Les mélomanes.

Hervé Lénervé

Trêve de pusillinimité ! Non, de pusillunimuté ! Non, de pulloversité ! Non plus, c’est con, hier j’y arrivais. Peu importe, sans timidité, je vais vous parler de la passion qui me réunit entre amis.

Nous nous réunissons une fois par semaine pour une soirée à thème alcoolisé, pour parler musique.

Charles-Edouard – Tiens ! Pour plaisanter, la musique de chambre m'endort.

Moi-Même – Moi, c'est l'inverse, elle m'excite ! Elle me donne envie de baiser !

Marcel-Maurice – Tu te retiens, j'espère ?

Moi-Même – Non ! Je saute sur la contrebasse pour la sauter.

Charles-Edouard – la contrebassiste, veux-tu dire ?

Moi-Même – Non, l'instrument, car l'instrumentiste ne veut pas. Veux-je dire.

Pierrot-Paulo – Tu pourrais quand même trouver une femme, non ?

Moi-Même – Pourquoi, tu en connaîtrais une qui voudrait bien avec moi ?

Pierrot-Paulo – Heu… non ! Faut pas rêver, non plus ! Essaie le piano à queue, peut-être, pour changer ?

Moi-Même – Impossible, il m'a claqué le couvercle sur le sexe, la contrebasse est moins polémique quand tu lui coupes ses cordes vocales.

Marcel-Maurice– Allez on avance, les poteaux ! Mercredi, je suis allé… pardon… j'ai été, plutôt, écouter la Traviata de Guiseppépé Verdun. La cantatriste et le contrateur avaient des voix sublimes, mais ils devraient travailler leurs dictions, car je n'ai rien compris, pas un  seul mot.

Charles- Edouard – Le livret est en italien.

Marcel-Maurice – Et la postsynchronisation, c'est fait pour les sourds ? Je ne vais pas apprendre l'italien pour une fois que je vais à l'Opéra-Bastille, terminus Ballard.

Moi-Même – J'essaie toujours d'applaudir chaudement les chanteurs, car c'est un job difficile et éreintant, à chaque reprise de souffle de la cantatrice, j'applaudis des deux mains et je crie « UNE AUTRE ! UNE AUTRE ! »

Charles- Edouard – Il ne faut pas applaudir pendant une pièce, cela les déconcentre.

Moi-même – Ils n'ont qu'à arrêter de s'arrêter tout le temps, moi sur mes disques de variété quand il a une pause, un silence aussi long, c'est pour changer de morceaux, de décors et parfois même de chanteurs dans mes compilations des best of de chansons à boire.

Vous voyez, nous, les mélomanes, nous vivons notre passion à fond la caisse-claire, nous tremblons sur des airs de ne pas y toucher, nous nous émouvons sur des contre-chants de pommes de terre, nous frissonnons au moindre légato décaféiné. La musique c'est notre vie ! C'est pour elle que nous vivons !

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