Le goût du légume dont Gainsbourg a la tête

Chris Toffans


Non ce n'est pas une légende, je suis bel et bien né dans les choux. A Krautergersheim pour être précis, aux environs de 17 h 45 (heure française). Ma mère, qui comme mon père travaillait très dur dans l'exploitation familiale, ne pouvait pas se permettre de prendre un congé de maternité comme "toutes ces feignasses de fonctionnaires" - les personnes œuvrant au service de l'Etat n'étaient pas toujours très bien considérées dans ma famille. Et un beau jour ce qui devait arriver arriva, maman ne put faire autrement que de m'éjecter de son ventre dilaté dont les parois avaient atteint leur limite d'élasticité. Je naquis donc sur le champ, sans coup férir et sans crier gare, entre deux énormes tonneaux de choucroute.

Je n'ai pas vraiment de souvenirs de cette incroyable péripétie, mais l'odeur particulière des fameux légumes alsaciens m'est restée à jamais. Et pas seulement à l'esprit, si vous voyez où je veux en venir... A la maison pas de problème, mon parfum de terroir faisait couleur locale, mais chez les gens au goût du jour je sentais bien qu'on se sentait mal. Pour couronner le tout, ma santé et ma constitution fragiles m'ont empêché de reprendre la ferme de mes parents. Il fallait pourtant que je trouve un travail, en dépit de ce damné handicap qui n'était pas reconnu même s'il était facilement détecté.

 J'ai quand même fini par trouver un job, chez un client à papa qui tenait un restaurant gastronomique nommé Le Cheval Blanc. Mais si, tu sais, Le Cheval Blanc, où on mange des tartes flambées ! Non, tu vois pas ? Bon, c'est pas grave. Je voulais juste préciser que dans cet établissement à la carte plutôt rustique, réunissant harmonieusement flammenküche, baeckeoffe et choucroute garnie, mon odeur putride passait quasiment inaperçue. Je pouvais enfin avoir une vie active digne de ce nom, gagner grassement ma croûte à la sueur de mon front, si tant est que vous me passiez cette expression.

Bien sûr, côté cœur, ce n'était pas la même histoire. Difficile d'imaginer une compagne affectueuse qui me serre dans ses bras en se bouchant le nez. A l'impossible nul n'est tenu. Convaincu que ma condition de célibataire était une fatalité, je mis alors toute mon énergie à exercer mon métier. Tant et si bien qu'au bout de quelques temps, après avoir repris Le Cheval Blanc et d'autres restaurants, je devins quelqu'un d'important. Bizarrement, ce nouveau statut changea la donne en matière de séduction, à en juger par mon succès soudain auprès de la gent féminine. En définitive je ne sais pas si c'est l'argent qui a fait mon bonheur, mais ce qui est certain c'est qu'il n'a pas d'odeur.

  • Juste parfait Chris.tu n'as pas fait chou blanc une fois de plus :-)

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Sans titre

    agathe

  • Damned ! Merci pour la correction, je rectifie illico presto. Ça sert d'avoir des amis...

    · Il y a plus de 10 ans ·
    027 orig

    Chris Toffans

  • Cette histoire me confirme bien que les Alsaciens sont des gens bizarres, les garçons y naissent dans les choux, et ce sont les cigognes bien sur, qui apportent les bébés...A d'autres oui!

    · Il y a plus de 10 ans ·
    P1000170 195

    arthur-roubignolle

  • Ah ouais j'aime bien ! Quel humour à froid et à chaud... en même temps que mon coeur se pince... juste le cœur pour moi Chris, je te jure ! En tout cas à la vue de mon nez : simple, efficace. Il y a juste le titre qui me dérange mais ça, c'est mon goût ;)

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Ange

    Apolline

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