L'apocalypse (concours)

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1er décembre 2012 : J-20Ça y est le mois de décembre débute. Peut-être mon dernier mois sur cette Terre. Le dernier mois pour tout le monde, l'apocalypse approchant à grand pas. L'apocalypse; ce mot était dans toutes les bouches ces derniers temps. Un peu comme si les gens étaient devenus incapables de parler d'autre chose. Même à la fac cette rengaine avait fait son bout de chemin depuis un petit moment. Je ne sais d'ailleurs pas encore si j'irais profiter de son chauffage laxiste cette après-midi. Hier nous n'étions déjà plus que 12 à avoir fait le déplacement jusqu'aux bancs de la faculté. Les autres étudiants, préféraient profiter de leurs derniers jours de vie plutôt que de subir des cours abrutissants sur le droit civil, le droit pénal, et autres joyeusetés. Cours qui ne leur serviraient évidemment à rien si, comme prévu, la mort s'emparait de chacun d'entre nous le 21 décembre 2012. Pour ma part je ne croyais toujours pas à cette idée de fin du monde. J'avais toujours eu du mal à appréhender ma propre mort. Comment se pourrait-il que tout se termine si vite ? Comment se pourrait-il que ce soit la fin ? Une fin définitive ? Non, je n'y croyais décidément pas ! J'avais à peine 20 ans... Et il me restait tant de choses à faire ! En effet, ma Bucket List regorgeaient toujours d'expériences à réaliser. Découvrir le Japon par exemple. Faire du karting. Ou boire un chocolat chaud accompagné de viennoiseries dans un Starbuck Café... Bon, bon, ma gourmandise me perdra, je le sais.Quoi qu'il en soit je n'avais pas encore décidé si j'irais à la faculté aujourd'hui. Les choses étaient si étranges ces derniers jours. Le chaos s'immisçait progressivement parmi nous. Les vols et agressions divers et variés étaient devenus pluri-quotidiens, les policiers et gendarmes ayant pour moitié désertés leurs postes pour s'offrir, eux aussi un peu de bon temps avant la fin. J'essayais souvent de me rappeler comment on avait pu en arriver là. Il s'agit d'un exercice difficile. C'est comme avoir un petit frère et se demander quel jour est-il devenu plus grand que nous. L'évolution est progressive, et puis un jour on se rend compte que la ligne a été franchi. Les fondations du chaos avaient été posées il y a de nombreuses années lorsque l'on avait découvert que les mayas prévoyaient la fin du monde pour le 21 décembre 2012. Jour après jour, mois après mois, années après années cette date s'était approché sans que l'on y fasse attention. Et puis maintenant on y était presque. Comme la plupart de mes amis j'avais ri, en début d'année, à l'idée d'une éventuelle fin du monde à venir ! Cela nous paraissait tellement irréaliste ! Maintenant c'était tout de suite moins drôle. Ce qui me faisait peur n'était pas tant la fin du monde prédite, mais plutôt le comportement de mes contemporains. La peur de mourir les poussait à ignorer royalement les règles établies. Enfin, ce n'était plus une surprise pour moi de voir tous ces gens autour manquer de respect... Il suffisait de passer quelques heures dans les transports en commun, du temps où tout était encore ''normal'', pour s'en convaincre. Les bousculades et insultes étaient monnaie courante ici, à Paris. Je m'égare je m'égare et j'oublie d'en revenir à ce qui me préoccupait. Comment en étions-nous arriver là ? Et bien je suppose que la peur s'est répandu comme la peste dans la population. À coups de contagions massifs lors d'interviews télévisés, par des annonces d'hommes politiques particulièrement superstitieux. Ainsi que par des charlatans, et des journalistes peu instruits. Tant que nous n'aurions pas dépassé cette date fatidique du 21/12/2012, la peur ne ferait probablement que se répondre. J'avais bien peur que le monde ne devienne invivable rapidement. Enfin autant essayer de conserver une vie un tant soit peut normale pendant qu'il était encore possible de le faire...Après moult hésitations je m'étais finalement aventuré hors de mon appartement. ''Aventurer'' est en définitive le mot adéquate au vu de cette pagaille continuelle dans les rues et boulevards. J'avais bu un chocolat viennois, accompagné par quelques gâteaux dans un café du coin, relativement bien entretenu malgré la crise. Évidemment le prix avait été exorbitant mais l'espace d'un instant j'en avais presque oublié mes soucis. Le trajet s'était en plus déroulé sans encombre. Peut-être que finalement toute cette agitation allait retomber... J'essayais timidement de m'en convaincre. Après cet agréable petit déjeuner j'avais flâné quelques minutes dans les rues. Avant d'être heurté de plein fouet par la dure réalité actuelle, sous la forme d'une agression dont je fus témoin, dans une ruelle adjacente. Une pauvre vieille dame s'était fait subtiliser son sac à main. Ou plutôt, s'était fait arracher son sac à main. J'avais croisé le regard de son agresseur, qui s'était enfuit en courant après notre bref échange visuel. J'avais aidé Mireille –  puisque c'est ainsi qu'elle s'appelait – à se relever. Elle avait bafouillé quelques mots de remerciements, encore choquée par ce qui venait de lui arriver. J'ai pris congé après lui avoir conseillé d'éviter de sortir de chez elle jusqu'à la fin du mois, si possible. Et si ses réserves de nourriture le lui permettent...Je suppose que si le 22 décembre nous sommes tous encore là, l'ordre pré-établi devrait progressivement se réinstaller. À moins que le chaos engendré par cette peur de fin du monde soit trop important et que plus rien ne redevienne jamais comme avant. Mais j'en doute. Enfin, je préfère en douter en tout cas...Quoi qu'il en soit, j'avais finalement terminé ma course à la faculté. De 12 nous étions passer à 9. À ce rythme là d'ici 3 jours plus personne ne viendrait profiter de l'ambiance tamisé de nos amphithéâtre. J'avais retrouvé Franck, qui comme moi ne croyait pas à ses histoires de fin du monde. Nous partageons tous les deux un esprit critique, qui fait défaut chez la plupart de mes camarades. En tout cas chez la plupart de mes camarades absents.  Aussi incroyable que cela puisse paraître, le prof de droit civil était là. Je soupçonnais quand même son divorce d'être en partie responsable de sa présence. Tous les élèves étaient au courant : Monsieur Kritat adorait raconter sa vie; même quand tout allait mal. Enfin, le cours était intéressant alors je ne regrettais pas d'être venu. Pas sûr, évidemment, que ça me serve à quelque chose un jour, mais sait-on jamais. J'étais ensuite aller faire un peu de foot avec Franck. Sur la seule cage encore intacte malgré toutes les échauffourées récentes. Les commentaires de textes attendront. J'estimais faire preuve d'assez de bonne volonté comme ça, sans en plus, continuer à travailler le soir chez moi. Je n'étais de toute façon même pas sûr que notre prof prendrait le temps de les corriger.Après cette débâcle d'efforts courageux, la douche avait été bienvenue. Ma hantise, chaque jour, était de découvrir l'eau ou l'électricité coupée. Manifestement ce n'était toujours pas le cas, alors j'avais bien profiter de ces quelques minutes de douceur. J'avais ensuite mangé devant la télé. Les bronzés font du ski avait été idéal pour me changer les idées.J'étais finalement en train de m'assoupir sur mon matelas moelleux quand la sonnerie du téléphone avait remis mon esprit en branle. Étonnée de recevoir un coup de fil à 23H j'avais décroché, sans précipitations, pestant conte celui ou celle qui venait de ruiner mon sommeil.La voix, grave et teintée de tristesse de mon père m'avait tout de suite fait comprendre qu'il n'appelait pas simplement pour me souhaiter une bonne nuit. Mon inquiétude avait été rapidement accentuée  par les pleurs de ma mère, entendue en sourdine. Il y avait peu de choses que je détestais autant qu'entendre ma mère pleurer. ''Rémi est à l'hôpital'', commença mon père...

1er décembre 2012 : 

J-20


Ça y est le mois de décembre débute. Peut-être mon dernier mois sur cette Terre. Le dernier mois pour tout le monde, l'apocalypse approchant à grand pas. L'apocalypse; ce mot était dans toutes les bouches ces derniers temps. Un peu comme si les gens étaient devenus incapables de parler d'autre chose. Même à la fac cette rengaine avait fait son bout de chemin depuis un petit moment. Je ne sais d'ailleurs pas encore si j'irais profiter de son chauffage laxiste cette après-midi. Hier nous n'étions déjà plus que 12 à avoir fait le déplacement jusqu'aux bancs de la faculté. Les autres étudiants, préféraient profiter de leurs derniers jours de vie plutôt que de subir des cours abrutissants sur le droit civil, le droit pénal, et autres joyeusetés. Cours qui ne leur serviraient évidemment à rien si, comme prévu, la mort s'emparait de chacun d'entre nous le 21 décembre 2012. Pour ma part je ne croyais toujours pas à cette idée de fin du monde. J'avais toujours eu du mal à appréhender ma propre mort. Comment se pourrait-il que tout se termine si vite ? Comment se pourrait-il que ce soit la fin ? Une fin définitive ? Non, je n'y croyais décidément pas ! J'avais à peine 20 ans... Et il me restait tant de choses à faire ! En effet, ma Bucket List regorgeaient toujours d'expériences à réaliser. Découvrir le Japon par exemple. Faire du karting. Ou boire un chocolat chaud accompagné de viennoiseries dans un Starbuck Café... Bon, bon, ma gourmandise me perdra, je le sais.


Quoi qu'il en soit je n'avais pas encore décidé si j'irais à la faculté aujourd'hui. Les choses étaient si étranges ces derniers jours. Le chaos s'immisçait progressivement parmi nous. Les vols et agressions divers et variés étaient devenus pluri-quotidiens, les policiers et gendarmes ayant pour moitié désertés leurs postes pour s'offrir, eux aussi un peu de bon temps avant la fin. J'essayais souvent de me rappeler comment on avait pu en arriver là. Il s'agit d'un exercice difficile. C'est comme avoir un petit frère et se demander quel jour est-il devenu plus grand que nous. L'évolution est progressive, et puis un jour on se rend compte que la ligne a été franchi. Les fondations du chaos avaient été posées il y a de nombreuses années lorsque l'on avait découvert que les mayas prévoyaient la fin du monde pour le 21 décembre 2012. Jour après jour, mois après mois, années après années cette date s'était approché sans que l'on y fasse attention. Et puis maintenant on y était presque. Comme la plupart de mes amis j'avais ri, en début d'année, à l'idée d'une éventuelle fin du monde à venir ! Cela nous paraissait tellement irréaliste ! Maintenant c'était tout de suite moins drôle. Ce qui me faisait peur n'était pas tant la fin du monde prédite, mais plutôt le comportement de mes contemporains. La peur de mourir les poussait à ignorer royalement les règles établies. Enfin, ce n'était plus une surprise pour moi de voir tous ces gens autour manquer de respect... Il suffisait de passer quelques heures dans les transports en commun, du temps où tout était encore ''normal'', pour s'en convaincre. Les bousculades et insultes étaient monnaie courante ici, à Paris. Je m'égare je m'égare et j'oublie d'en revenir à ce qui me préoccupait. Comment en étions-nous arriver là ? Et bien je suppose que la peur s'est répandu comme la peste dans la population. À coups de contagions massifs lors d'interviews télévisés, par des annonces d'hommes politiques particulièrement superstitieux. Ainsi que par des charlatans, et des journalistes peu instruits. Tant que nous n'aurions pas dépassé cette date fatidique du 21/12/2012, la peur ne ferait probablement que se répondre. J'avais bien peur que le monde ne devienne invivable rapidement. Enfin autant essayer de conserver une vie un tant soit peut normale pendant qu'il était encore possible de le faire...


Après moult hésitations je m'étais finalement aventuré hors de mon appartement. ''Aventurer'' est en définitive le mot adéquate au vu de cette pagaille continuelle dans les rues et boulevards. J'avais bu un chocolat viennois, accompagné par quelques gâteaux dans un café du coin, relativement bien entretenu malgré la crise. Évidemment le prix avait été exorbitant mais l'espace d'un instant j'en avais presque oublié mes soucis. Le trajet s'était en plus déroulé sans encombre. Peut-être que finalement toute cette agitation allait retomber... J'essayais timidement de m'en convaincre. 


Après cet agréable petit déjeuner j'avais flâné quelques minutes dans les rues. Avant d'être heurté de plein fouet par la dure réalité actuelle, sous la forme d'une agression dont je fus témoin, dans une ruelle adjacente. Une pauvre vieille dame s'était fait subtiliser son sac à main. Ou plutôt, s'était fait arracher son sac à main. J'avais croisé le regard de son agresseur, qui s'était enfuit en courant après notre bref échange visuel. J'avais aidé Mireille –  puisque c'est ainsi qu'elle s'appelait – à se relever. Elle avait bafouillé quelques mots de remerciements, encore choquée par ce qui venait de lui arriver. J'ai pris congé après lui avoir conseillé d'éviter de sortir de chez elle jusqu'à la fin du mois, si possible. Et si ses réserves de nourriture le lui permettent...Je suppose que si le 22 décembre nous sommes tous encore là, l'ordre pré-établi devrait progressivement se réinstaller. À moins que le chaos engendré par cette peur de fin du monde soit trop important et que plus rien ne redevienne jamais comme avant. Mais j'en doute. Enfin, je préfère en douter en tout cas...


Quoi qu'il en soit, j'avais finalement terminé ma course à la faculté. De 12 nous étions passer à 9. À ce rythme là d'ici 3 jours plus personne ne viendrait profiter de l'ambiance tamisé de nos amphithéâtre. J'avais retrouvé Franck, qui comme moi ne croyait pas à ses histoires de fin du monde. Nous partageons tous les deux un esprit critique, qui fait défaut chez la plupart de mes camarades. En tout cas chez la plupart de mes camarades absents.  Aussi incroyable que cela puisse paraître, le prof de droit civil était là. Je soupçonnais quand même son divorce d'être en partie responsable de sa présence. Tous les élèves étaient au courant : Monsieur Kritat adorait raconter sa vie; même quand tout allait mal. Enfin, le cours était intéressant alors je ne regrettais pas d'être venu. Pas sûr, évidemment, que ça me serve à quelque chose un jour, mais sait-on jamais. 
J'étais ensuite aller faire un peu de foot avec Franck. Sur la seule cage encore intacte malgré toutes les échauffourées récentes. Les commentaires de textes attendront. J'estimais faire preuve d'assez de bonne volonté comme ça, sans en plus, continuer à travailler le soir chez moi. Je n'étais de toute façon même pas sûr que notre prof prendrait le temps de les corriger.


Après cette débâcle d'efforts courageux, la douche avait été bienvenue. Ma hantise, chaque jour, était de découvrir l'eau ou l'électricité coupée. Manifestement ce n'était toujours pas le cas, alors j'avais bien profiter de ces quelques minutes de douceur. J'avais ensuite mangé devant la télé. Les bronzés font du ski avait été idéal pour me changer les idées.J'étais finalement en train de m'assoupir sur mon matelas moelleux quand la sonnerie du téléphone avait remis mon esprit en branle. Étonnée de recevoir un coup de fil à 23H j'avais décroché, sans précipitations, pestant conte celui ou celle qui venait de ruiner mon sommeil.La voix, grave et teintée de tristesse de mon père m'avait tout de suite fait comprendre qu'il n'appelait pas simplement pour me souhaiter une bonne nuit. Mon inquiétude avait été rapidement accentuée  par les pleurs de ma mère, entendue en sourdine. Il y avait peu de choses que je détestais autant qu'entendre ma mère pleurer. ''Rémi est à l'hôpital'', commença mon père...

2 décembre 2012 :

J-19

    Je découvrais pour la première fois les locaux d'un hôpital. J'y étais peut-être déjà allé étant petit, mais je n'en avais, en tout cas, gardé aucun souvenir. C'était assez impressionnant. Ces longs couloirs blancs avec de nombreuses chambres dont on entendait parfois sortir la plainte d'un patient qui appelait un docteur ou une infirmière. Rémi était dans le service de chirurgie orthopédique. L'inflation importante du nombre de patient depuis quelques temps, avait conduit à l'établissement de compromis. Ainsi, les patients dont l'état était le moins grave, se retrouvaient à trois, dans des chambres doubles. Évidemment ils y étaient un peu à l'étroit et c'était très bruyant. Ce qui revient à dire que les hospitalisations étaient encore plus désagréables que d'habitude, et ce, malgré les efforts incessants du personnel soignant. Mon frère partageait donc sa chambre avait deux autres jeunes, souffrant respectivement de l'épaule, et de la jambe. L'un des deux avait poussé le volume de la télévision à un niveau indécent dans un hôpital. Je lui lançais un regard noir en entrant dans la pièce. 

Rémi s'était fait opérer hier soir suite à une luxation de son coude gauche. Si j'avais bien compris cela signifiait que l'un de ses os était sorti de l'articulation, suite à un mouvement brusque. Quoi qu'il en soit l'opération s'était a priori bien passée. Mon frère était donc supposé rester encore quelques jours, dans le cadre de la surveillance postopératoire. Puis il pourrait retourner chez nos parents. Je ne m'étais pas éternisé à l'hôpital. Je trouvais l'atmosphère désagréable et puis Julie, l'insupportable petite amie de mon frère était présente. Elle se prenait pour une petite princesse, ayant besoin qu'on l'emmène en voiture même quand il ne s'agissait que de faire cent mètres. Si elle avait d'autres qualités que sa remarquable beauté, je suppose qu'elle les gardait jalousement pour elle. Enfin, de toute manière, cela faisait déjà plusieurs mois que nos relations fraternelles avaient cessées d'être idylliques, la faute n'en incombait pas qu'à Julie.

J'étais néanmoins resté assez longtemps dans la chambre pour apprendre ce qu'il s'était passé. Rémi et Julie avaient été abordé, alors qu'ils allaient au restaurant, par deux garçons qui trouvaient la jeune fille à leur goût. Poliment mais fermement, mon frère leur avait demandé de les laisser tranquille, prétendant qu'ils étaient pressés. Le ton était rapidement monté. Puis la bagarre avait commencé. Cette dernière avait évidemment tourné au désavantage du jeune couple. Julie avait été  écartée d'un revers de main, d'où la trace rouge toujours présente sur sa joue. Quant à Rémi, il avait tenu plus longtemps mais avait fini par céder, le coude gauche en vrac, se tordant de douleur sur l'asphalte. Alors que les assaillants se vengeaient de la résistance qu'il avait opposé, en le rouant de coups, deux policiers en service avaient surgi, alertés par les cris de douleur de mon frère, et par les pleurs de sa petite amie. Les agresseurs avaient fui sans demander leur reste, et ne furent jamais rattrapés par les forces de l'ordre. Les deux tourtereaux avaient été conduit à l'hôpital le plus proche où mon frère avait été opéré rapidement. Fort heureusement la plupart des médecins continuaient à travailler. Je suppose que le pourcentage de gens superstitieux devait être significativement plus faible chez les professionnels de santé que parmi la population générale. Je l'espère de tout cœur, en tout cas. 

Par acquis de conscience, les policiers avaient pris la déposition du jeune couple, au chevet de Rémi, ne sachant pas si cela serait ou non d'une quelconque utilité un jour... En effet, la réduction des effectifs conduisait à une certaine laxité dans les enquêtes policières.

J'avais profité de mon bref passage à l'hôpital pour prendre des nouvelles de mes parents, que je n'avais pas vu depuis plusieurs semaines. Ils allaient bien, autant que faire se peut, vu la situation actuelle. Ils sortaient peu, et passaient la majeure partie de leur temps derrière la télévision, pour se tenir informer de l'état du monde. Apparemment la même pagaille régnait dans toutes les plus grandes métropoles mondiales, ce qui n'était pas étonnant étant donné la proportion de gens superstitieux quel que soit l'endroit du globe. Eux m'avaient demandé des nouvelles de la fac. Ils ne furent pas étonnés d'apprendre que j'y allais encore. J'avais toujours fait partie des gens qui ont décidé de consacrer leur vie au travail. Je suppose que je le regretterais énormément si ma vie se terminait le 21/12/2012. Enfin peut-être que je le regretterais même si je vivais plus longtemps. Difficile à dire pour le moment. 

Mes parents m'avaient ensuite déposé chez moi vers11H, avant de regagner leur domicile. Moi qui ne m'étais jamais ennuyé, je ne savais plus trop quoi de mon temps libre. Sortir était devenu relativement dangereux, étudier relativement inutile. Heureusement qu'il me restait une console de jeu en état de marche. J'avais donc passé une à deux heures à jouer. Je n'avais la volonté pour rien d'autre, cette visite à l'hôpital m'avait filé le bourdon.  

Vers l'heure du déjeuner je m'étais réchauffer une pizza surgelé. Ma dernière. Aller faire les courses devenait urgent. Mais les magasins étaient fermés aujourd'hui. J'irai donc probablement demain, après les cours. 

En ce début d'après-midi j'avais passé un coup de fil à Franck, pour le tenir au courant pour Rémi. Ces deux-là n'étaient pas véritablement intimes, mais mon meilleur ami connaissait néanmoins assez bien mon frère. Comme toujours Franck ne pu s'empêcher un trait d'humour en disant que si lui était en bonne santé c'est parce qu'il ne s'encombrait justement pas d'une petite amie. J'admirais son sens de l'auto-dérision, alors qu'il souffrait, je le savais, de son célibat. Même s'il n'en parlait que très peu. Sa copine l'avait lâché il y avait un an de cela après 2 ans de relation, entaché d'un adultère. Heureusement pour Franck, dans les moments difficiles il avait pu compter sur sa grande sœur, qui s'était attaché à le remettre sur pied. 

Ne sachant pas quoi faire, aussi incroyable que cela puisse paraître, j'avais révisé. J'en avais presque honte. Si j'en parlais à Franck, il ne se priverait pas de me railler, mais lui vivait avec sa sœur, et moi je vivais seul ! J'avais donc deux fois moins d'idées pour passer le temps.  

Après une douche, bien chaude, pour compenser la rigueur de l'hiver approchant, je m'étais calé dans mon lit avec un bol de riz. Après manger j'avais décidé de me regarder un film, comme chaque soir depuis quelques temps. Contre ma volonté, L'effet papillon, avait débuté sur l'écran, pour la troisième fois de l'année. Ce film était si émouvant... Certainement mon film préféré. 

Je m'étais enfin couché, un peu après 23H. J'étais si bien emmitouflé sous la couette que je ne tardais pas à trouver le sommeil. 

Des coups sourds, frappés à la porte me réveillèrent de façon brutale, alors que mon réveil affichait 23H59. Je me demandais qui pouvait bien passer me voir à cette heure-ci sans avoir appelé avant. J'étais perdu dans mes réflexions, quand l'intensité des coups augmenta, me tirant de ma léthargie... 

3 décembre 2012 :

J-18

La nuit, passée sur le canapé ne m'avait guère permis de me reposer. Sonia avait débarquée chez moi hier soir en larmes, et il avait été difficile de la consoler. Elle avait surpris son copain avec sa meilleure amie en train de s'embrasser alors qu'elle rendait une visite surprise à cette dernière. Elle avait ainsi perdue du même coup deux de ses êtres les plus chers; la pauvre était sous le choc. Tout d'abord j'avais dû faire preuve d'abnégation et de patience pour obtenir ses confidences. En effet, pendant sa première demi-heure chez moi elle avait passé son temps à pleurer et à se moucher, en alternance. Ensuite, avec forces détails et insultes elle m'avait raconté ce qu'il s'était passé. J'avais alors fait tout mon possible pour la consoler. Du tapotement dans le dos en assurant que tout irait bien, au film comique. Finalement j'avais vaincu sa résistance en quelques heures. Ou plutôt la fatigue avait vaincu sa résistance : Sonia s'était endormit dans mon lit à la fin du film. Pour ne pas faire mauvais genre j'avais donc pris le canapé. Avec pour seule couverture quelques vieux pull-overs. La nuit avait été froide malgré la charmante présence dans mon appartement... Quelle ironie ! Finalement, pour une fois je n'avais pas été mécontent de me lever. 

Malgré son état, j'étais heureux d'avoir retrouvé ma Sonia. Je ne l'avais que rarement vu ces derniers temps; elle était trop occupé à sortir avec Yann, son petit ami. Ou plutôt ex-petit ami. Malgré l'incroyable capacité de pardon des femmes, je supposais que cette fois-ci leur couple était bel et bien brisé. Et tant mieux. J'avais toujours détesté Yann, avec ses airs supérieurs, et sa prétendue omniscience. Bon débarras !

Le petit déjeuner avait été frugal, mes réserves s'amenuisant. Je savais qu'il était temps que je retourne faire les courses, mais j'avais bien peur de ne plus trouver grand chose dans les magasins. Quoi qu'il en soit, j'y serai contraint dans la semaine, faute de quoi mon estomac crierait famine. 

J'avais ensuite fait exprès de perdre à la console pour préserver le moral de mon amie. Ou alors elle avait été plus forte que moi.... Nul ne le saurait jamais. Quoi qu'il en soit, on sentait qu'elle allait déjà mieux, heureusement. Je me voyais mal affronter une deuxième soirée de pleurs. 

Curieusement je ne me sentais pas coupable de sécher les cours ce matin-là. Après tout, c'était pour une bonne cause : secourir une amie en détresse. À la place, bon gré mal gré, j'allais faire les courses, accompagné de Sonia. Elle souhaitait rester quelques jours chez moi. Et non, elle ne pouvait pas se contenter de pâtes et de riz à chaque repas...

Le magasin était désert quand nous étions arriver, à l'ouverture. La négligence se faisait sentir. Certains articles se trouvaient à même le sol. Je ne pouvais blâmer le personnel, qui était réduit de moitié. Le temps de nos emplettes Sonia avait retrouvé sa bonne humeur. On aurait dit un gosse s'émerveillant devant chaque plat appétissant. Elle était si mignonne.

J'en avais toujours pincé pour elle, aussi loin que je la connaisse. Mais elle n'était quasiment jamais célibataire. Et même dans ces moments-là je me devais de la consoler pour la perte qu'elle venait d'essuyer. De toute façon je n'aurais jamais eu le courage de me jeter à l'eau. J'aurais trouvé ça gênant de me prendre un râteau par ma meilleure amie. En tout cas, elle ne savait donc rien de mes sentiments à son égard. Ou alors elle n'en laissait rien transparaître.

J'étais perdu de mes réflexions quand mon téléphone sonna.

«Allô, la voix me semblait familière sans que je ne reconnaisse mon interlocuteur du premier coup.

- Allô

- Salut Clément c'est Franck. Alors tu fais partie du gang des sécheurs de cours maintenant ?

- Ah ah ah non non, Sonia est passé me voir hier soir. Elle reste quelques jours chez moi pour se remettre de sa rupture. Comme elle ne pouvait se contenter de féculents, nous faisons les courses.

- Sa rupture avec Benoît ?

- Non non, m'amusais-je. Sa rupture avec Yann, qu'elle avait rencontré il y a deux mois. Si tu t'ennuies passe à l'appartement cette après-midi on en profitera pour faire un tarot, ça lui changera les idées, proposais-je.

- Ok cool. Je n'avais pas la motivation pour passer la journée à la fac, avec seulement Paul et Christian...

- Je vois que l'effectif se réduit de jours en jours dis donc !

- Ouais exactement ! Bon on se retrouve tout à l'heure, conclut Franck en mettant fin à la communication»

Sonia avait fini de récolter ce qu'il lui fallait. J'espérais avoir assez pour tout payer. Les prix avaient doublés depuis peu. Probable que cela était dû au recrutement majoré de vigiles flanqués à l'entrée du magasin. Ce qui expliquait pourquoi on pouvait encore y faire les courses à peu près normalement. 

Après avoir payé, nous étions rentrés. Sonia avait insister pour faire la cuisine ce midi. Je ne savais pas comment je devais le prendre... Enfin, elle s'en sortait plutôt bien, il fallait au moins lui reconnaître ce mérite. Nous avions bien mangé, puis Franck était arrivé. La partie de tarot avait été féroce, mais je gagnai in extremis. Mes deux compagnons avaient l'air de très bien s'entendre, comme s'ils étaient amis depuis toujours alors qu'ils ne s'étaient rencontrés que deux fois auparavant. Je ne pouvais m'empêcher de le remarquer avec un pincement au cœur. Je crois bien que si Franck séduisait Sonia j'aurais du mal à le supporter. Cette dernière l'avait invité à rester avec nous ce soir, sans me demander mon avis. Finalement la soirée avait été bonne, autour d'un film et d'un bon repas. Tout le monde avait mis la main à la pâte pour faire des crêpes. C'était bien plus luxueux que ce à quoi je m'étais habitué, depuis que j'avais emménagé seul, il y a un an et demi. 

Alors que je n'y croyaisplus, Franck avait fini par partir me laissant enfin seul avec Sonia. Nous nous étions couchés – séparément, comme la veille – depuis seulement quelques minutes quand plusieurs bruits assourdissants retentirent, coupant court à notre conversation tardive. Il s'agissait de détonations. Cela mit Sonia dans tous ses états. Assoupie, elle se réveilla en sursaut et cria. Je tentais de la calmer.

«Ne t'inquiète pas, ces fusillades sont fréquentes. Déjà avant hier j'ai entendu quelques coups de feu, et je suppose que ce n'était pas la première fois, dis-je calmement.

- Oh mon dieu, mais qu'allons nous faire ? S'effondra Sonia.

- Retourne dans ton lit, ça va sûrement s'arrêter très bientôt, essayais-je pour la rassurer.

- J'ai trop peur pour dormir maintenant de toute façon, en sachant ces gens armés si proches de nous, répliqua-t-elle.

- Ils ne sont pas là pour nous de toute façon. Il s'agit probablement d'un affrontement entre bandes rivales, concluais-je.»

     Nullement rassurée, elle partit donc se faire un chocolat chaud et manger quelques gâteaux pour se remonter le moral, en faisant le guet près de la fenêtre. Je me demandais si toutes les filles ressentaient ce besoin de manger dès qu'elles étaient inquiètes. Je vérifiais pour ma part le verrou de la porte, et plaçait ma commode juste sous la poignée, pour apaiser les inquiétudes de Sonia. Et probablement les miennes également, même si je ne l'avouais qu'à moitié... 

Les coups de feu étaient plus espacés, et nous étions chacun retournés dans notre lit ou canapé. Je commençais à entendre la respiration régulière de mon amie, probablement déjà en train de dormir,  quand les détonations se rapprochèrent de notre appartement...

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