Les masques - 3. Malek (1)

octobell

Dans un hurlement rageur, Malek se précipita vivement sur la porte qui se refermait sur elle. Elle secoua la poignée dans tous les sens, puis cogna contre la paroi en hurlant de toute la force de ses poumons. Elle ne ferait pas le plaisir à ces imbéciles trop lâches pour se montrer à visage découvert de se laisser emprisonner sans protester. Elle leur avait probablement déjà laissé des marques indélébiles lorsqu’ils l’avaient attrapée et traînée dans sa cellule.

« Laissez-moi sortir !! » Hurla-t-elle, ses poings heurtant douloureusement le bois de la porte. Mais elle ignora la douleur. Elle s’en fichait de la douleur. Elle ne voulait pas rester une seconde de plus dans cette maison de fous. La plaisanterie avait bien assez duré.

Interrompant ses cris dans une inspiration horrifiée, elle se figea brusquement dans son mouvement, le poing levé en l’air. Elle déglutit péniblement, avant de baisser les yeux sur ses chevilles, contre lesquelles elle avait senti une caresse douteuse. Un chat d’un noir d’encre était langoureusement en train de se frotter contre elle. Hérissée par cette apparition cauchemardesque, elle l’envoya valser d’un coup de pied, découvrant en même temps l’intérieur de sa cellule.

Elle se plaqua brusquement contre la porte, plus capable d’émettre le moindre son. Face à elle, le chat feulait, hostile, le poil hérissé, toutes griffes dehors. Cependant, ce ne fut pas lui qui attira l’attention de Malek. Ni son air menaçant, ni sa maigreur cadavérique. Ses yeux étaient levés sur la pièce dans laquelle elle avait été enfermée. Un palais des glaces du sol au plafond, qui donnait le tournis. Elle voyait son reflet terrifié sur le mur d’en face qui se découpait dans une mise en abyme vertigineuse. Le milieu de la pièce était découpé par une immense échelle qui partait d’un coin du plafond et se terminait dans le coin du sol opposé. Si elle voulait faire le moindre mouvement à l’intérieur de la pièce, elle était obligée de passer dessous. Et pour couronner le tout, le chat noir était en compagnie d’une multitude d’autres de ses congénères, tous dans la même position que le précédent. Tous… Prêts à l’attaquer.

Malek poussa un hurlement de terreur, et redoubla ses coups contre la porte, suppliant pour qu’on la laisse sortir d’ici. Les chats, qui semblaient n’avoir attendu que cet appel pour réagir, se jetèrent sur elle comme un seul homme. Elle chuta sous les assauts des fauves, son chapeau s’en allant rouler jusqu’au centre de la pièce. Elle s’extirpa avec peine de l’emprise de ces bêtes et se précipita sur son couvre-chef fétiche, ignorant le craquement du miroir sous ses pas, ainsi que l’échelle au-dessus d’elle. Sa peau était mordue, lacérée de toutes parts et ses vêtements étaient complètement déchirés.

« Monte sur l’échelle ! » S’écria soudain une voix au milieu de la pièce, ne laissant pas le temps à Malek de se répandre sur la douleur qui consumait son corps tout entier. Sans réfléchir, elle obéit et enjamba vivement le bas de l’échelle calée contre le mur. Elle escalada les barreaux aussi vite qu’elle le put et monta presque jusqu’au plafond, constatant avec soulagement qu’aucun des félins ne l’avait suivie. Ils avaient tenté de sauter pour la rejoindre en hauteur, mais leurs griffes ne s’accrochaient pas au métal des barreaux, et ils étaient trop faibles, trop affamés, pour réussir à grimper.

Triturant son chapeau entre ses doigts, Malek partit alors d’un rire hystérique. Son cœur tambourinait si fort contre sa cage thoracique qu’elle en avait presque des bleus à l’intérieur. Sa respiration était lourde, sifflante, et ses yeux encore brouillés de larmes. La douleur des morsures et des griffures des chats se réveilla doucement. Avec des mouvements lents, elle replaça son chapeau sur ses cheveux noirs, et leva les bras devant elle, avisant avec une grimace l’état de sa peau. Il n’y avait pas un centimètre carré qui avait été épargné, et elle s’estima heureuse qu’aucun de ces animaux démoniaques n’ait réussi à lui crever un œil.

En-dessous, les chats grondaient sourdement, et elle remonta encore d’un barreau, comme si augmenter la distance qui les séparait allait les faire taire.

De l’autre côté de l’écran, Ira se laissa lourdement tomber sur sa chaise. Il se frotta le visage avec les deux mains, brusquement fatigué. A côté de lui, Gemma faisait rapidement les cent pas, tremblante, terrorisée.

« C’est de la folie ! C’est de la pure folie ! » Larmoya-t-elle, mais Ira ne fit même pas semblant de l’écouter. « Qu’est-ce qu’ils nous veulent bon sang ? Ca vous amuse, c’est ça ? Hurla-t-elle en levant la tête en l’air.

- Qu’est-ce que tu fous ? Demanda Ira d’un ton las.

- Qu’est-ce que tu t’imagines, Ira, hein ? Répondit-elle, au bord de l’hystérie, elle aussi. Tu crois vraiment qu’on est les seuls à assister au spectacle ? A mon avis ils sont en train de nous regarder de la même manière qu’on regarde les autres mourir !

- Wow, wow ! » S’écria Ira en se levant vivement de la chaise. Il plaqua ses mains sur les épaules de Gemma pour la calmer, ancrant son regard dans le sien. « Personne n’est mort ! Et personne va mourir ! On va les retrouver, ok ? Faut juste qu’on trouve un moyen de réfléchir à tout ça… Et que les autres reviennent, bordel ! » Ajouta-t-il en tournant la tête vers le salon.

Briana se tenait toujours sur le pas qui séparait les deux pièces, figée sur le spectacle de la lutte entre la fille au chapeau et les chats. Ce ne fut que lorsque la porte claqua vivement derrière elle qu’elle sursauta, poussant un petit cri. Gemma et Ira sortirent en même temps de la salle du moniteur, s’attendant à voir Aiden revenir. Mais ça n’était que l’Endormi, en compagnie de la jeune femme au physique de top model.

« Alors ? Demanda néanmoins Gemma avec curiosité.

- Ce manoir est juste interminable, annonça la jeune femme, les sourcils froncés. Interminable et… Sans aucune porte de sortie. Tout ce qu’il y a, c’est des boyaux de couloirs, avec des multitudes de pièces ! Toutes sortes de pièces ! Et trouver Nat, c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Je suis désolée mais… Ca me semble tout à fait improbable.

- Quel optimisme, répondit Stan dans un rire sans joie.

- Du réalisme, je préfère… Répondit la top model en baissant les yeux sur lui. Stan ne lui répondit qu’en mimant un baiser à son intention, et elle tourna vivement la tête dans l’autre sens.

- En revanche, on a trouvé les douches, si ça tente quelqu’un… Précisa l’Endormi d’une voix vaporeuse, calme et à peine plus élevée qu’un murmure, qui forçait à se demander s’il n’était pas en train de se foutre d’eux. Ira eut une légère grimace d’incompréhension, et demanda :

- Et une pharmacie ? Vous auriez pas mis la main sur une pharmacie par hasard ?

L’Endormi leva un regard intrigué sur lui, et Ira se racla la gorge, presque gêné par l’insistance analytique de ce regard. C’était comme si le jeune homme avait prévu d’entrer à l’intérieur de son esprit.  Si la top model n’avait pas décidé de répondre à sa place, la colère d’Ira, déjà à la limite du débordement, aurait probablement explosé d’un coup.

- Pourquoi tu as besoin d’une pharmacie ? Quelqu’un a été blessé ?

- Non, » répondit Ira en s’engouffrant dans le sujet, pour évincer le trouble provoqué par l’Endormi. Il eut un léger mouvement de la tête en direction de la salle du moniteur. « C’est… Nat.

Intriguée, la top model se rendit dans la petite pièce, et retint un cri, les deux mains plaquées sur sa bouche, lorsqu’elle se rendit compte que Nat n’était plus le seul prisonnier.

- Et une pièce en miroirs, vous en avez pas vu une par hasard ? Demanda Briana avec un cynisme non dissimulé, que la jolie jeune femme ignora pourtant. Son regard passa par-dessus Briana pour parcourir les deux pièces.

- Où sont les autres ? Interrogea-t-elle, la voix tremblante. La question sonna comme un écho dans l’esprit d’Ira et Gemma. Ce fut le premier qui répondit :

- Notre David Hamilton est parti à la recherche de Briana après que Mike a été attrapé. Les autres, on les a toujours pas vus. Vous avez rien vu pendant votre petite promenade ? Des mecs déguisés pour Halloween, par exemple ?

- Tu veux dire comme celui qu’on a vu dans la cellule de Nat ?

- Comme ça, ouais, confirma sombrement Ira.

- Qu’est-ce qu’elle fait ? » Coupa tranquillement l’Endormi, qui ne s’intéressait pas le moins du monde à leur conversation. Il s’était avancé devant les écrans, qu’il observait avec attention, la tête penchée sur le côté. Tous reportèrent à leur tour leur attention sur les prisonniers. Sur la fille aux tatouages en particulier.

Elle tenait de nouveau son chapeau dans sa main, l’agitant nerveusement devant elle pour essayer de chasser l’un des chats qui avait réussi à monter sur quelques-uns des barreaux. L’échelle tremblait doucement sous l’agitation de Malek, et le miroir au sol se fissurait plus que jamais. Deux autres chats tentèrent d’imiter le premier, et l’un d’eux réussit à escalader le premier barreau.

« Eh, Catwoman ! Arrête de faire ça ! Ils sont trop faibles pour arriver jusqu’à toi ! Reste calme ! S’exclama la voix qui l’avait précédemment conseillé de grimper à l’échelle. Malek leva aussitôt un regard noir sur la caméra qu’elle avait repéré un peu plus tôt.

- Appelle-moi encore une fois Catwoman et je te jure que si je sors de là, même tes arrières petits-enfants s’en souviendront ! »

Le premier chat, le plus gros d’entre eux en plus, avait réussir à bondir sur le barreau supérieur. Il s’approchait inexorablement de Malek. Il l’atteindrait bientôt, et au fond d’elle, elle le savait : il réussirait à l’atteindre. Elle lui jeta son chapeau dessus, mais cela n’eut aucun autre effet que le faire cracher de colère.

« Fais ce qu’il te dit, bon sang ! Calme-toi ! » S’écria sèchement une autre voix, féminine cette fois. Malek fut tellement surprise qu’elle en fit un bond de côté. Seulement, sur le côté, il n’y avait rien d’autre que le vide. Son instinct  de survie lui hurla de tendre les bras pour s’accrocher aux barreaux de l’échelle, mais elle ne réussit pas à les atteindre. Elle poussa un cri, et s’écrasa lourdement sur le miroir qui se brisa en mille morceaux, les débris s’enfonçant dans sa peau. Les chats n’attendirent pas qu’elle se relève et se jetèrent immédiatement sur elle, tandis que ses hurlements redoublaient d’intensité, trouvant un écho dans ceux du groupe qui assistait au macabre spectacle.

Stan, dans le salon, Nat et Mike dans leurs cellules, s’époumonèrent à leur tour pour comprendre la cause de cette agitation. Les ordres clamés à l’intention de la fille au chapeau se mêlaient aux glapissements de terreur. Le manoir tout entier tremblait sous l’effroi provoqué par la mise à mort de la jeune femme, qui ne pouvait décemment pas résister aux assauts des chats affamés. En quelques courtes minutes, ses cris se transformèrent en gargouillis, qui laissèrent place au silence.

« Qu’est-ce qu’il se passe ? » Beugla Mike pour la milliardième fois, profitant du silence qui s’était également imposé parmi le groupe de l’autre côté de l’écran. Ils fixaient tous le corps inanimé de Malek, dont les chats se repaissaient avec gourmandise, ronronnant de plaisir. Seule Gemma fut assez réactive pour tourner la tête, et pleurer sur l’épaule de l’Endormi.

Stan, Nat et Mike attendaient tous les trois, l’oreille tendue, une éventuelle réponse de l’un d’entre eux. L’Endormi fut le premier à se réveiller de sa léthargie, et annonça la sentence d’une voix blanche :

« La fille aux tatouages est morte. »

  • Quelle angoisse et quelle imagination : se faire dévorer par des chats affamés! Celui qui fait ça est machiavélique et j'aimerai bien savoir pour quelle raison il le fait!

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Yoda 24 04 09 002 92

    yoda

  • Ahah merci à tous ! Que de compliments, ça fait trop plaisir !

    @Matt : tu m'fais rêver là xD
    @Rafi : ils vont tous être mis à l'épreuve mouahahah
    @Archange : les croquettes, la réponse à tout !
    @Christine : Tes idées ne sont pas en reste, va :D

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Logo bord liques petit 195

    octobell

  • ce premier meurtre est bien trouve, bouffee par des chats je n'avais jamais penser a ca. la peur monte encore d'un cran et j'adore ca bravo

    · Il y a plus de 10 ans ·
    521754 611151695579056 1514444333 n

    christinej

  • Il aurait fallu s'armer de croquettes. Superbe. T'es douée ! CDC

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Image

    Archange Flippé

  • Là ça ne ne rigole plus, c'est du lourd, la tension monte encore d'un cran !! 'Tain c'est vraiment fort ce que tu nous fais !
    Ca déchire ! (et c'est le cas de le dire ^^')

    J'ai hâte de savoir lequel d'entre eux tu vas mettre à rude épreuve et surtout de quelle peur vas-tu jouer ! :)

    · Il y a plus de 10 ans ·
    20130820 153607 20130820153847362 (2)

    rafistoleuse

  • Bon sang ! Là, officiellement, tu es la reine de l'horreur ! "le petit prince" était une mise en bouche car tu joues sur les peur et sur l'horreur ! CDC et prépare déjà le contrat avec une série noire ou équivalent !

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Avatar loup 54

    matt-anasazi

Signaler ce texte