pluie rouge

christinej

Je suis assise dans son bureau, a attendre qu’il me parle. Il lit et relit la feuille devant lui. Tapotant son crayon sur la table rendant l’attente insupportable pour les nerfs.

Je le regarde avec insistance comme pour lui démontrer que je n’ai pas peur que si il veut me dire quelque chose il peut tout lâcher. Je suis prête.

Il laisse tomber son crayon, croise les mains. C’est quoi ca, ce geste, une prière ou c’est pour se donner des forces.

Pendant quelques secondes il n’y eut que le bruit de nos respirations, lentes, beaucoup trop bruyantes.

“ je suis navré mais vos résultats sont mauvais, très mauvais. Vos analyses montrent une nette dégradation de votre sante. Et si je lis bien vous n’avez que quelques semaines devant vous, tout au plus. Peut être même moins. Je suis…..”

Je l’ai entendu, je sais que c’est grave, alors pourquoi je ris. Je n’arrive pas a m’arrêter. J’en pleure, je sens mes larmes couler, mais il n’y a rien de dramatique dans ce rire, aucune peine, aucun pincement au cœur. Je pleure et cela me soulage.

Il est la, devant moi, se demandant ce qui m’arrive. Hésitant très probablement entre la folie et la crise nerf. Parfois esquissant un sourire, prit malgré lui dans ce tourbillon.

Mais des que j’ai entendu le clapotis sur les vitres de son bureau, tout c’est arrêté. Le bruit incongru émanant de ma gorge déployée, le tictac de l’horloge accrochée au mur, les soupirs de désespoirs du médecin, quand la pluie a commencé.

Cette pluie rouge sang, gangrenant notre monde, tel un cancer, bouffant toutes vies, annihilant espoirs et joies en une nuée.

Je me suis tournée vers mon interlocuteur, je l’ai regardé droit dans les yeux. Il a peur.

“ de toute façon docteur, nous allons tous mourir”.

La première fois que cette pluie s’est rependue, c’était en Asie, ce fut bref et heureusement, vu les conséquences pour une si courte averse.

Les sols ont été contaminé, les cultures ont noirci, insectes, et petits animaux sont morts instantanément. Les hommes, comme les animaux ont commencé a être malade. Des taches noires sont apparues sur leur peau. Puis elles ont commencé a les démanger, certains se sont arrachés la peau tellement c’était irritant. Et ils ont eut, ensuite, des problèmes aux poumons. Une toux de plus en plus forte. Au début cela ressemblait au symptôme d’un simple rhume, pour virer a une pneumonie, a la fin ils crachaient de la boue noire. Pour finir, inévitablement par mourir.

On ne nous avait pas informe de ces détails. Tout avait été mis sous scellé par le pays dans lequel c’était arrive. Mais aujourd’hui rien ne reste secret avec internet et les réseaux sociaux.

Quand l’information est parvenue chez nous, ce fut la panique. Les gens se sont rués dans les magasins, les pharmacies…faisant le plein de tout et de n’importe quoi.

Cela a duré peut être une semaine de panique, puis tout c’est calmé. Et on a recommencé a vivre comme d’habitude, bercé par les paroles de réconfort des scientifiques et autres grosses têtes pensantes du gouvernement.

Je fais partie de ces personnes irraisonnées, qui ont amassé des tas de trucs pour mon éventuelle survie.

Ironique non.

Nous ne savions même pas si cette pluie allait un jour réapparaitre et encore moins qu’elle allait le faire chez nous.

J’avais les yeux toujours fixés sur les carreaux, choquée, plus abattue par cette nouvelle que par l’autre.

Des bruits de panique venant de derrière moi, m’ont obligés a tourner la tête.

Mon docteur avait disparu, la porte de son cabinet ouvert sur la salle d’attente. Les chaises renversées, les cris hystériques des personnes tournaient au hurlement. Une claque retentit et le cri cessa immédiatement. Je remercie en silence celui ou celle qui a eut la bonté d’âme de faire ce geste. C’est de nouveau le silence.

La pluie a cessée. Laissant des trainées, comme des éclaboussures de sang derrière elle.

Regardant par la fenêtre, je vois les gens courir, dans tout les sens. Certains trébuchant et se retrouvant le nez dans cette gadoue rouge. Les autres les observent sans les aider, juste en leurs jetant des regards de dégout, comme si ils venaient d‘être atteint de la peste noire elle même.

Je me suis alors demandé comment j’allais rentrer chez moi, ce n’est pas très loin, mais quand même.

Je me suis souvenue de la ou je me trouvais, dans un cabinet médical. Ils doivent avoir des masques de protection, des gants, des trucs stériles. En tout cas il n’y a rien dans cette pièce, sauf des dossiers, des livres de médecine et de la documentation en veux-tu en voila.

Le cabinet est désert, maintenant, abandonné par ses anciens occupants. Je préfère ca, pas de bagarre, pas de regard ambigu. Je me méfie de l’espèce humaine. Prête a tuer son propre voisin, si il détient quelque chose qu’il pense lui être utile.

Hélas au premier coup d’œil, il n’y a rien d’intéressant. Je continue mes recherches, quand j’ai vu cette porte cachée par un épais rideau. Derrière, même la caverne d’Ali Baba a l‘air d‘un débarras a coté de cette pièce.

Des masques, des gants, du désinfectant, bandages et compagnie…en premier je remplis mon sac a dos, puis un sac de tout ce que je pense m’être utile. Ensuite, j’enfile deux paires de gants, l’une par dessus l’autre, chacune hermétiquement fermées par du scotch, puis un masque, une paire de lunette de soleil qui trainait dans mes poches. Je me suis bandée les parties de ma peau qui pouvait être exposées a l’air. Je ne veux pas rentrer en contact avec cette saloperie rouge, j’en ai déjà une a supporter et cela me suffit amplement.

En passant devant un miroir, je me trouve ridicule. Je ressemble a une momie avec des lunettes de soleil.

Je ne sais pas si on peut appeler ca l’instinct de survie, mais j’ai file sans demander mon reste. Ignorant tout ce qui m’entourait. Je n’ai qu’un objectif, arriver a mon appartement saine et sauve.

Et j’ai réussi, enfin je crois. Je suis fière de moi, en plus. Me répétant que j’ai finement joué, que cette pluie ne m’a pas touchée. Que je n’ai sans doute, pas respiré d’air contaminé. Que je ne serai pas malade, j’en suis sure.

Relevant une nouvelle fois la tête pour faire face a mon image, mes forces m’ont tout simplement abandonnées.

Je suis une pauvre conne, je suis morte. Je ne peux pas y échapper. D’une façon ou d’une autre je suis cuite, foutue, grillée.

J’ai commence a pleurer. En silence, en étouffant la peine qui m’envahit, la tristesse qui serre ma gorge.

Je n’arrive plus a m’arrêter.

Je veux partager ma peine, ne pas être seule a ce moment.

“allo maman, ca va? Oui moi aussi je voudrais être avec toi. Il a plu chez toi aussi, ah sur toute l’Europe, je n’ai pas regardé les informations, je n’étais pas chez moi.

Non ne pleures pas, s’il te plait, tout ira bien j’en suis sure. Il y aura bien un scientifique qui va trouver la solution a ca…tu as fait des provisions d’eau? Oui c’est bien alors je crois qu’il vaudrait mieux ne pas sortir de la maison, avant d’en savoir plus. Tu me le promets, hein prends soin de toi, ok? Non je vais bien je t’assure… non je n’ai pas l’air étrange…. C’est tout ca, cette pluie… j’ai peur pour toi…. Oui je vais faire aussi attention a moi….. Maman j’ai tout ce qu’il faut….. Promis je ne sortirai pas non plus…”

On a parlé, toute la soirée, je crois que cela lui a fait du bien. Je n’ai pas pu me résoudre a lui avouer. Elle est si triste, déjà que je ne peux pas aller chez elle. On habite trop loin l’une de l’autre. J’espère qu’elle sait au moins combien je l’aime.

Et voila que je me remets a pleurer. Je pleure pour elle. Pour le fait, qu’a ce moment précis je ne peux pas la prendre dans mes bras et lui dire merci pour tout. Merci d’avoir été la mère la plus formidable, patiente et combien tendre, qu’un enfant puisse avoir. J’ai eut cette chance, alors merci maman.

Nous sommes aujourd’hui le premier décembre 2012.

 

Devant ma fenêtre je regarde impassible la rue désertique.

Pas une voiture, pas un passant. Mon café me brule les lèvres, mais cette sensation me réconforte.

Les traces de la pluie d’hier sont encore visibles. Cela reste collé aux vitres, comme un avertissement, pour ne pas oublier ce qui nous attend si on ose sortir.

J’entends une voiture qui gronde au loin. Elle roule a vive allure, faisant crisser ses pneus sur la route verglacée de rouge. J’ai juste eut le temps de la voir débouler devant chez moi, mais sa course a été arrêtée, nette. Le conducteur n’a pas contrôlé le dérapage et il est venu s’encastrer dans la devanture d’un magasin de vêtements.

La portière s’est ouverte, un homme en est sorti, titubant et se tenant la tête.

Il tenait a peine sur ses jambes, il a fait trois pas pour s’effondrer au sol.

Je ne suis pas sure, mais je crois qu’il y a d’autres passagers dans la voiture.

Je devrais peut être sortir pour leur porter secours.

Mais j’ai beau le penser, mes jambes refusent de bouger, en faite, je suis pétrifiée de peur.

Les mains crispées sur mon bol, je respire a peine.

J’ai honte. J’ai peur. Je me fais horreur.

L’espace d’un instant je me suis senti soulagée, quand j’ai vu des gens courir vers la voiture. Je pensais qu’ils allaient porter secours a cet homme en détresse.

Mais ce que j’ai vu ensuite, m’a effrayée.

Un groupe de cinq individus c’est dirigé droit sur l’homme qui git a terre.

Ils l’encerclent, pendant quelques minutes, sans réagir.

Et puis je l’ai vu, celui au blouson vert lever le bras. Dans sa main quelque chose qui ressemble a une barre de fer. Et les autres ont imité son geste. Tous avaient des bâtons, des battes de baseball, même un tuyau.

Et ils l’ont frappé. Ils ressemblent a des enragés, des fous furieux. La rue se recouvre une nouvelle fois de rouge. Ils pataugent dedans, inconscients.

Ils lancent des cris d’animaux, tels des loups affamés par le sang.

Puis ils se sont arrêtés. Tournant la tête vers la voiture.

C’est la que j’ai entendu, les cris d’une femme, non des hurlements, qui glacent les os. Qui me serrent le cœur.

Ils avancent vers elle, lentement, surement. Dégoulinant du sang de leur victime.

A moins d’un mètre d’elle, j’ai lâché mon bol. Mais je n’ai pas entendu le bruit qu’il a fait quand il s’est brisé au sol.

Non je n’ai entendu que mon cri. Mes mains tapant sur la vitre. Je voulais qu’elle se sauve, qu’elle est une chance.

Alors pourquoi des qu’ils ont tournés leur regard dans ma direction je me suis cachée.

Pourquoi ma braverie n’a duré que le temps de mon cri?

Je n’ose plus regarder dehors. Par peur qu’ils sachent que c’est moi. Qu’ils me cherchent. Qu’ils me tuent, de la même façon que ce pauvre homme.

Pourquoi suis-je tant attachée a la vie?

Alors qu’elle m’a abandonnée. Pourquoi?

Et j’ai entendu des coups de feu.

Je suis restée comme choquée, quelques secondes sans réagir, a vrai dire sans vraiment savoir quoi faire.

J’ai surtout peur d’être la cause de ces coups de feu. Le bruit des détonations a anéanti tout autres sons.

La peur règne en maitre, l’angoisse de ce qui va arriver après, pèse sur les épaules de tous. Et les sons, sont revenus, par brides au début, osant a peine détruire l’équilibre de cette pause. Puis il y eut les cris, des corps qui tombent, des coups qui sont donnés.

Apres tout est trop clair, les insultes qui déchirent l’air, la douleur des corps meurtris.

Qu’Est-ce qui nous pousse a regarder ce qui se passe? Pourquoi veut-on savoir, même quand sait que l’on risque d’avoir peur et surtout de ne pas aimer ce que l’on va voir?

Pourtant on jette un coup d’œil, rapide au début, pour s’informer, puis la curiosité prend le dessus. On ne fait même plus attention si on est a l’abri, on veut savoir on veut voir.

Et j’ai vu.

J’ai vu des hommes au sol, rependant leur sang comme une marée incontrôlable. Mélangeant allégrement leur rouge a celui de cette maudite pluie.

Un homme se tient au milieu de ce massacre. Deux jeunes sont encore debout, mais vu leur allure, ils ne sont certainement pas en très bonne condition physique.

Et mon regard a été attire vers la voiture, un détail qui n’était pas la, avant.

L’horreur, l’indéfinissable.

Mes yeux se sont remplis de larmes en deux secondes, des que mon esprit a analysé ce que je venais de voir.

A terre, il y a une jeune femme, avec de superbes cheveux bonds, étalés comme un soleil autour de sa tête. Son visage est barbouille de rouge, comme un maquillage qui aurait dégouliné. Elle porte un t-shirt bleu clair, comme une ciel de printemps, mais qui aurait connu une tempête le mettant en lambeaux. Laissant ainsi apparaitre sans pudeur ses seins rouge de honte. Elle a une belle jupe, qui a été blanche avant, relevée sur sa taille comme un vulgaire chiffon.

Son ventre est doux et rond, porteur d’un bonheur a venir.

Vu la position de ses jambes elle a été violé, sans aucune retenue, malgré sa condition. C’est ce qui a du déclencher le travail et ce qui a suivit. Puisse que sur son ventre, tel un étendard de la cruauté humaine, un pieu transpercent de part en part, la mère.

Cette scène, m’imaginer que des êtres humains sont capables de telles atrocités, par pur plaisir, pur sadisme, me rend malade.

Le monde arrive a sa fin, peut être pour une bonne raison. Cette pluie est la pour éradiquer l’espèce humaine. Et quand je vois ca, je me dis qu’elle a raison. Que faisons-nous de bon?

On passe notre temps a pourrir notre planète. On l’exploite, la pollue, la déboise…

A ne penser qu’a notre profit. Vivant chacun dans notre bulle. Combien de fois j’ai lu que des gens sont morts dans l’indifférence totale.

Combien de fois j’ai entendu les atrocités faites sur des enfants, des femmes, sans que cela ne fassent réagir qui que se soit.

On fait plus de cas, des riches, des footballeurs et des hommes politiques, que pour des enfants qui meurent de faim.

Nous sommes devenus une honte. J’ai honte. De moi aussi, de mon égoïsme, parce que je ne fais rien ou si peu.

Je me sens si petite, si insignifiante, si nuisible.

Un homme, pourtant, est intervenu mais trop tard. Il s’est battu de son mieux, mais hélas il n’y a déjà plus rien a faire.

Il est blessé, et a du mal a se tenir debout.

Non, je ne peux plus regarder, j’ai trop peur de ce qui peut lui arriver. Il y a trop de sang, beaucoup trop de sang.

Mais de quoi tu as peur, vas l’aider. Je devrais c’est vrai. C’est peut être ma dernière chance de faire quelque chose de bien avant ma fin. D’être enfin utile a quelqu’un.

Mes jambes tremblent si fort que j’ai du mal a me tenir droite.

J’ai des nausées qui vont et viennent selon leurs humeurs.

Je pleure sans discontinuer, essuyant d’un revers de manche larmes et nez qui coulent.

Je m’habille, par automatisme j’essaie de ne pas avoir trop de peau exposée, je mets un masque.

Je suis parée, la main sur la poignée de ma porte, prête a rendre service, et probablement me faire tuer, mais je sais que c’est la seule chose a faire, et je vais le faire. J’ouvre la porte, j’arrête de respirer et je fonce sans réfléchir, car si je commence je ne pourrai plus avancer. Et en deux secondes je suis dehors.

Vu de près, c’est encore plus cauchemardesque.

Les deux jeunes ont disparu, enfin je l’espère. Il ne reste que leurs camarades a terre.

Je m’approche de l’homme courageux. Il pleure. Il a l’air si triste.

“allez voir la femme s’il vous plait, je n’ose pas”

J’obéis, comme hypnotisée, je passe au-dessus de membres et de corps sans vie. Je marche lentement vers cette poupée désarticulée gisant au sol.

Je la regarde, mais elle ne respire pas. La pâleur de son teint, le jaune de ses cheveux, et le rouge de son sang forment un tableau avant-gardiste, j’aurai préféré un scène abstraite, pour moi, tout ca c’est trop réaliste.

Les sons semblent être étouffés par l’atmosphère pesante.

La mort règne en maitre sur ce tableau, nous sommes figés dans la barbarie de l’instant.

Et un cri, un cri de vie. Le cri d’un miracle, le cri d’un nouveau né.

Je ne sais pas comment, mais il est la, si petit, si fragile. C’est insensé, incompréhensible.

Je m’approche pour être sure. Et je le vois, ce petit bout de rien, défiant toutes les lois, toutes les possibilités. Criant sa vie alors qu’il vient d’un ventre mort.

L’homme est derrière moi, pleurant de plus belle. Cela forme sur son visage des sillons de propreté. “prenez le” “qui moi?’ “vous voyez quelqu’un d’autre?”

Je me penche, prends ce poids plume dans mes bras. Il pleure moins fort. L’homme coupe le cordon. Fouille dans la voiture. Dépose une couverture sur la mère. Et une autre sur le père. Il me tend ensuite un linge blanc pour envelopper l’enfant. Il continue a fouiller, je devrais trouver cela déplacé, mais mes yeux ne veulent pas quitter le bébé.

“vous habitez ou?”

“pourquoi?’ il a du sentir de la frayeur dans ma question, je le suis vraiment.

“ne vous en faites pas je ne veux pas vous faire de mal. C’est pour déposer les affaires du bébé.”

Je suis inconsciente. Je porte un bébé contaminé, certainement. Je suis entrain de montrer a un inconnu ou j’habite. J’ouvre la porte, il va me tuer, j’en suis sure.

Je m’imagine trop de chose comme d’habitude. Il a déposé gentiment les sacs qu’il avait ramassé, s’est maintenu a l’encadrement de la porte, me regardant droit dans les yeux.

“vous en prendrez soin n’est-ce pas?”

“je…oui….enfin…”

Il a esquissé un sourire et puis il s’est effondré, comme ca sans prévenir.

Mais qu’Est-ce que je vais devenir. J’ai maintenant un bébé et un type a moitie mort dans mon appartement.

Je me demande ce que demain va me réserver.

 

La nuit fut courte. Et pour dire la vérité, j’ai été très occupée.

J’ai du trainer le gars, étalé dans mon entrée, jusqu’à mon canapé. Il pèse son poids et j’ai du batailler dur pour réussir cet exploit. Surtout après avoir constaté qu’il était encore vivant, je ne pouvais pas le laisser la, ou le mettre dehors. Je dois avouer que j’ai pensé a le pousser dehors. Mais je suis rappelée ce qu’il avait fait, c’est un homme courageux, qui a risqué sa vie pour des inconnus. En même temps je ne le connais pas, il est peut être tout simplement inconscient ou fou. Mais après toute l’horreur et la monstruosité que des hommes ont montré j’espère que lui au moins un homme bon.

J’ai fait le tri dans les affaires qu’il a rapporté de la voiture. Heureusement, car dedans il y a tout le nécessaire pour bébé.

D’ailleurs, il a été très calme, pour un nouveau né, surtout dans les conditions de sa venue au monde. Je m’attendais a ce qu’il pleure sans arrêt. Mais non, même quand il ne dort pas, il reste calme.

J’en ai profite également, pour regarder les informations, pendant que je soignais les blessures de l’homme. Il faut dire qu’il est bien amoche le pauvre.

Il a très certainement des cotes cassées ou fêlées. Des plaies ouvertes a l’abdomen, aux bras, au visage. Des bleus a peu près partout. Enfin il est vraiment mal en point, et je ne tiens pas a jouer au docteur maboule avec lui. Alors je désinfecte, j’essaie de mon mieux de lui prodiguer les premiers soins. Mais bon je ne m’y connais pas plus que ca. Heureusement que l’été dernier j’ai passé mon brevet de secourisme, ce n’est pas grand-chose, mais ca aide.

Bien que très concentrée sur mon travail d’apprentie infirmière, j’ai du tourner la tête en entendant les nouvelles.

Le monde va mal, très mal. La pluie rouge est apparue maintenant a peu près partout dans le monde. Intoxicant, supprimant la vie sur son passage. Certains spécialistes ont parlé, nous abreuvant de détails techniques et de mots imprononçables, mais malgré ca j’ai bien compris qu’elle avait pénétré très loin dans le sol et qu’il faudrait des milliers d’années pour s’en débarrasser. Sans parler qu’elle rend les gens malades et que si ils n’arrivent pas a trouver un remède, ils mourront tous et tellement rapidement.

Vu a la vitesse que cela se propage, dans une dizaine voir vingt jours, nous seront tous contaminés.

J’ai tout de suite pensé qu’il n’y avait pas de raison, je vais bien mourir, moi.

Et j’ai eu honte, d’avoir une telle pensée. D’être aussi égoïste. Le monde ne tourne pas autour de moi.

J’ai dans mon appartement un bébé, un véritable miracle de la vie. Qui ne mérite certainement pas de mourir, surtout après s’être battu pour naitre et survivre.

J’ai senti des larmes monter. Mais je les ai stoppées net. Ce n’est pas le temps des pleurs, ou des lamentations.

Je dois être forte, même si c’est pour mes vingt derniers jours sur cette terre.

Je vais le faire pour lui, pour Alex oui j’ai décidé de l’appeler comme ca. Si j’avais eu un fils c’est comme ca qu’il se serait appelées de toute façon. Non, pas encore des larmes, ca suffit ma grande, ressaisis toi et bats toi.

Il doit y avoir en moi quelque part, bien caché, une once de courage. J’espère que je n’ai pas tout utilise hier en courant dehors.

Serrer les poings, relever la tête et sourire, la vie est encore la, présente, juste devant toi. Alors bats toi pour lui, pour que le peu, qui lui reste vivre, soit le plus beau possible.

Peut être aurait-il mieux fallu qu’il ne naisse jamais. Car que va-t-il apprendre de la vie, a part une suite de mort et d’abandon?

Non! Non! Non chasses ses idées. Vis le moment présent. Vis pour lui. Montres lui ce que c’est que d’être aimé.

On ne peut pas mourir sans avoir connu l’amour.

La tendresse de bras chaleureux, la douceur d’un sourire, la délicatesse d’un regard plein de bonheur.

Mes pensées s’embrouillent. Plus rien ne me semble réel.

Il y a quelques jours de cela, tout était normal. Je savais que j’étais malade. Mais je me sentais mieux. Je pensais même être en rémission.

Et puis tout c’est enchainé, comme une ligne de domino, on pousse le premier et ils ne cessent de tomber et tomber encore entrainant le prochain dans sa chute.

Cette maudite pluie est arrivée. Mon cancer est toujours la et plus vivant que jamais.

Et je suis la, dans mon salon, un trois décembre. Avec un bébé dans mes bras, qui n’est pas le mien, un homme inconnu et blessé, de surcroit, sur mon sofa. Et il parait que la fin du monde est pour bientôt. Si quelqu’un m’avait dit cela il y a, quoi, juste un mois, je lui aurais demandé ce qu’il avait fumé.

Tout ceci ressemble a un affreux rêve d’où l’on voudrait se réveiller.

Décidément on ne sait jamais, de quoi sera fait demain.

Tout est possible, le bon comme le mauvais. Je suis sure qu’ils vont trouver un moyen de nous sauver. Il y aura des survivants, on ne peut pas tous disparaitre comme ca. On va se battre et on va y arriver. Ils vont y arriver. Pour moi le chemin s’arrêtera la. Encore un sursaut d’orgueil et trois petits tours et puis je m’en irai.

Assez pensé.

Concentres-toi sur maintenant.

Ils dorment je vais en profiter pour aller prendre une douche.

Je veux rester des heures sous cette eau, encore pure. C’est la que j’ai pensé a faire des réserves d’eau en plus des bouteilles que j‘ai déjà achetées. J’ai rempli ma baignoire. Tout les seaux, bouteilles et autres contenants. Je ne pourrai plus sortir, enfin je ne crois pas.

Je suis la, comptabilisant mes réserves, quand je l’ai entendu parler.

“il y a quelqu’un?”

“oui je suis la. Ne bougez pas, vous avez certainement des cotes cassées et pleins d’autres contusions.”

Avant même que j’ai pu me reculer il m’a agrippé le bras, fermement. Tout mon corps s’est raidi de peur instantanément.

“le bébé? Comment va le bébé?”

“il va bien. Il dort.”

Comme si mes paroles n’avaient aucun poids, et au prix d’efforts surhumains, il s’est assit en cherchant du regard l’enfant. Il souffrait, cela était gravé sur son visage, mais il continuait a bouger, a le chercher. Et il l’a vu. Ce petit ange endormi. Dormant du sommeil du juste. Les joues roses, les cheveux blonds comme sa maman. Les poings serrés prêt a se battre. Et, comme si il savait que l’on parlait de lui, le voila qui ouvre les yeux. D’un bleu d’une pureté, d’une limpidité a couper le souffle.

Un joli, parfait chérubin.

L’homme pleure, encore, a croire qu’il ne sait faire que ca.

“c’est bien. C’est une bonne chose.”

Il répète cela comme une prière, ou pour se rassurer, je ne sais pas. Puis il s’est tourne vers moi.

“merci”

Je ne sais pas quoi lui répondre, je n’ose même pas le regarder en face.

“ vous devriez vous allonger maintenant.”

“David, je m’appelle David.”

“Anne”.

Je devrais lui dire ce que j’ai vu aux informations. Mais comment lui annoncer cette nouvelle.

“Ben, vous voyez vous êtes pris une rouste, mais bon c’était très courageux de votre part. Vous avez même sauvé un bébé, bravo, mais on est tous cuit, la terre est fichue, les hommes et bestioles, animaux et nous avec.”

C’est la fin du monde.

Il dort déjà. Le visage apaise, un sourire aux lèvres. Comment briser ce bonheur, même fugace.

Pour me donner mauvaise conscience la pluie s’est remis a tomber plus forte que jamais, plus rouge, plus mortelle.

C’est la fin.

Je regarde par la fenêtre, m’apitoyant sur mon sort. Me demandant si ce n’est pas plus raisonnable, de mettre un holà a tout ca et d‘en finir.

Alex m’a rappelé a la vie.

Par ses pleurs, de la joie de vivre a de nouveau fait bondir mon cœur.

  • Excellent, le texte nous emporte à merveille et il aurait été sublime s'il y avait une chute plus piquante. Merci beaucoup.

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Default user

    keltouma--2

  • Wahou... Génial. Super bien écrit ! hé béh le niveau est rude pour ce concours !

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Photo la plume blanche  39928 zoom 300

    shude

  • merci Wen, la concurrence est rude avec ton texte alors il faut mettre la barre haute. et tu as raison mefiez vous....on ne sait jamais

    · Il y a plus de 12 ans ·
    521754 611151695579056 1514444333 n

    christinej

  • C'est vraiment génial Christine. Tu as vraiment bien fait de retravailler un texte car c'est vraiment très bon ! Ton idée est vraiment bonne.

    @Woody : Fais super gaffe, Christine n'est pas une rigolote, elle dit qu'elle est gentille en vrai mais je ne la crois pas. Et je suis sûr qu'elle n'est pas petite en plus...

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Francois merlin   bob sinclar

    wen

  • merci beaucoup woody, le texte pour le concours soit trois jours est la oui. et euh qui c'est qui a dit que j'etais petite?

    · Il y a plus de 12 ans ·
    521754 611151695579056 1514444333 n

    christinej

  • c'est génial... très très bon, j'ai adoré et cela paraît si réel ! Bien écrit, le rythme est extra, bon tempo dans les arrivées de personnages, très crédible ! comme le dit si bien sweety, que je salue au passage, c'est étouffant, et glauque à souhait !
    tout le texte est là ?
    bravo, elle du potentiel cette petite !

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Img 5684

    woody

  • merci Sweety je suis tres heureuse que cela te plaise merci de me lire vraiment j'apprecie

    · Il y a plus de 12 ans ·
    521754 611151695579056 1514444333 n

    christinej

  • C'est très très bon,c'est prenant presque étouffant, effrayant car tellement réel
    je redoute la folie des hommes face a une catastrophe,les mouvements de groupe, les pillages, et autres ...
    et très bon choix des prénoms Alex et David, ca correspond bien a l'histoire et laisse voir une suite (?) ... j’espère en tout cas!!

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Suicideblonde dita von teese l 1 195

    Sweety

Signaler ce texte