Le garçon qui dessinait.

ellis

Cette nuit j'ai rêvé que je posais la main sur le visage de ce garçon, celui auquel j'avais donné rendez-vous il y a des années maintenant, dans un café après le boulot.

J'avais attendu dans la voiture. Il pleuvait. Et je me demandais si vraiment, c'était une bonne chose de rencontrer un garçon qui a envie de boire un verre avec vous, alors que vous vivez avec un autre homme. J'en étais venue à la conclusion que peu importe. J'avais envie de discuter avec lui. Alors, je suis sortie dans la pluie de juillet et nous avons commandé une bière. Il n'était pas beau. Il ne m'attirait pas. Pas le moindre petit trouble dans le ventre. Mais il était doux. Avec une sincère curiosité dans le regard. Je me souviens qu'elle m'avait dit de ne pas y aller. Qu'est-ce que tu fous ? Ca crève les yeux qu'il en pince pour toi !

Et puis quoi ? Qu'est-ce que ça fait ?

Il était illustrateur de livres pour enfants. Son regard tendre et sa maladresse, ça me faisait comme un soleil de printemps. Ca ne ressemblait à rien d'autre, c'était inattendu et j'aimais ça.

 

Ce soir-là nous avons parlé longtemps, je l'ai écouté beaucoup. Il bredouillait parfois. J'aurais aimé poser une main contre sa joue avant de partir, et lui dire qu'il était une jolie personne, qu'il ne devait pas baisser les yeux quand il parlait à une fille. Mais on ne fait pas ce genre de choses quand on porte un anneau à l'annulaire gauche. Moi je le pouvais. Librement et pleinement. Mais les autres, tous, autour, avaient décidé que non. Et sans doute lui aussi. Sans doute n'aurait-il pas compris. Qu'il y a des gestes qui ne contiennent rien de plus qu'un mouvement. Pas d'invitation. Pas de question. Pas d'attente. Juste aller vers. Librement et pleinement.

 

Dans mon rêve cette nuit, il était revenu. Il m'attendait au bas d'un immeuble et je descendais en courant des tas de marches avant d'apercevoir sa longue silhouette et son visage fin. Je me suis approchée. J'ai posé la main sur sa joue. Alors il a parlé. « Ce qu'il y a de bien avec toi, c'est qu'on sait que ce sera doux, et qu'on va être bien »

 

J'ai ouvert les yeux. Lumière du jour et murs bleu pâle. Je me suis tournée un peu vers lui et j'ai passé la main dans ses cheveux. Dans son sommeil il a souri. 

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