L’Autre

-         Lâche-moi un peu la grappe, va te manifester chez ceux qui te supplient sans cesse de leur faire un signe !

-         Non ! Moi, c'est toi que je veux !

Putain ! On peut dire que quand il a un mec dans le pif, l'Eternel, il ne le lâche plus !

Comme il se faisait de plus en plus insistant, je pris conscience que quand on entendait des voix, si on n'était pas une sainte telle la pucelle, on était un fou. Donc je consultais un spécialiste pour fous.

-         Docteur, je pense être psychotique.

Et l'autre au lieu de me dire. « Asseyez-vous monsieur. On va voir ça. » Il se lève, se met devant moi et s'agenouille les mains en prière.

Putain ! C'est vrai alors, que les psychiatres sont plus fous que leurs fous.

-         Et pour mes pilules ?

-         Alléluia !

J'n'connais pas ce médoc, j'espère que c'est vendu sans ordonnance, car il m'a rien prescrit, l'autre toqué.

Je prends le chemin de la première pharmacie et je remarque que tous les passants me regardent et se retournent sur mon passage. Je vérifie que ma braguette soit bien fermée et l'artillerie démilitarisée. Tout parait parfaitement normal dans ma tenue, bon, un peu négligée, certes, mais pas plus qu'à l'ordinaire. Du coup, je rentre directement chez moi, ils finissent par me faire flipper à me dévisager comme ça, ces mâteurs.

Arrivé à l'abri de mon home sweet home, je m'aperçois, que j'avais dû oublier d'éteindre toutes les lumières, car il y a une clarté éblouissante chez moi. Une lumière directement branchée sur la sortie de la centrale de Fessenheim. 225 000 Volts dans la gueule, ça aveugle, c'est sûr ! Un peu comme dans « Rencontre du troisième mec ».

Putain ! Là, c'est en trop ! Les hallucinations auditives passent encore, on s'y fait, mais visuelles, non ! Je vais lui attenter un procès pour harcèlement mystique à l'autre Eternel de mes deux.

Là, j'ai dû l'offensé, car il m'apparaît carrément en entier sous la forme d'une espèce d'hologramme fluorescent qui clignote de partout comme un manège à la Foire du Trône.

-         Cesses de lutter, mon fils, tu es l'élu !

-         Oh, mais pour qui vous prenez vous, à la fin ? Je ne vous ai pas invité à entrer chez moi, c'est privé et arrêtez de me tutoyer, nous n'avons pas gardé les moutons sous le lit, ensemble.

Putain ! Il a fini par partir, mais pas sans mal. Quand vous les laissez entrez ces divinités, elles sont plus incrustantes qu'un kyste de témoins de Jehova.

Mais là, je crois qu'il a compris quand je lui ai dit qu'il n'était qu'un lâche d'accuser le Saint Esprit  pour violer des petites vierges comme la petite Marie. Je l'ai vexé, il ne devrait plus revenir de sitôt.

***

Le psychisme a une propension à la croyance. Nous nous plaisons à croire qu'il nous serait possible de commander aux éléments, que l'universel n'a un sens que s'il se rapporte à notre petite personne d'êtres humains. Animaux grégaires, il nous faut les autres pour vivre. Pourtant, paradoxalement, une fois en groupe, on fera tout pour se faire croire supérieur à la meute. Se distinguer, se singulariser pour une auto-valorisation.

Il est plus difficile de ne croire en rien que de croire en n'importe quoi, cela demande un effort constant que d'être rationnel, une révolte contre la nature intrinsèque de la pensée intime.