Les masques - 4. Adam (2)
octobell
L’eau atteignait à présent le haut du torse d’Adam, et il ne faisait plus mine de maîtriser la situation. Il s’était de nouveau lancé contre la porte, tentant désespérément de trouver un moyen de l’ouvrir en hurlant de toutes ses forces.
« Ils sont trop longs ! S’écria Gemma, les larmes au bord des yeux. Je supporte plus de voir ça ! Quand est-ce que ça va s’arrêter ?
- Arrête de brailler, putain ! Répliqua Stan en criant un peu plus fort qu’elle. Tu nous casses les oreilles !
- Oh, la ferme, Stan, c’est toi qui nous casse les oreilles ! Renchérit Briana, sa voix montant d’un volume encore. Bientôt, tout le monde se mêla à la dispute, à l’exception d’Aiden qui s’écartait à reculons, les contemplant avec effroi. Ils réagissaient exactement comme les tortionnaires l’espéraient sûrement. Peut-être avaient-ils même tout fait depuis le départ pour les amener à cette situation, qui ne serait que la première d’une longue série. Combien de temps avant qu’ils s’entretuent ?
Sur les écrans, Nat et Mike étaient aux aguets, se demandant clairement ce qui était en train de se passer dans la salle des moniteurs. Mike poussa un hurlement de rage, tentant pour la énième fois de s’échapper de son carcan. Cette situation commençait à le rendre fou. Cette cécité, cet immobilisme, c’était pire encore que tout ce qu’il avait pu imaginer.
Ira s’écarta soudainement du groupe, son regard bleu balayant alternativement chacun des trois écrans occupés, puis la bagarre qui se déroulait juste en face de lui. Ses jambes vacillèrent sous lui, tandis que sa tête tournait et que ses reins le torturaient, et il s’accrocha juste à temps au mur pour ne pas s’écrouler. Marpier et l’Endormi mettaient définitivement trop de temps ! Il plaqua violemment ses deux paumes sur son front, plié en deux, se forçant à dépasser les obstacles, les pulsions, les tremblements, la colère, les cris, pour réfléchir. Mais ils l’avaient bien eu, lui aussi : réfléchir, il n’en était plus capable. L’apparition soudaine de Marpier à l’écran numéro cinq, attachée sur une chaise et menottée au cadavre de Malek acheva d’avoir raison de lui. Son regard hébété s’attarda une seconde sur le troisième écran, constatant que personne n’avait remarqué qu’il avait été vidé de son occupante.
Sans que personne ne remarque quoi que ce soit, il disparut du salon, s’aventurant aussi vite que ses jambes pouvaient l’emmener dans les couloirs labyrinthiques de cet étrange manoir. Suivant les trop brèves indications de Marpier, il s’engouffra dans les sous-sols situés sous la partie gauche des grands escaliers. Là-bas, tout n’était qu’un enchevêtrement de boyaux, de couloirs qui se croisaient, de quoi faire perdre le nord à une boussole.
« NARCO ! » Hurla-t-il en plaçant ses mains en porte-voix, et s’avançant au hasard des couloirs. Il comprenait aisément pourquoi Marpier n’avait pas tenté de leur indiquer le chemin tout à l’heure. Se perdre dans des explications aurait garanti la noyade à Adam. Les chaussures d’Ira glissaient sur le sol lisse des couloirs, leur grincement se répercutant en échos lugubres contre les murs glacials.
« NAAARCOOOO ! » Répéta-t-il à s’en exploser les poumons. Un faible gémissement lui répondit quelque part en arrière, et Ira, se retournant un peu trop vivement, s’étala par terre de tout son long, ses mains rencontrant la surface humide du sol. Ses pieds patinèrent dans le vide, avant qu’il ne réussisse à prendre un nouveau départ, et il trouva l’Endormi dans un couloir perpendiculaire. Il s’accroupit face à lui, le saisissant par les épaules pour le secouer, mais le jeune homme émit tout juste un autre gémissement.
« Putain tu les cherches, Narco… » Grommela Ira en secouant sa main droite, comme pour s’échauffer, avant de le gifler vivement, le réveillant dans un sursaut, ses prunelles vertes s’accrochant immédiatement au regard bleu d’Ira. Il lui adressa un sourire vaporeux, mais l’irlandais ne lui laissa pas le temps de s’extasier de sa présence. Il lui ordonna de se lever, l’aidant dans son mouvement en l’attrapant par le col.
« Je me… Bredouilla l’Endormi, qu’Ira voyait tout prêt à s’effondrer à nouveau.
- Reste avec moi, putain ! » S’écria-t-il en passant son bras sur son épaule, puis avança avec ce poids mort jusqu’au couloir qu’il venait de quitter, faisant gicler l’eau sous ses pieds. Il lâcha l’Endormi, qui alla rechercher le réconfort auprès du mur le plus proche pour s’empêcher de s’écrouler. Ira ouvrit toutes les portes qui se trouvaient sous sa main, ne cherchant même pas à jeter un coup d’œil à l’intérieur des pièces. Jusqu’à ce qu’il rencontre celle qui lui résista. Il remarqua rapidement l’eau qui s’écoulait en léger filets tranquilles le long des interstices, ne reflétant aucunement l’agitation qu’il y avait à l’intérieur. Ses yeux accrochèrent alors naturellement la clé qui était bêtement restée dans la serrure, et il s’octroya une seconde pour crier silencieusement victoire, en levant la tête vers le plafond.
Il tourna la clé dans la serrure et eut à peine le temps d’ouvrir la porte que la pression de l’eau contenue dans la cellule le propulsa littéralement contre le mur d’en face, où il se cogna violemment. L’eau se répandit puissamment dans le couloir, abandonnant derrière elle le corps gisant d’Adam, qui atterrit non loin d’Ira. La froideur de l’eau électrisa l’Endormi. Il remarqua les deux corps inconscients de l’autre côté du couloir. Il se laissa tomber à genoux entre les deux, hésitant une seconde, avant de retourner Adam, qui gisait face contre terre.
Etait-il mort ?
Ne sachant que faire, l’Endormi jeta un coup d’œil sur Ira, espérant que celui-ci se réveille pour lui prodiguer quelques conseils. Mais il ne se réveillait pas. L’Endormi devrait se débrouiller tout seul. Il agita nerveusement les doigts au-dessus d’Adam, marque de son hésitation. Puis après avoir essuyé son menton sanguinolent d’un coup de manche, il croisa ses mains, essayant de se souvenir de ce qu’il avait pu voir dans des films, tout en sachant pertinemment que les films n’étaient en aucun cas un reflet de la réalité. Mais c’était la seule référence dont il disposait. Expirant un grand coup, il porta ses mains jointes sur le torse du garçon à bouclettes, au niveau du cœur, et appuya de toutes ses forces une dizaine de fois. Il lui pinça le nez et amena ses lèvres à sa bouche pour lui insuffler l’air qu’il lui manquait. Il réitéra l’opération avec patience, jusqu’à ce que dans une convulsion puissante, Adam recrache toute l’eau que ses poumons avaient emmagasinée, se tournant sur le côté pour vomir. Il toussa à s’en fissurer les côtes, incapable pendant plusieurs secondes de reprendre son souffle. Puis il resta dans cette position jusqu’à ce que les étoiles qui dansaient devant ses yeux s’évaporent progressivement. Là, seulement, il se tourna dans l’autre sens, découvrant l’Endormi, à genoux, en train de l’observer avec attention, la tête penchée sur le côté, un filet de sang coulant paresseusement de son nez jusqu’à ses lèvres.
« Tu m’as… Tu… Tu m’as sauvé la vie ?
- Je ne sais pas. Je t’ai fait du bouche-à-bouche… » Répondit l’Endormi avec une touchante naïveté. Adam resta abasourdi un instant, puis partit d’un éclat de rire tonitruant, levant les bras en l’air avant de serrer le jeune homme dans ses bras de toutes ses forces, ignorant les légers craquements sous ses muscles robustes. L’Endormi essaya de l’écarter, n’appréciant pas beaucoup le contact, mais sa tentative avait le même effet que si une mouche s’était posée sur l’épaule du garçon. Heureusement, dans son mouvement, Adam aperçut Ira derrière l’Endormi, et il le relâcha aussitôt pour se pencher sur lui.
« J’crois qu’il a pris un sérieux coup l’poto ! S’exclama-t-il. Allez, debout l’Endormi ! Faut qu’on l’ramène ! » Ajouta-t-il en enroulant le bras d’Ira autour de son épaule. Ira secoua imperceptiblement la tête à ce moment-là, et Adam le relâcha, se penchant vers lui pour lui tapoter le visage et l’inciter à se réveiller. Il l’était bel et bien lorsqu’il empoigna sèchement le poignet d’Adam, l’arrêtant d’un coup dans ses mouvements, et ouvrant sur lui un regard glacial.
« Encore un mouvement de ce genre et je te fous mon poing dans la gueule.
Loin de s’offusquer, le garçon à bouclettes accueillit la remarque d’une exclamation triomphale.
- Oh la vache, j’ai jamais été aussi content d’te voir, mon p’tit pote à la compote ! Ca va la tête, pas trop mal ? »
Ira grommela une réponse incompréhensible et se redressa en s’aidant du mur, vacillant dangereusement, puis porta la main à sa tête douloureuse.
« N’empêche t’es un sacré menteur ! S’exclama Adam.
- Pourquoi ? Marmonna Ira, traversant dans un pas titubant la largeur du couloir, pour aller s’appuyer sur l’encadrement de la porte de la cellule.
- T’avais dit que tu viendrais pas m’chercher !
Ira tourna lentement la tête en direction d’Adam, ses lèvres s’en allant esquisser un faible sourire goguenard.
- C’est pas pour toi que j’ai fait ça… » Avoua-t-il avant de pénétrer dans la pièce et l’observer du sol au plafond. Il entendit les hurlements de joie du reste du groupe qui le voyaient depuis l’écran de la salle du moniteur. Malgré la présence de Marpier sur l’écran d’à côté, ils se sentaient enfin victorieux. C’était la première fois qu’ils avaient une raison concrète de croire qu’ils n’étaient pas tous condamnés. Ira leva les yeux sur eux, les observant sombrement pendant un long moment, et le silence s’imposa dans la salle des moniteurs.
Il eut alors un large sourire narquois, et il tendit le bras vers la caméra, levant son majeur dans un signe provocateur. Ca n’était pas au groupe, qu’il s’adressait, mais à ceux qui les regardait, là-bas, au-delà.
Ses lèvres frémirent en un imperceptible sourire amusé.
Je vois pas pourquoi tu dis ça :D
· Il y a plus de 11 ans ·Bon je vais repousser les limites de patience alors, j'ai pas le choix ^^
rafistoleuse
C'toi qui dis ça ? C'est l'hosto qui se fout de la charité hein :D. En plus, avec la reprise, ça risque d'être un peu long ^^
· Il y a plus de 11 ans ·octobell
Et ben qu'est-ce qui spasme ? Ma patience a des limites :D
· Il y a plus de 11 ans ·rafistoleuse
Bon je m'arme de patience pour la suite alors... Mais ça va être dur ;)
· Il y a plus de 11 ans ·Marie Cornaline
Ah ben un soupçon de bonne nouvelle, ça nous détend deux secondes :D Mais je suis comme Christine, je me méfie de ton art du sadisme =)
· Il y a plus de 11 ans ·Je suis scotchée aux écrans (ah oui ... j'en ai qu'un ?! Un instant je me serais crue ...enfin.. ^^)
La suite !! S'il vous plaît madame ! Une petite suite ...
rafistoleuse
moi je me mefie, c'est vrai c'est souvent après une victoire que ca fait le plus mal. c'est un tres bon episode qui donne un souffle. j'adore et comme d'hab j'attends la suite
· Il y a plus de 11 ans ·christinej
Tu l'as mis 2 fois! Je croyais que c'était une autre suite!
· Il y a plus de 11 ans ·yoda
Enfin, un de sauvé! Mais jusqu'à la prochaine fois??? Au lieu de s'engueler, tous devraient plutôt réfléchir à leur situation et ne pas se précipiter tête baissée vers là où ceux qui manigancent tout veulent qu'ils aillent... vivement la suite, c'est un régal de te lire, tu tiens en haleine! CDC
· Il y a plus de 11 ans ·yoda
Merci de nous laisser accrochés au bord du vide de l'attente avec un épisode comme celui-là ! De quoi se réjouir et de quoi se stresser aussi ! Équilibre parfait ! Je ne reviendrai pas la qualité d'écriture. A bientôt pour retrouver nos masques préférés !
· Il y a plus de 11 ans ·matt-anasazi