L'île Madame.(2)
effect
Sur l'île Madame il est inutile de vouloir passer une après-midi à la plage sous un parasol, parce qu'il n'y en a pas: une infrastructure touristique y serait fermée à l'année pour manque de sable et de soleil, et le maître nageur au bistrot pour manque de gonzesses et d'huile de palme parfumée. L'île est caillouteuse, peu famille et pas très sexy, principalement fréquentée par un milieu d'hommes et de femmes esseulés, équipés d'une foëne pour la pêche à pied, ou d'un burin et d'un marteau pour la récolte des huîtres. Île fréquentée par des vrais gens de mer, des gens couillus.
Sur le petit parking du fond et qui fait office de terminal terrestre, deux hommes rentraient de leur pêche. Deux hommes sur qui la houle avait plus échouée sur leurs visages que sur des portraits de magazines people, tant ils semblaient avoir plus été cramés par de la fleur de sel que mélangés à de l'eau précieuse. Le premier était fort bâti et fort gouailleur, tandis que le second faisait timide et tout aussi épais que sa réserve.
Nous finissions de ranger nos bottes dans le coffre quand Betty s'exclama sur le plus costaud:
- Oh la vache ! Vous avez quoi vous dans votre sac ? Des huitres ? Y en a pour une cantine scolaire !
- Pfff... un congre de 2 mètres et d'au moins 8 kilos !
- Un congre ?
- Une grosse anguille sous roche !
- On peut voir ?
L'homme jeta au sol sa besace et son pic de son épaule (un gros sac de jute à pommes de terre et un trident aux pointes bien plus fourchues qu'une chevelure de Desireless dans 'Voyage, voyage'). Le bestiau remuait encore, le sac avançait de lui-même en zigzaguant jusqu'à ce qu'une tête finisse par en sortir à nos pieds. La bête avait autant de dents que tous les peignes alignés d'un salon de coiffure en hommage à Jean- louis David.
- Hou là là, MAMAN ! (Betty appelle toujours sa mère quand elle a peur, même quand elle est pas là.)
L'homme Poséidon se retourna sur son acolyte Stratagème:
- Vas-y, fous-lui un coup sur la tronche qu'on en finisse ! Y a une masse dans le C15 !
Le petit homme ouvrit la porte arrière du véhicule et s'exécuta. Il y avait dans sa frappe, autant d'incertitude sur la vie qu'une quantité aléatoire de pétales de bintje dans un paquet de chips: le poids de l'outil l'emporta sur celui du volume d'air expulsé. L'impact fut tout aussi bruyant qu'une compression des 2 mains sur un sachet de Vico nature.
Avec Betty on se touchait nos visages, on vérifiait si nos mâchoires étaient encore en place. L'anguille, elle, pour de vrai, ne bougeait plus.
...
Je connais l'île Madame. Une île que si tu gares ta voiture sur le chemin qui la relie à la terre, tu la retrouves de l'eau jusqu'au levier de vitesse. Je suis une inconditionnelle de ton écriture. Tes descriptions me ravissent, tes histoires m'enchantent. Bref, je te kiffe !
· Il y a plus de 4 ans ·lyselotte
Kiffe kiffe :) Merci Clotilde.
· Il y a plus de 4 ans ·effect
Si le plancton prend son pied dans la prêle...ça va être salé!
· Il y a plus de 5 ans ·flodeau
Si l'on devait décerner un prix de l'originalité, c'est à toi qu'il reviendrait sans problème :)
· Il y a plus de 5 ans ·marielesmots
Oui, si l'on devait :)
· Il y a plus de 4 ans ·effect
Voilà donc un second chapitre du meilleur de nos écrivain ! J'ai adoré la description des deux rustauds ça fait mal… et un peu peur. L'apogée de l'angoisse est le coup de grâce au congre…Merci
· Il y a plus de 5 ans ·nyckie-alause
Merci à toi de tes encouragements !
· Il y a plus de 4 ans ·effect
Attention, Betty,ça mord bien ces p'tites bêtes là ! Et pour les pêcher, c'est "coton", j'en ai été témoin !... "Témouine", aurait dit Betty !
· Il y a plus de 5 ans ·Louve
Je lui transmet.
· Il y a plus de 5 ans ·effect