouette, je m'immobilise et je reprends en fonction de tous les vents ! Ah ! non !

En revanche tout le monde connait le point, le dur, le tatoué, le baraqué, celui qui tranche. Un mec qui a d'l'allure, qui sait ce qu'il veut, qui rompt sans état d'âme. Un vrai de vrai, qui vous finit une phrase à l'arme blanche, un coup de poignard dans votre à peu près de réflexion. Brrr, ça fait peur !

Et puis il y a la virgule, féminine soupirante, respirante, haletante. Une femme en devenir, qui promet tout le reste, qui s'attarde, qui flâne, comme les amants le long des quais. Une pause dans cet univers guerrier, définitif, cinglant. La virgule accompagne tous les râles étouffés. Elle est amoureuse ou asthmatique, elle aime les après-midi langoureux, le vent dans les cytises, les tasses de thé itératives, les bulles de champagne, les vols d'étourneaux dans les ciels rosissant. Elle vous suit dans vos délires, elle supporte vos atermoiements. Elle monte aux créneaux pour dire je t'aime. C'est une coquine qui vous enchante, bien placée, elle peut même remplacer un poing. La virgule me fait rêver de toutes les escales au soleil, de tout ce qui reste possible : ce n'est pas raisonnable, mais...

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