Le monstre (Chapitre 1)

Léo Noël

Ils sont tous là : les enfants de Josh, Elena, Karim et Anaël. Ils sont ici pour m’écouter, et sûrement que leur vie dépend de mon bon vouloir, même si je me sens bien incapable de les aider. Je connais leur histoire et je sais ce qui les attends maintenant, mais cela n’aurait pas de sens de tout leur dire, ils pourraient disparaitre sur le champ s’ils savaient tout ce que je sais. Mais je peux me contenter de leur rappeler les faits, de leur dire ce qu’il s’est passé, de ne faire que répéter ce qu’il savent déjà. Ils me portent une telle importance, ils écouteront ce que je vais dire sans leurs à priori, sans leurs vécus qui les poussent à transformer leurs souvenirs. Mickael s’impatiente, c’est le plus violent d’entre tous, le seul qui serait capable de tuer, s’il le fallait. Il me regarde comme s’il pouvait me menacer. Je ne cherche pas à l’énerver.

« Au départ, c’était l’histoire d’un enfant, et de sa mère. Ce n’est pas une histoire vraiment amusante, et je m’excuse par avance si elle heurte vos sentiments. Les histoires les plus courantes parlent d’êtres humains. Mérédith, aussi bien que son fils Paul, avaient tous les deux l’apparence des hommes, le langage des hommes, et la beauté de ceux qui pourraient devenir célèbres, ils n’en étaient pas moins des bêtes.

Mérédith était apparue dans une banlieue de Dresde, Löbtau Nord, dans laquelle vivait un homme appréciable nommé Baron. Baron était un médecin qui ne voyait pas sa vie passer sous ses yeux. Löbtau n’était pas l’endroit idéal pour vivre, la ville de Dresde et toutes ses beautés s’offrait aux habitants du centre, tandis que les banlieues ne possédait presque pas de quoi vivre décemment. Il n’y avait que trois médecins dans Löbtau. L’un était un ivrogne savant, l’autre était un intellectuel incompétent. Et une seule pharmacie. Baron refusait des patients, la plupart du temps, car il avait trop de consultations, mais d’autres fois, uniquement pour se reposer. Il s’était battu pour améliorer les conditions de vie des gens de Löbtau, sans grande réussite. Il ne faisait pas fortune, car de nombreux habitants n’avaient pas les moyens de se soigner correctement. Souvent, il avait offert ses services, préférant encore accomplir les soins plutôt que de refuser par cupidité. Cela avait duré assez longtemps pour que Baron se fatigue. Petit à petit, il avait refusé plus de patient, préférant ceux qui pouvait le payer. Il avait cessé d’offrir des médicaments, il avait parfois laissé des malades dans leur tourment, tant qu’il ne s’agissait pas de choses trop graves.

C’est ainsi que la mère de Mérédith était morte. Baron était venu, terrassé par deux nuits de consultations sans interruption, pour examiner cette dame qui vivait dans une grande maison héritée. La propriété était impossible à vendre, à cause de son état. Le toit s’effondrait sur la moitié de sa surface, et la plupart des pièces à l’étage avaient les murs moisis par l’humidité. Les taxes étaient accablantes.

La vieille dame se plaignait d’un simple mal de crâne, et semblait souffrir le martyr. Baron lui avait prescrit des analgésiques sans plus s’attarder sur son cas. Lorsque la dame avait rappelé pour se plaindre à nouveau, Baron avait simplement râlé, et s’était borné à penser que son traitement n’avait pas été suivi correctement. La troisième fois, c’était Mérédith qui avait appelé, alors que sa mère poussait ses derniers soupirs, et encore une fois, Baron ne prit pas l’appel au sérieux. Elle était morte dans l’heure qui avait suivi, et Baron n’avait jamais appris le sort de la défunte.

Baron se sentait accablé par une tristesse grandissante de jour en jour. Il avait pensé que sa fonction l’aurait élevé au dessus du reste des hommes, et qu’ainsi, on se souviendrait de lui comme d’un être bon, et savant. Il faisait son métier du mieux qu’il le pouvait, presque tout le temps.

Pourtant, il se heurtait à l’ingratitude de chacun. On l’insultait lorsqu’il ne pouvait rien faire, on le rejetait lorsqu’il refusait un traitement, même pour les meilleures raisons. On l’opprimait pour ses rares erreurs. On jugeait qu’il était normal qu’un médecin fasse son travail, et on ne le remerciait pas pour ses réussites. On l’appelait à toutes les heures du jour et de la nuit. Baron ne rentrait que très peu souvent chez lui, et ce matin, alors que l’aube était encore loin de s’annoncer, Baron trouva la plus belle des jeunes filles allongée sur le perron de son entrée. La pauvre souffrait terriblement. Baron l’avait faite entrer immédiatement, et l’avait couchée dans son propre lit. Il fallut peu de temps à Baron pour diagnostiquer une intoxication.

La petite avait passé 20 ans, et ses yeux brillait d’un vert qu’on aurait cru venir d’ailleurs. Ses cheveux se collait à son cou dans une faible des étreinte. Alors que son front perlait, de la sueur des souffreteux, Baron fut frappé par la faiblesse des hommes. Il était triste et seul, et cette jeune femme était couchée dans son lit. Il tenait sa vie entre ses mains. Il aurait pu décider de la laisser partir à tout instant, de la laisser périr, mais sa gentillesse le pousserait à la sauver. Il repensa à toutes ces années de guérison ingrate, et il imagina comme il serait bien à soupirer dans le cou d’une si belle créature. Alors l’homme faible se déshabilla. Il fit prendre à la jeune fille ce qu’il fallait pour éviter l’empoisonnement, puis il se glissa à ses cotés. Mérédith, écrasée par le corps rugueux de Baron qui la pénétrait, souriait avec malveillance.

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