Lettre d’Élise
Marion Danan
Cher Nicolas,
Ces quelques mots pour apaiser ta conscience qui, j'en suis sure, doit te tourmenter dans les derniers instants avant le sommeil.
Avant toute chose, je dois t'avouer que ta proposition d'un week-end romantique m'avait rassuré. Enfin tu prenais les devants ! Enfin je pourrais me laisser aller à être une femme fragile dans les bras d'un homme, dans TES bras. Je ne serais pas obligée d'être celle que je suis à mes dépends : parfaite.
Ne crois pas que je me vante c'est une souffrance. Mon intelligence est mon fardeau, ma beauté mon pire allié. Depuis mon plus jeune âge , j'ai toujours été la plus jolie de la photo, la meilleure élève de l'école, celle qui avais les meilleurs résultats sportifs, celle qui faisait les meilleurs gâteaux, qui chantait le mieux. Où que j'aille et quoi que je fasse, j'ai toujours été la meilleure ; et crois moi je n'ai pas l'esprit de compétition.
Plus tard, j'ai fait le choix de travailler avec des étudiants en province pour échapper à cette stupide inteligencia très parisienne, je voulais enseigner à des anonymes en restant simple. Mais Paris est une ville si belle, tellement riche que je n'ai pu me résoudre à la quitter, ce qui m'impose , comme tu le sais, un rythme de vie effréné. Saches pour ton information que cela m'oblige à faire des choix rapides pour ce qui est de l'utilisation de mon temps libre.
Par ailleurs, je passe des heures dans la salle de bain, à me cacher sous une tonne de poudre de toutes les couleurs pour avoir la vague impression d'être une autre en partant de chez moi. Tu connais le pouvoir du masque en psychologie … Ce masque me donne l'illusion d'une vie simple et banale. En réalité, je croule sous le poids des espoirs que les gens mettent en moi, les projections de leurs médiocrité m'épuisent.
Je rêve de trouver un homme que je n'impressionne pas, pour ne pas le briser, pour ne pas anéantir sa virilité s'il ne se sent pas à la hauteur… Combien ai-je castré sans le savoir ? Combien n'ont même pas essayer de me séduire, vaincu avant même de s'être lancé dans la bataille ??
Et puis cette soirée…me voir dans tes yeux la 1ere fois m'a bouleversée. Tu ne m'a pas mis comme tous les autres sur un piédestal. Tu ne m'as pas écouté au début de notre conversation parce que je t'intéressais mais pour servir ton propos. De fait, tu t'écoutais toi, ravi de parader devant un public d'Enarques et autres têtes presque pensantes issues d'écoles plus ou moins prestigieuses. À mesure que tu t'imbibais, je devenais quelconque et insignifiante. Grâce à toi, et à ton narcissisme, ce soir-là je suis devenue transparente. Pour la 1ere fois. Quelle joie de devoir tenter de séduire et que les choses ne me soient pas acquises!!! J'ai adoré ressentir ce frisson, me confrontais à l'inconnu et devoir faire mes preuves….quelle douce perspective .
Mais lors de notre 1er rendez-vous, après quelques minutes de discussion j'ai aperçu cette lueur dans tes yeux… celle qu'il y a chez tous les autres. Tu venez à la fois de me remettre sur mon sinistre piédestal et de te dévaloriser, à croire que tu t'aimes plus après quelques verres. J'étais dans cet amer constat, cette triste réflexion qui m'empêchait de choisir ce que j'allais commander, quand j'ai senti que mon indécision t'agaçait. Victoire… je redevenais imparfaite ! Je me suis engouffrais dans la brèche! Tout est devenu prétexte à discussion et hésitation : film d'auteur ou Docu ? entrée ou dessert ? Bach ou Bill Evans ?
Hélas ça n'a pas suffit à te viriliser… Pourtant, nombreuses ont été les occasions que tu as eu de me renverser sur le lit et de me prendre avec fougue, de passer ta main sous ma jupe au cinéma, de me baiser sur le plan de travail de la cuisine… mais non, à tes yeux, les saintes ne sont pas des putains et tu as réfrénais toutes tes pulsions, attendant sagement que je m'offre à toi de mon propre chef, que je te donne l'autorisation d'être enfin le mâle dominant. Ne voit aucune vulgarité dans mes propos, mais surtout une immense frustration.
Ce sordide quiproquo nous a conduit à la situation que tu connais… Toi m'abandonnant dans une maison isolée au milieu de nulle part un vendredi soir.
Ces quelques mots pour apaiser ta conscience, disais-je pour débuter cette lettre, car je ne voudrais pas que tu t'imagines que cela m'a fait souffrir! C'est, au contraire, un grand service que tu m'as rendu !
En effet, provoqué la fuite de mon (futur)amant était une première ! Cela m'a fait tellement rire, t'imaginer mesquinement sauter dans ta voiture, phares éteints ricanant de ta pathétique mise en scène, que j'ai à peine entendu, 1h plus tard, ton ami Philippe monter les escaliers.
Philippe, dont ta missive a manifestement attisé la curiosité , s'est senti l'âme du preux chevalier venant libérer la princesse prisonnière dans la foret.
Je ne te gâche pas la surprise plus longtemps, la profusion de détails avec lesquels tu m'as décrit ont permis à Philippe de prendre toute la (bonne) mesure de qui j'étais…ainsi une bouteille d'un sublime Aloxe Corton plus tard … j'étais enfin cette femme vulnérable et soumise et nous nous entremêlions dans un érotisme aussi suave que la voix d'Ella, bercés par la trompette de Louis Amstrong.
Merci donc de m'avoir imposé ce recul sur notre relation. ..Philippe m'a proposé de m'installer chez lui, plus près de la gare, inutile de préciser que je n'ai pas hésité!
Je dois te laisser, j'ai les petits pois sur le feu…
Élise
Un texte mené avec brio, et quelle fin, jubilatoire !!
· Il y a presque 11 ans ·marielesmots
Merci Marie!
· Il y a presque 11 ans ·Marion Danan
Ahah horrible cette fin! On ne s'y attend pas du tout mais c'est très bien pensé! J'aime beaucoup.
· Il y a presque 11 ans ·Oui quelques fautes, dommage mais on en fait tous sous le coup de la précipitation. Quelques phrases trop longues (je suis aussi une spécialiste des virgules et points virgules qui n'en finissent pas!) et des ponctuations légèrement trop présentes, mais ce n'est que mon avis personnel.
Bravo en tout cas pour avoir repris le personnage ;)
mlovesw
Je prend note pour la longueur des phrases mais j'avoue aimer ca.... et je me déculpabilise en ponctuant à tort (et à travers!) Merci M d'avoir pris le temps de me laisser un mot, je ferais attention la prochaine fois que je virgulerai un phrase! :)
· Il y a presque 11 ans ·Marion Danan
Ahah horrible cette fin! On ne s'y attend pas du tout mais c'est très bien pensé! J'aime beaucoup.
· Il y a presque 11 ans ·Oui quelques fautes, dommage mais on en fait tous sous le coup de la précipitation. Quelques phrases trop longues (je suis aussi une spécialiste des virgules et points virgules qui n'en finissent pas!) et des ponctuations légèrement trop présentes, mais ce n'est que mon avis personnel.
Bravo en tout cas pour avoir repris le personnage ;)
mlovesw
Vitesse et précipitation... aie aie aie Comme Jean Soluc me le signale, le texte est bourré de fautes ...pourtant pas mon genre et encore moins celui d'Élise.
· Il y a presque 11 ans ·Le texte étant certifié je ne peux le corriger... donc TOUTES MES EXCUSES, je déteste rien de plus que de maltraiter le français!!
Marion Danan
Mes petites remarques étaient en coulisses, tu les évoques en place publique ! Bravo pour ton courage.
· Il y a presque 11 ans ·Par ailleurs, j'apprends qu'un texte "certifié" est inamovible : de quoi réfléchir à 2 fois avant de dépenser ses sous.
Elise est donc une fille parfaite qui fait des fautes d'orthographe. Son prochain stage de remise à niveau fera-t-il l'objet d'une nouvelle ? ;-) Tombera-t-elle dans les bras du formateur ? Je le souhaite à mon collègue.
jean-soluc
Impeccable, sauf deux étranges petites coquilles indignes de cette jolie plume :"Tu venez à la fois de ", "Je me suis engouffrais". Au plaisir de te lire.
· Il y a presque 11 ans ·Giorgio Buitoni
Je viens de faire mon mea culpa! Il y en bien plus... mais promis ca n'est que précipitation!
· Il y a presque 11 ans ·Marion Danan
Et oui !!! bien vu. Bien écrit, superbe
· Il y a presque 11 ans ·Isabelle Leseigneur
Merci Isabelle!
· Il y a presque 11 ans ·Marion Danan
Ouch... !!
· Il y a presque 11 ans ·Alors celle-là, je l'avais pas vu venir !!!
C'est tout simplement horrible (mais j'adore !).
J'en étais presque tombé doucement amoureux de cette Elise si parfaite, si délicate et totalement névrosée et obsessionnelle que je me prends la chute en pleine figure et suis pris d'un élan de solidarité masculine avec Nicolas dont je ne me soupçonnais pas capable.
Talleyrand disait : "Une femme peut excuser un homme qui brusque l'occasion, mais jamais celui qui la manque !"
En voilà une démonstration parfaite avec une lettre très bien tournée.
wen
Oh!! Wen!!!! Merci beaucoup!!!
· Il y a presque 11 ans ·Je ne connaissais pas cette genialissime remarque de Talleyrand.... elle est le parfait résumé de cette lettre... et sans doute l'explication de beaucoup de blessures féminines...
Pour ce qui est de votre solidarité avec Nicolas, je crois que si vous avez quelques similitudes avec votre "avatar", cette chère Élise aurait sans doute fait "tac tac badaboum" bien avant de se faire abandonner dans la foret!
Marion Danan
Par rapport à mon avatar, c'est bien le problème !
· Il y a presque 11 ans ·Avec les femmes, il faut savoir quand être Bob Saint-Clar et quand être François Merlin...
Or pour un homme, c'est une équation insoluble alors que les femmes savent parfaitement quand être Christine ou Tatiana... (cf. le film Le Magnifique)
wen
Hum je viens de lire certain de vo stextes (non je vais pas corriger cette erreur de frappe fort à propos), je confirme qu'Elise n'aurait pas hésité longtemps...
· Il y a presque 11 ans ·En ce qui me concerne, il faut que je revois le Magnifique...
Marion Danan
:-)
· Il y a presque 11 ans ·wen