le temps a les mains froides

Le grondement du camion de vidanges sous la fenêtre me tire du sommeil. Et je me dis que les camions de vidanges ne devraient pas avoir le droit de passer avant la sonnerie du réveil. Et je me dis aussi que je vais continuer de dormir, faire semblant comme si de rien était et qu’ainsi, tu ne me toucheras pas. Ou tu me toucheras peut-être mais je n’aurai pas besoin de réagir. Je n’ai plus envie que tu me touches et je ne sais même pas pourquoi.

Tu ne dors pas, je le sais. Je le sens ton souffle dans mon dos, je les sens tes yeux verts qui me fixent. Et je cesse de faire semblant et je me retourne et je te regarde. Mais c’est trop tard, tu te lèves. Tu enfiles un t-shirt et tes bas, abandonnés la veille au pied du lit. Et j’entends la toilette et ta brosse à dent électrique et la porte du réfrigérateur et l’ordinateur qui s’allume et je referme les yeux. Je voudrais que tu sois là à mes côtés, comme chaque fois que ta place est vide.

Tu es assis devant ton clavier, hypnotisé par l’écran, immobile, silencieux. Tellement trop présent pour ton silence. D’ici on ne voit pas tes yeux ni ta toute petite bedaine. D’ici on ne voit que ta nuque. Ta nuque, c’est ce qui m’a séduite chez toi tu sais ? J’avais envie de passer le reste de ma vie à y glisser mes doigts pour les réchauffer.  Ta nuque c’est tout ce qui me donne encore envie de me lever et de ne plus penser. Et je me dis qu’au fond, c’est quand je pense à rien, que je pense à toi le mieux.