LOUISE 10 ....garce et fragile

« L'amour est peut-être la plus belle forme du dialogue que l'homme a inventé pour se répondre à lui-même. » 

Roman Kacew dit Romain Gary

L’amour n’existe pas, ou du moins pas entre ces deux là, enfin pas encore .Parce que à les croiser, ainsi collés l’un à l’autre, dans la froidure de la capitale, on ne peut qu’être un instant interpellé par l’amoureusement incorrect de ce couple anonyme .Bravant les fins cotons neigeux virevoltant, il la serre dans ses bras, étreinte des amours débutantes. Louise la terrible ne cherche nullement à échapper à ce rapprochement, bien au contraire .Son regard brillant augure d’une dérive non programmée, un attachement sentimental légitimé par la tendresse excessive des élans protecteurs de Romuald. Elle en frissonne, il s’en émeut.

« Avez-vous froid Louise ? Peut-être devrions-nous changer nos projets pour cette fin d’après-midi compte tenu du mauvais temps ?

-Mes frissons n’ont rien à voir avec le temps, c’est plutôt mon corps qui s’harmonise avec mes folles pensées. L’hypothétique me bouleverse, le confort que me prête votre douce étreinte est déroutant .J’ai presque envie de m’abandonner ! Mais je vous laisse noter le bémol, j’ai dit presque !

-Vous ne seriez plus Louise sans bémol !

-Mais dites-moi ! Si je vous suis bien, notre périple va se poursuivre en extérieur…Comptiez-vous me déguster en plein air, ou plus sagement tenter un effeuillage répréhensible ? »

Romuald retrouve la griffe de Louise, cette vivacité presque féline qui fait que chaque coup de patte peut s’avérer si ce n’est sanglant au minimum cinglant ! Mais il aime cette réactivité spontanée, révélatrice d’un intimement « je me protège pour ne pas souffrir ». Elle traduit une intelligence auto protectrice, mais aussi généreuse, par désir de préserver l’autre. Non point qu’elle se surestime, pense-t-il, elle n’est pas ce genre de femme à ne pas douter, mais plutôt lacérée par des expériences de vie amoureuse profondément marquées d’hypersensibilité, sûrement d’hyper sensualité. Par peur d’être aimée, elle préfère semer le doute, la confusion, le désordre dans l’esprit tourmenté se ses amants hypothétiques, quitte à en souffrir, quitte à en crever de douleur .Mais toutes ces réflexions ne sont guère que supputations, peut-être n’est-elle vraiment qu’une vraie garce qui consomme ses amants comme des mouchoirs en papier. Tente-t-elle d’étancher ses larmes de tristesse entre les bras d’amoureux chanceux ou malchanceux qu’elle séduit en toute impunité ?

Et pourtant, il aura fallu deux longues années, avant qu’elle n’accepte un rendez-vous, deux longues années pour qu’une relation épistolaire et stellaire aboutisse enfin à une rencontre, un tête à tête troublant, un corps à corps surprenant, un mal à mal délivrant …Une telle amante ne peut être garce, ou uniquement dans le but d’un jeu charnel dont elle maitrise à merveille les règles autoproclamées. Ses nébuleuses réflexions le guident sans complexe à la question, la seule peut être à ne pas poser.

« Louise, avez-vous déjà été amoureuse ?

La réponse à ses questionnements existentiels ne se fait pas attendre !

« En quoi cela vous regarde-t-il Romuald ? Je vous trouve bien indiscret !

-Avouez que deux ans …

-Deux ? Trois… !

-Trois ans ? Avec vous, je ne vois pas passer le temps…

-Avouez que vous ne m’avez jamais vraiment bousculée pour obtenir un rendez-vous. Je suis femme de passage, pas très sage, un peu garce !

-Délicieuse garce !

-Les garces ne tombent pas amoureuses au risque de perdre leur statut de garce, vous ne pensez pas ?

-Vous excellez, plus le temps passe, plus vous me plaisez …Répondre à une question par une autre question, est-ce une règle impérative chez vous. Louise, avez-vous déjà aimé un homme ?

-Ah nous voici au parking ! Me direz à la fin où nous allons ? »

Il n’en saurait pas plus .Louise a du mal à cacher son trouble. Elle semble soudain entrainée dans un déséquilibre émotionnel dont elle n’a jusque là manifesté aucun signe .Comme elle a du souffrir pour ainsi tenter de camoufler la torture encore bien présente d’un salop …lui Romuald, il aimerait piétiner ses souffrances, assainir l’atmosphère douloureuse encore bien présente .Il s’y emploiera, il a toute la patience pour cela. Il a bien attendu trois ans avant de la rencontrer. Inoubliable rencontre avec une garce si garce, mais si fragile !

« Oui, je l’ai été, à en crever, n’en parlons plus. »

Elle est encore plus belle dans la douleur, encore plus bandante parce qu’émouvante, sincère, affolante de mystère, bouleversante d’émotivité.

Il lui ouvre la portière du véhicule, la regarde s’engouffrer avec féminité. Il pense tout fort, une fois la porte refermée… « Si tu savais comme j’ai envie de toi Louise, là, debout contre le mur »

 Elle n’a pas entendu , mais  elle lui sourit tendrement , une émotion qu'’elle ne lui avait jusque là pas prêtée ! Il s’en émeut !

Assis, à sa place conducteur, il ne dit plus un mot …Il tait ses envies, il tait sa folie .Louise le regarde en silence …Et si c’était cela le bonheur pense-t-il, ces instants où les cœurs se rencontrent sans y être invités !

Rompre la bulle !

« Bien, un indice, nous allons dans le XX ème…

-Vous oubliez que je ne suis parisienne que par intermittence …Belleville, Ménilmontant ?

-Oui aussi, mais ….vous verrez ….vous préférez rentrer ?

-Allez roulez, j’aime les surprises et cessez donc de douter , le doute m’exaspère ! »

A suivre…