L’ILOT VOYAGEUR

Emilie Musseau

L’amour c’est le pôle central de nos vies. Qui n’a pas rêvé de vivre une histoire exemplaire et de rencontrer la femme ou l’homme de sa vie aussi promptement que possible.

Le temps qui s’échelonne s’égrenant bien trop rapidement, le désir se ressent immédiatement. On veut tout, de suite. L’attente pourtant fait figure d’épreuves latentes et elle est indulgente. 

Le prince charmant même s’il n’est pas trop élégant sur son cheval blanc ou la princesse si elle ne fait rien dans la délicatesse sont des exemples pas très plaisant je l’admets mais aujourd’hui les comportements changent. Est-ce pour cela que parfois je ne me méfie pas ?

 Je ne sais pas mais je suis sensé tout contrôler et des choses pourtant m’échappe et ce malgré moi. Mes exploits ne sont bien  souvent pas une réussite. Enfin je devrais dire ma fonction  est ardue et  je dérape.   Pourtant j’ai de l’ambition mais rien n’est simple et ne se passe comme  prévu.  Selon mes supérieurs je suis un cas à surveiller moi je dirais plutôt que je suis un cas désespéré. Qu’à cela ne tienne je persévère et j’accélère. J’ai une nouvelle mission et je compte bien leur montrer la leçon de mon changement et de ma nouvelle résolution. Vous allez voir la réussite est au bout du couloir ! Enfin je dirais plutôt au bout du pont, celle de la Vallée car c’est le lieu que j’ai choisi aujourd’hui. Il y’a un brin de romantisme ici, là où coule la Sèvre nantaise, ici je suis tout à mon aise.  J’arrête mon monologue de poésie à trois sous car je devrais être chez les zoulous. Alors quels vont être mes victimes aujourd’hui ?

Je vais jouer au jeu du hasard. Une bienheureuse proie dans le désespoir le plus total  cela ne devrait pas être dur à trouver ! Il faut que j’aie  en tout cas mon quota !

Le temps est gris mais tant pis ! Ces nuages emplissent le ciel lourd qui est chargé d’électricité. Subitement, patatras ! Il arriva ce qu’il arriva ! Une chose à laquelle je ne m’y attendais pas ! J’ai échoué sous cette grande arche à l’allure de patriarche,  classée monument historique avec un coin ecclésiastique. Un coup de paratonnerre du tonnerre !

Je suis alors tombé dans les méandres de l’oubli.

 

J’ai choisi ce pont ce n’est pas celui d’Avignon mais bon, juste celui de Clisson. Je me souviens de nos dernières vacances et ce petit arrêt que nous avions fait. Cette folie qui nous avait pris, dansé tout en rond comme  dans  la fameuse chanson. Des vrais gosses ! En y repensant ce fut bien le seul et unique voyage que nous avons fait tous les deux. Moi et mes rêves d’évasion c’est un programme foutu à l’eau. Et c’est bien le cas de le dire ! Car je vais m’y jeté. C’est décidé mon choix est fixé, ce sera celui de la Vallée. Ce n’est  pas une mauvaise idée pour  une fille désespérée puis c’est toute en poésie moi qui aime la verdure et l’aventure. En effet,  celui d’Antoine j’ai laissé tomber car c’était le prénom d’un de mes ex, d’ailleurs il était sans complexe celui-là. Donc mauvais souvenir encore une fois. Je reste là à me lamenter sur mon pauvre et misérable sort. J’ai la poisse tout simplement et cape  ou pas cape ?

Au pied du château, elle a bon dos cette eau verte, sous laquelle elle s’est offerte. Elle se croyait en pure perte. Jolie phrase en perspective cet extrait de littérature sans villégiature.

Alerte j’enjambe le pont et je suis prête…Puis un BOOM un bruit assourdissant venu du ciel me sort de mon intention et mon dessein saugrenu.  Non mais quel est cet idiot qui a foutu mon projet à l’eau !

Dans un grondement séculaire, je vois chuter de je ne sais où,  tel un ange tombé du ciel, cet illuminé dans cette eau verte probablement froide en cette fin d’après-midi. Et je n’ai pas d’autre choix que de m’y jeté pour de bon dans ce torrent  qui m’a attiré si subtilement. Un plongeon tout à l’unisson, un sauvetage qui déménage ! C’est voilà donc ce qui m’attend et sans perdre mon souffle et ma nage habile je l’agrippe machinalement. Cet étranger inadapté est paniqué mais il ne se laisse pas emporter par le courant virulent si peu accueillant. Accroché à mon bras il me suit dans une brasse tout en file indienne ! Forte  heureusement les badauds alentours emmitouflés sur leur canoë, pour qui  leur sang n’a fait qu’un tour,  m’aident dans ma rude entreprise héroïque qui aurait pu être tragique. 

   Les efforts faits dans l’urgence me font oublier ce pour quoi j’étais là en cet instant fugace. Aucune autre trace d’ailleurs n’était visible sur ce visage innocent de ce drôle de zinzin pas virulent. Ce qui n’est pas vraiment banal c’est qu’il est nu ! Oui nu comme un ver ! C’est plaisant je l’admets puisqu’il est beau comme un Dieu ! Mais c’est indécent ! Moi jeune fille non je ne suis pas farouche mais il y a des enfants tout de même. Cette situation a un caractère comique mais je me dois de rester stoïque et sérieuse car il aurait pu y passer ! Après l’arrivée des pompiers et tout le tintouin.  Je l’accompagne aux urgences  où l’attente s’avère bien  longue. Il n’a pas de papiers d’identité et dans le lot il ne se souvient de rien ! Perte de mémoire ! Les médecins disent que c’est temporaire, et il a été victime apparemment de la foudre ! Oui la foudre lui est tombée dessus et comme par enchantement il a chuté comme ça dans l’eau de la Sèvre ! J’ai du mal à y croire mais pourtant c’est la vérité, puisque je suis le témoin principal. J’ai la guigne ou pas ? C’est à chacun d’en faire une interprétation.   

Je n’ai pas pu le laisser seul, je m’y suis attachée et je suis allé le voir tous les jours durant une semaine. Seulement il n’a toujours aucun souvenir, pas la moindre parcelle de sa vie ne lui est revenue. Mémoire floue. Un complet Trou Noir. Mais voilà il ne peut pas rester éternellement à l’hôpital, il n’est pas fiché, aucune déclaration de disparition inquiétante ou non n’a été faite à son encontre. N’aurait-il  pas de famille ? Il ne connaît donc ni son nom, ni son âge. Il doit avoir 25 ans tout au plus,  il possède  un visage de jeune premier, brun aux yeux si bleus. Il représente l’image type d’un ange à la peau si blanche et doté d’une musculature à faire pâlir d’envie.  Rien que d’en parler j’en suis toute émoustillée !

Le seul signe distinctif ce sont ses cicatrices sur ces épaules nues. En effet, ce n’est pas anodin et c’est donc à notifier dans le dossier « Avis de Recherche » de ce zinzin du pont de la Vallée.

Mais il lui faut un nom je ne vais pas l’appeler zinzin, éternellement. Quoique zinzin de l’espace c’est approprié puisque on ne sait pas d’où il est venu exactement. Extraterrestre ? Petit homme vert enchanteresse?  Nous avons opté pour Valentin. Val comme le début du mot « Vallée » et puis un hommage  à ce joli coin : la Garenne Valentin, ça rime bien.

Je l’avoue je suis un peu jalouse de toutes ses minettes d’infirmières qui n’ont de cesse de venir le voir pour des raisons bien futiles parfois ! Mais c’est Moi, Hyacinthe qui m’est mise d’astreinte à m’occuper de son cas. Ce petit regard de chien battu pour qui j’ai complètement fondu. Je l’ai donc emmené chez moi, enfin, je devrais plutôt dire chez mes parents car je n’ai plus vraiment de chez moi à présent.

J’avais envie de revenir vers ma commune de Monnières dans la ferme de mon enfance. Mes parents ont continué à l’exploiter tout en ayant innové. Ils ont transformés quelques dépendances et grange en une Ferme Auberge baptisé « L’îlot voyageur ». C’est un sacré boulot mais aidés de mes deux frères et leurs épouses je peux dire que ça marche drôlement bien pour eux.

Ce lieu en bordure de la jolie rivière de la Sèvre est agrémenté de quelques îlots où j’aimais tant m’évader dans ma jeunesse. Fougueuse à souhait et rêveuse. Voilà ce que j’étais.

Il a fallu que j’explique à mes parents ma drôle de mission  et ils ne furent pas trop consternés de l’arrivée de cet étranger. Est-ce à cause du fait d’être constamment en face de situation plus ou moins cocasse qu’aujourd’hui plus  rien ne les tracasse ?  Est-ce la campagne qui fait cela ? Car les gens ruraux ont la mauvaise réputation d’être des fouineurs de première, les cancans font vite le tour dans ce bourg. Des messes basses sur le parvis des églises, aux pies jacasses sur la place du marché, sous les Halles où tout s’étale à volonté.

J’en suis désolé ce bel apollon tout en bas collant est pour moi mesdames ! Je vous somme donc de rendre les armes et mon âme avec !

J’ai eu le droit à des présentations en bonne et due forme avec ses parents, Line et Christian des gens plaisants. Puis de ses frères, jumeaux en l’occurrence,  Christophe et Bastien tous deux mariés à des charmantes jeunes femmes : Lucie et Marine. Et déjà deux enfants chacun, un garçon et une fille. Ils ont fait les choses bien, une famille tout ce qu’il a de normal et une réussite exemplaire. Ça rigole dur dans les chaumières. Et cet endroit a vraiment tout pour plaire ! Cadre campagnard en plein vignoble rien d’ignoble quoi ! C’est calme reposant et serein. En compagnie des animaux de toutes sortes ! Vaches, veaux, ânes, poules, coqs, cochons, lapins, chiens, chats et tout le tralala…Un vrai zoo fermier bien animé.

Une auberge par-dessus le marché à s’occuper, 4 chambres bien restaurées,  tout est mignon à souhait. Cette gentilhommière a quelque chose d’accueillante, il y’a une ambiance familiale si frugale ! Je n’ai qu’une envie demeurer  ici  pour le reste de ma vie  avec en toile et raison de fond Hyacinthe.

Le paysage comme les menus, sont un délice et une ivresse de chaque instant. Cette convivialité, c’est le summum pour un seul homme j’apprends tel un nouveau-né de vraies nouveautés.

Manger aurais-je oublié ce que c’était ? Courir, sourire, frémir, et aussi …aimer ?

Ressentir ces menus plaisirs, tout ce qu’elle m’a fait découvrir en si peu de temps est un bonheur de court instant, je le sens. Je sais que je n’ai pas ma place ici dans ce lieu fugace, il ne faut pas se voiler la face. Bien que  je ne sais pas qui je suis, je n’ai pas de vie, c’est cela qui me pose soucis. Cela ne fait aucun pli, je vais devoir tout quitter car j’en suis obligé.

Ma vie est devenue si compliquée ses derniers temps.  Je n’ai pas un physique attirant,  j’ai beau être blonde aux yeux bleus, enfin je devrais me décrire,  châtain clair aux yeux  bleus gris ternes.   Qu’est-ce que j’ai fait d’intéressant jusqu’ici ? Je vais coiffer la catherinette à la fin de l’année. Au chômage depuis peu, je n’étais qu’une simple secrétaire dans une entreprise de transports aux alentours de ville de Nantes. Située au cœur d’une zone industrielle, auréolé de senteur de fumées nauséabondes qui inondent nos eaux profondes.  C’est ce à quoi j’avais le droit, installé dans mon petit bureau propret face à cet écran trop grand et le téléphone en fond sonore. Les va et vient de cette porte coulissante d’allées et venues sans déconvenues. Sourire et mentir. Patron en réunion. Ou plutôt patron en rendez-vous particulier, en toute intimité, si vous voyez ce que je veux dire. Et moi je me suis éprise du beau fiston du patron, était-ce une bonne prise ? Non mauvaise méprise. Cela n’a duré qu’un temps, emménagement en duo d’un petit couple sans découpe dans un bel appartement standing tout confort, Appartenant à beau papa et belle maman, il était résolument bien trop grand. Il a suffi d’une belle nénette, fille d’un bon ami à beau papa de surcroît pour chambouler tout ça ! Prise de vue et mauvaise bévue ! Elle a pris ma place dans tous les sens du terme ! Boulot, logement  et le cœur  sauvage d’un tendre et vulgaire pauvre type ! Et me voilà dans une solitude en toute béatitude.

Et là il me regarde avec son regard complaisant, un petit sourire au coin des lèvres et ce petit je ne sais quoi qui le rend si attirant. Je lui narre mes déboires, mes rêves d’enfants et il m’écoute avec son air condescendant.

« Tu sais quand j’étais petite fille j’adorais venir me réfugier ici, dans mon arbre, ma cabane c’était mon château. Mais ce à quoi je rêvais c’était des voyages, je voulais m’évader  et vois-tu j’avais tout consigné dans un cahier. Des photos représentant des villes de tous les continents. Je voulais parcourir le monde en volant ! J’imaginais qu’un petit être genre angelot  apparaissait sur un chariot  aérien rutilant et m’amenait avec lui faire le tour du monde. Je possédais une petite poupée Hôtesse de l’air, que j’adorais emmener et qu’est-ce que je l’ai fait voltiger ! D’ailleurs je voulais en faire mon métier, puis j’ai tout foutu en l’air.»

Elle rit alors à gorge déployée si captivé de se remémorer les histoires qui n’était qu’une pure invention d’une fillette vagabonde.

Elle me montre cette petite cabane en bois qui résiste encore dans cet arbre, après quelques années. Sur ce petit îlot tranquille, cette sorte d’oasis gorgé de vaguelettes d’où coule de cette rivière qui se cache comme si elle n’aspirait qu’à s’enfouir sous terre. Elle est cernée de ses bains de Diane, envoûtantes à l’aspect morbide. Des bras squelettiques cherchant à se saisir de votre corps pour vous attirer  dans les profondeurs mystérieuses de cette eau qui sommeil.

 A côté de l’ombre de cette mini forêt, traversée par des chemins de sentiers,  s’ouvrent l’immensité d’une verdure, vestige d’une nature habitée.  Des petits prés sont décorés de fleurs et d’ornements variés aux arômes naissants. Quels merveilleux symptômes ! Des chants d’oiseaux aux couinements reposants, des ronds dans les flots, des bulles d’un écosystème dont j’ignorais l’existence. Quel majestueux royaume au sein d’une petite chaumière où transpirent les désirs les plus insidieux. L’envie est à découvert, celui du ressenti méconnu, qu’il soit  tactile, sonore et jouissive à souhait.  Tous ces petits riens exaltants ma vision et mes narines, j’en jubile. Elle est si belle sous ce soleil, et mon cœur bat. La foudre a vraiment été un coup bat pour moi.

Je parcours les coins de mon si beau vignoble nantais avec Valentin. Je lui fais  découvrir le centre de Clisson, ma jolie cité que j’ai jalonnée des milliers de fois de mes petits petons fragiles et mes talons d’argiles. La petite ville d’Italie nommée ainsi puisqu’elle a la caricature de ce pays où je n’y ai jamais mis les pieds. Donc je dis  merci aux frères Cacault et à Monsieur Lemot de cet avant-goût égaillant et lumineux. Un peu de soleil dans ce monde de brut c’est si plaisant et rassurant.  Des moulins aux parcs, chapelles et châteaux tout y est passé afin que lui parviennent une bribe de son histoire.  Nous sommes tous les deux cois d’émotion et c’est une fiction qui nous donne des frissons.  Des ruines, des rives boisées, des buissons escamotés, des berges et des maisons de pierres ceinturées, bref je suis saturée de toute cette beauté ! La fantaisie se trouve mêlée dans un silence coloré en toute volupté. Même le temple de l’Amitié y’est passé. Mais aucun effet, son cerveau est en  Stand-by Complet.

 Puis au détour de nos parcours deux pêcheurs scrutant des objets mystérieux jonglés au sol, ont attirés notre attention. Qu’est-ce qui fait donc le sujet de cet attroupement ?  C’est le fruit d’une bien curieuse trouvaille qui a attiré tous ces passants, des ailes immenses, un arc et un carquois vide.

  • Coucou Emilie, Tu m'as fait douter, mais en fait oui, tu sais en page d'accueil, tu as les concours dont le sas concours j'ai lu, et quand tu regardes les participations et bien l'ilôt voyageur, et bien il fait parti des contribs (c'est la 13ième si je ne m'abuses) c'est comme ça que j'ai lu ton texte...

    · Il y a environ 13 ans ·
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    joann

  • Emilie, le texte est magnifique tout simplement...Je l'ai vu dans le concours SAS...Erreur ou non ? En tout cas, magnifique texte Emilie, chapeau bas !!

    · Il y a environ 13 ans ·
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    joann

  • très très belle lecture
    riche, poétique, de si belles rimes intérieures,
    même si la fin est, certes, attendue.. qui n'aime pas les contes ? c'est si bon :-)
    merci
    (ps très beau partage abdelaziz)

    · Il y a environ 13 ans ·
    Img 0012

    ristretto

  • Merci Abdelaziz pour la recommandation ! J'ai tardé à venir à ce texte - pour des raisons qui ne tiennent pas à lui - mais je suis heureuse de m'en être délectée ce matin. Beau style, belle imagination ! Continue Emimus !

    · Il y a environ 13 ans ·
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    Gisèle Prevoteau

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