Les Terrasses voisines

Tu avais l'oeil sur l'objectif,

comme au temps de la décennie, 

où s'échangeaient au photographe, 

des rouleaux de souvenirs imprimés en négatif, 

que l'on mettait au soleil, pour en connaître le secret. 

Et j'y voyais le tram orange disperser les pigeons, 

couper dans le pavé des avenues longues, 

où se buvait à chaque instant, 

un café venu des cieux, 

à l'ombre des arcades d'architecture baroque, 

qu'un Mcdo bourré de jeunes,

le caleçon en évidence,

les cheveux collants de gel 

et le vêtement à même la peau,

qu'un Mcdo qui sent la frite, rappelait à notre siècle. 

Nous débarquions dans les villes, 

le coeur léger de découvrir, 

des dialectes nouveaux sur les langues déliées, 

les nuances italiennes aux arômes du Piémont, 

et Turin sous le soleil, grillait sous ses remparts, 

les Alpes à l'Ouest, la collina à l'opposé. 

Nous cherchions de la fraîcheur, 

sur les berges du fleuve, 

baignées la nuit venue, 

de lumières changeantes, 

d'odeurs bienvenues, échappées dans le ciel, 

fuyant les fours à bois qui brûlaient à petits feux. 

Alors, nous imitions la bourgeoisie turinoise établie aux terrasses voisines, 

sa précaution et sa retenue, 

son chemin triste aux abords de la vie et ses rires un peu surfaits, 

les conventions, la bienséance et le théâtre sociétal, 

le mouvement des mouchoirs entre deux bouchées mal avalées,

et puis le creux des mots comme un écho du vide qu'on essaye d'étouffer.

Alors nous repartions,

avides d'inconnu et d'histoires nouvelles, 

comme le soupire à peine audible des vents voyageurs.