Le néo-macho

J'ai lu qu'on assiste en ce moment à une «résurgence» du féminisme. J'ai pas trop aimé le terme. Résurgence, ça sonne un peu vieux poil sous peau. Celui qu'on oublie. Qu'on jubile à faire éclore. Dans une coulée de sang. Une fois qu'il montre sa tête, on serait presque déçu. Il est tout fin. Faible. Puis on l'arrache. D'un coup sec. Parce qu'on a pas bataillé 20 minutes pour le laisser s'exprimer. Et ça, ça me fait pas trop penser au féminisme. Mais plutôt au jeune misogyne qui s'ignore. Le néo-macho.

Le moderne, le branché, le connecté, l'ingénieur, le consultant ou le freelance. Le provincial monté à Paris. Ou le hipster qui a garé son premier fixi à trois roues à Ménilmontant. Il faut ruser pour débusquer le néo-macho. Normalement, c'est celui qui a le plus, le féminisme à la bouche. D'ailleurs il te dit souvent qu'il a «pensé à toi» en voyant un reportage sur les suffragettes. «C'est important». «Mais Najat elle nous fait quoi avec sa théorie du genre là?». Il trouve que Simone Veil est une femme noble. Inna Shevchenko, une pute. Il kiffe le féminisme de mamie. Et Dieu sait qu'on l'aime mamie. Le droit de vote. Ouvrir un compte en banque sans l'accord de son mari. L'avortement. «Sans que ça devienne un mode de contraception». Ça mord. Il connaît très bien Virginie Despentes, Caroline Fourest («elle se l'est tapé la Femen ou pas?») et n'arrive pas encore à savoir si il est excité ou émasculé par Sheryl Sandberg (#2 de Facebook) et Marisa Meyer (#1 de Yahoo).

Il aime que sa meuf ait un poste à responsabilité mais ne voit pas l'impact direct sur le non remplissage de la machine à laver.  Il aime à dire que les filles se masturbent autant que les garçons. «Il faut arrêter de se mentir». Mais a la pupille qui vire lubrique si sa voisine lui confirme les yeux dans les yeux. Et lui ressortira «l'anecdote» à chaque prochaine rencontre. Il lit So Foot,  Lui et aime débattre sur les tweets de Sophie de Menthon. Quand sa meuf feuillette un article sur les petites filles excisées dans Madame Figaro, en se mettant du vernis Chanel, il la regarde d'un air attendri. «C'est mignon l'engagement.» Il fustige «ces hommes qui enferment des femmes sous des voiles / On dirait Batman» mais trouve irrespectueux de poser seins nus dans Notre-Dame. En vrai, il n'est pas sexiste le néo-macho. «D'ailleurs quel sexisme? On en parle du sexisme anti-hommes de certaines d'entre vous?». Non, c'est vrai. Il veut que la développeuse qui est arrivée en même temps que lui au bureau soit augmentée. Même si elle ne reste pas jusqu'à 21h comme lui tous les soirs. «Oui, ses enfants, je sais, je sais».

«Moi un homme qui s'arrête de travailler pour élever ses gosses je trouve ça louche». «Oh tu m'enlèveras pas de l'esprit que les femmes sont naturellement plus douces» .Ça s'emballe. «Valérie Trierweiler est une hystérique». «Les prostitués c'est dégueulasse». «Mais je suis pas contre une branlette à Pataya». «Tu crois que t'es belle quand t'es ivre?» Explosion de sébum. Mis à nu le mini-macho. A partir de là, l'espèce se divise. La première moitié virant à l'insulte totale. L'autre jouant le sourire. «Tu sais que ça m'excite les filles qui me résistent?» Puis on l'arrache. Ou on s'arrache. Parce qu'on a pas passé 20 minutes à batailler pour le laisser s'exprimer.