L'enveloppe bleue
loinducoeur
Cette journée grise m'a refroidi. J'ai passé des heures perdues à remuer des chiffres, à tourner des pages de tableur, à examiner des comptes qui ne m'ont pas donné grand chose. Un peu comme un film qui te laisse l'impression d'un déjà vu, et dont tu ne souhaites finalement pas connaître la fin. Un gout de rien t'envahit et ne veut plus te quitter, te colle au fond du canapé.
Et puis, au moment où je vide un classeur, elle me tombe sous les yeux. Je la reconnais aussitôt. Ce n'est pas tant qu'elle soit extraordinaire dans sa forme ou sa couleur, mais cette enveloppe bleue est d'un bleu qui ne s'oublie pas. Un bleu qui ferait bien d'entrer dans la pièce, dans ma tête, là tout de suite.
Bien sûr, je sais ce que je vais trouver à l'intérieur. Tes mots. Tes mots écrits il y a bien longtemps maintenant mais que je n'ai pu me résoudre à jeter. Je les relis encore ce soir. Il m'apparait que je ne les ai jamais compris tout à fait. Je souris quand tu te moques gentiment de moi, des histoires de boulot que je te raconte lors de nos déjeuners, bien trop courts, je suis d'accord. Je suis ému quand je devine ta prudence pour me dire comme tu apprécies ces moments volés au temps, aux autres. Je me sens faiblir en arrivant sur la fin de ta lettre, qui n'est pas une fin définitive, il me semble : "je te laisse ou plutôt je ne te laisse pas".
C'était clair pourtant ! Je me demande encore une fois, longtemps, bien trop longtemps après, comment j'ai fait pour refuser de comprendre cet appel. Comment ai-je fait pour ne pas y répondre tout simplement ? Je me souviens avoir tenté d'y lire autre chose, je suis convaincu de m'être senti perdu devant cette fausse hésitation.
Foutaises ! La trouille, oui ! Il m'a manqué ce courage, cette audace que tu aurais accueillis avec fougue et tendresse, j'en suis certain. Enfin, je crois. J'aimerais savoir alors qu'il est trop tard. Même ce soir, si tu me le disais. J'aimerais tout à coup te dire que moi aussi, je tremblais pour toi, je courrais vers toi à en perdre la respiration, à en perdre la vue. J'en avais mal dans le cœur, tu sais, quand tu quittais notre déjeuner. Vrai !
Pourquoi ne te l'ai-je point dit cet amour ?
Question inutile à présent. Ridicule mélancolie qui me laisse froissé. Cette enveloppe, je l'aime encore pourtant, pour ce qu'elle est un peu toi. Si loin mais si bleu aussi.
Touchante , cette lettre bleue qui resurgit...
· Il y a presque 9 ans ·anne-onyme
merci ! est-ce que cela existe encore ?
· Il y a presque 9 ans ·loinducoeur
Pour moi, oui mais il est vrai que bientôt la technologie aura tout avalé...et le mail a moins de charme à mon sens.
· Il y a presque 9 ans ·anne-onyme
touchant aveu. le manque de courage - et l'amour qu'on refusait de regarder. "je te laisse, ou plutôt je ne te laisse pas". les enveloppes qui vous tombent dans les mains sont faites pour être ouvertes., non ?
· Il y a plus de 9 ans ·ellis
très juste - faut-il les rouvrir plus tard ? fallait-il les garder pour être certain de s'en souvenir ?..
· Il y a plus de 9 ans ·loinducoeur
Ce qui est bleu après les profondeurs met parfois du temps pour remonter à la surface. Merci beaucoup.
· Il y a plus de 9 ans ·thib
merci à vous pour cette réflexion très inspirée... elle remonte à la surface sans qu'on lui demande ni qu'on l'attende...
· Il y a plus de 9 ans ·loinducoeur
Sublime, sensible et une magnifique fluidité. J'adore !
· Il y a plus de 9 ans ·ade
Merci Ade pour ces mots qui me touchent - ravi de découvrir les vôtres...
· Il y a plus de 9 ans ·loinducoeur
Merci à vous :)
· Il y a plus de 9 ans ·ade
Magnifique !
· Il y a plus de 9 ans ·carouille
merci !
· Il y a plus de 9 ans ·loinducoeur
Beaucoup de pudeur.... j'aime.
· Il y a plus de 9 ans ·effect
merci beaucoup ! :-)
· Il y a plus de 9 ans ·loinducoeur